Evénement n Clint Eastwood a fait une entrée fracassante, mardi, au Festival de Cannes avec L'Echange. Le film est une fresque éblouissante sur l'Amérique des années 1920 où Angelina Jolie campe la mère d'un enfant kidnappé, en butte à l'incurie des institutions. Très applaudi par la presse le matin, «L'échange» est un ambitieux film-fleuve (2H21) où Angelina Jolie trouve à 32 ans son meilleur rôle, celui d'une mère-courage dans l'Amérique sexiste des années 1920. Produit et réalisé par Eastwood qui en signe aussi la musique, le film s'inspire d'un fait divers sur lequel l'acteur-réalisateur de 77 ans, quatre fois oscarisé, s'est documenté. Angelina Jolie y est Christine Collins, une standardiste et mère célibataire dont l'enfant âgé de neuf ans, Walter, disparaît à Los Angeles un jour de 1928 alors qu'elle est au travail. Cinq mois plus tard, la police lui ramène un garçon qui prétend se nommer Walter Collins, mais n'est pas le sien. Christine tente alors de faire éclater la vérité, mais une police corrompue, habituée aux méthodes musclées, décide de redorer son blason en bouclant l'affaire et en enfermant la mère rebelle dans un hôpital psychiatrique. Un prêtre charismatique (John Malkovich) puis un avocat déterminé viennent à son secours et l'affaire rebondit avec l'arrestation d'un assassin d'enfants. De facture hollywoodienne classique avec son récit linéaire et ses scènes de bravoure à la dramatisation appuyée, «L'échange» impressionne par sa peinture des injustices produites par la société américaine des années 1920. Il met en lumière le traitement réservé aux classes populaires et en particulier aux femmes et aux enfants, faibles parmi les faibles, par les institutions policières, judiciaires et psychiatriques. Police, justice, prison et surtout hôpital, où camisole de force, drogue et électrochocs font office de traitement, sont des machines à broyer toute rébellion sociale autant que des institutions démocratiques, nous dit Eastwood. «J'aime remettre les choses en cause, ce genre d'histoire ne peut que m'intéresser car elle recèle beaucoup de conflits», a affirmé à la presse un Eastwood qui n'a «pas envie de raconter des histoires à l'eau de rose». La maltraitance des enfants, magistralement évoquée dans son conte tragique «Mystic River» (2003) qui mettait en scène des victimes de pédophiles, affleure aussi dans L'échange.