Opinion n Pour Ouadi Boussaâd des éditions Inas et gérant de la librairie des Beaux-Arts d'Alger, pour imaginer le processus de la création éditoriale il faut reconsidérer la chaîne du livre. Une multitude d'interventions se font sur cette chaîne. Un jeune auteur débutant doit connaître comment se fait la longue élaboration d'un ouvrage car il suffit qu'un maillon de cette chaîne qui va de la plume au lecteur ne fonctionne pas pour que tout le processus s'arrête. Il est difficile, pour nos interlocuteurs, pour un jeune auteur de trouver ses marques dans un pays où le marché du livre est relativement pauvre. «Chez nous, nous ne sommes pas un pays de grande tradition de communication par l'écrit, donc tous les métiers en rapport avec l'édition ont beaucoup de mal à s'installer», affirme-t-il. Les maisons d'édition de plus ne fonctionnent pas d'après les normes traditionnelles de l'économie internationales, ce qui constitue un frein à la production. Il faut ajouter à cela : «Que 80% de la production est consacrée uniquement au scolaire, au préscolaire et au technique, moins de 25% est consacrée à l'édition en direction du grand public», dit-il. Il faut remarquer que dans les pays à grande consommation et ayant une longue histoire littéraire, c'est l'inverse qui se passe. La création éditoriale laisse une large part à l'imaginaire et à la fiction qui représentent les 2/3 de la production. «Un Goncourt est vendu à 400 000 exemplaires sans compter que le scolaire est lui-même nourri de littérature. Lorsque L'Etranger de Camus se trouve dans les programmes de terminale, c'est 400 000 exemplaires qui sont publiés tous les ans», dit-il. En Algérie où la littérature occupe une place secondaire, les œuvres de nos écrivains classiques sont étudiées sans prescription ni de style ni de tendances même si des extraits de Dib ou Feraoun sont inclus dans les ouvrages scolaires. D'après notre interlocuteur : «Pour un jeune auteur la voie est étroite, il est dans une véritable jungle d'autant que la production éditoriale ne consacre que 10 à 15% de ses activités pour les publications créatives ou ludiques.» La situation pour un auteur débutant est très complexe dans la mesure où il doit savoir avec exactitude à quelle maison d'édition il doit s'adresser pour être distribué dans un circuit précis car «les éditeurs ne peuvent pas tout éditer, ils ont déjà un programme et leur sensibilité propre. Les jeunes éditeurs de littérature sont en train de mourir parce que la littérature ne fait pas vivre son homme», commente-t-il. Selon lui, un jeune auteur doit s'armer d'une patience extraordinaire pour pouvoir se faire lire. Dans ce sens, les comités de lecture ont un rôle prépondérant dans la publication d'un ouvrage et la prise en charge du jeune auteur «Je reçois 50 manuscrits par an, si j'étais en mesure de vendre 1 500 exemplaires par titre j'en produirais 30 sur les 50 que je reçois. Or, aujourd'hui, je suis capable d'en faire éditer 10 au maximum tout cela parce qu'il n'y a pas de marché du livre», explique-t-il. La solution serait d'imposer un circuit ou un mode de fonctionnement qui permette au livre d'être accessible à tous.