De notre envoyée spéciale à Cannes Dominique Lorraine Clint Eastwood a démarré le festival en assistant à l'hommage rendu à un des cinéastes les plus importants de notre époque, le doyen portugais Manoel de Oliveira, 100 ans au compteur. Première œuvre en 1931, Douro fluvial, dernier film sorti Christophe Colomb l'énigme, en 2008 et en finition le Miroir magique. Une Palme d'or pour l'ensemble de sa carrière lui a été décernée. «Je suis allé à un hommage hier à Manoel de Oliveira qui a cent ans et je me suis dit : je suis un gamin, moi… j'ai encore vingt ans !» a déclaré en souriant Eastwood qui fête ses 78 printemps cette année. Il a également assisté à la projection en plein air sur la plage de Cher Harry, réalisé par Don Siegel en 1971, film qui a lancé sa carrière d'acteur. Puis il a fait une entrée très remarquée en compétition avec l'Echange (The Changeling). Tiré d'un fait divers sur lequel Eastwood s'est longuement documenté, cette monumentale histoire de l'Amérique des années 1920 révèle le traitement réservé aux classes populaires, et en particulier aux femmes et aux enfants de l'époque. Le jeune garçon de Christine Collins, issue des classes populaires (Angelina Jolie, prix d'interprétation possible), a été kidnappé. Elle se bat pour le retrouver, implorant la police de faire des recherches. Elle croit ses prières exaucées quand on lui rend l'enfant, mais s'aperçoit avec effroi que ce n'est pas le sien. Face à l'incurie des institutions, démunie face au scepticisme et à la corruption, elle trouvera le soutien d'un pasteur (John Malkovich) qui défend les plus démunis face à des politiciens véreux. La fin de l'histoire est hélas tragique. «J'adore raconter des histoires, et quand j'ai commencé à réaliser, il y a 38 ans, je pensais faire cela juste quelques années mais, de fil en aiguille, j'ai continué. Je suis de plus en plus derrière la caméra, et de temps à autre, je me mets devant mais de moins en moins. Maintenant j'ai des gens merveilleux devant la caméra», a expliqué Clint Eastwood à la conférence de presse. Mais ce film noir est aussi un appel à la résistance : quelle que soit l'époque, ne vous laissez pas faire, luttez pour vos droits et pour plus de justice et d'égalité. Cette fresque éblouissante donc (deux heures trente), avec Angelina Jolie en mère courage et John Malkovich en prêtre charismatique est en tout point remarquable, mise en scène fluide, caméra énergique, interprétation impeccable, scénario rudement mené, qui a déjà enthousiasmé les spectateurs, devrait séduire le jury. Détenteur de quatre Oscars pour Million Dollar Baby en 2004, Clint Eastwood, cinq fois en compétition, n'a jamais reçu de récompense à Cannes. Mystic River avec Sean Penn (président du jury cette année) était reparti injustement bredouille en 2003. Est-ce cette année la fin de la malédiction ? D. L. L'Algérie à Cannes ? Véronique Cayla, directrice du Centre de la cinématographie à Paris, a fait sa traditionnelle conférence de presse devant les professionnels du cinéma et les journalistes. Elle a salué la bonne santé du cinéma français en relevant que 42% des films agréés sont des coproductions, se félicitant ensuite de l'accord qui vient d'être signé avec l'Algérie. «Je suis heureuse que notre ministre de la Culture [Christine Albanel] ait pu enfin signer cette année un accord de coproduction avec l'Algérie, seul pays du Maghreb avec lequel nous n'en avions pas.» Elle a ensuite annoncé le nom du nouveau président de la commission d'aide du Fonds Sud (mis en place par le ministère français des Affaires étrangères et le ministère de la Culture et de la Communication) et qui, depuis sa création, a aidé plus de 400 projets de films du Sud). Ce sera le cinéaste tchadien Mahamet Haroun Saleh, prix spécial du jury au Festival de Venise en 2006 avec Darat, Saison sèche. Incontournable facette commerciale du Festival de Cannes, le marché du Film (10 000 participants venus de 92 pays) est, chaque année, le plus grand rendez-vous mondial en matière de rencontres, de négociations, de transactions… mais aussi de découvertes de projets et de films. Le continent africain y est bien représenté. On trouve aussi les stands du Maroc, de la Tunisie, de la Jordanie, de l'Égypte…Alors que l'Algérie a produit ou coproduit de nombreux films dans le cadre de manifestation comme «Alger, capitale de la culture arabe 2007», que certains films algériens sont sortis en salle en Algérie, avec un beau succès public pour quelques-uns, que d'autres ont été sélectionnés en festival, on a cherché en vain la représentation algérienne qui pourrait promotionner et vendre des films algériens de qualité et proposer des coproductions. Occasion manquée. On a tout de même rencontré des cinéastes pleins de projets, comme Yamina et Mohamed Chouikh, Saïd Ould Khelifa, Djamel Lazizi, Belkacem Haddadj, Amor Hakkar. Alors que la comédienne Rachida Brakni est la nouvelle égérie des parfums l'Oréal, le réalisateur d'Indigènes, Rachid Bouchareb (qui est aussi membre du Jury), a reçu le mardi dernier à Cannes les insignes de Chevalier de la Légion d'honneur. La cérémonie s'est déroulée en présence de Gilles Jacob, président du Festival de Cannes, et de Sean Penn, président du jury de cette édition 2008.