Sur décision de justice, un huissier, qui était connu sur la place de Paris pour ses «bamboches», devait saisir les pauvres possessions terrestres d'une personne couverte de dettes, qui faisait donc l'objet de poursuites judiciaires. Cette personne occupait, dans le XXe arrondissement, un tout petit logement situé dans les étages d'un immeuble lépreux. Ce jour-là, il y avait «saisie-exécution» sur les meubles, qui devaient être vendus pour payer les dettes. En présence d'un huissier. Celui-ci était là pour procéder à l'inventaire en compagnie du commissaire de police, après une procédure qui durait au moins depuis un an. Le serrurier était présent lui aussi. On sonne à la porte, mais personne ne répond. Le commissaire de police ordonne alors : «Ouvrez !», et le serrurier fait son office. Surprise : dans la chambre du petit logement, un homme est dans le lit. Mort ? Non, simplement endormi. Profondément. Sans doute cuvait-il son vin. Le commissaire, bon enfant, dit : «Ne le réveillez pas, c'est inutile. Enlevez les meubles !» De toute manière, on ne peut pas saisir le lit et on doit lui laisser, au minimum, une table et une chaise. C'est donc ce qui est fait. On dresse l'inventaire, on fait le procès-verbal, les déménageurs emportent les meubles, et on referme la porte. Le client – si l'on peut dire – dort toujours à poings fermés. Mais il a bien fini par se réveiller. Et il n'a rien compris en voyant que ses meubles avaient disparu. Il a cru qu'on l'avait cambriolé pendant son sommeil. L'huissier avait laissé un document, mais peut-être le «saisi» ne l'a-t-il pas vu. En tout cas, il était absolument furieux en arrivant au commissariat. Les policiers lui demandent : «Vous êtes bien M. X., demeurant à telle adresse ? — Mais pas du tout ! Je suis M. Durand-Dupont chauffeur de taxi. M. X., c'est mon voisin du dessus !» «On» s'était trompé d'appartement... Il ne restait plus qu'à lui rapporter ses meubles. Heureusement qu'il n'était pas parti en vacances, il serait peut-être rentré après la vente... Toutefois l'affaire ne s'est pas terminée là. Durand-Dupont a un camarade délégué syndical, à qui il raconte sa mésaventure. Le délégué syndical, ravi de tailler des croupières à la fois à un officier ministériel et au commissaire de police, en parle à un journaliste. (à suivre...)