Exiguïté n «J'habite dans une qadra ou kaskass (marmite et couscoussier», se plaint Noureddine, un quinquagénaire, rencontré à Staouéli un mois après la grève de la faim à laquelle il a pris part. La métaphore est peut-être exagérée, mais le terme est utilisé par tous les occupants de la cité HLM pour désigner leurs habitations, composées de deux pièces superposées. Un ensemble de 102 logements construit en 1958, dans le cadre du Plan de Constantine, initié par la France coloniale dans une vaine tentative d'éteindre le feu de la colère qui avait pris de toutes parts. Ceux qui en ont bénéficié, y vivent toujours, un demi-siècle après. Pour certains, c'est le cas de Nourredine, la situation est devenue intenable au fil des ans. Nul besoin de schéma pour comprendre le calvaire de l'homme et de sa famille. Ils sont 13 à s'entasser dans l'exiguïté de deux pièces construites l'une sur l'autre. L'aîné de ses enfants a fondé un foyer, ne pouvant supporter plus longtemps le célibat. Il est père de deux enfants. Avec sa femme, il occupe la pièce du dessus, à laquelle il accède par un escabeau de 50 centimètres de large. C'est que l'espace est trop précieux dans cette masure. Chaque centimètre est utilisé à bon escient. Une petite cuisine et des sanitaires sont aménagés à l'emplacement de ce qui, jadis, servait de courette. Un espace de quelques mètres carrés est gagné sur la route, au prix de nombreuses embrouilles avec les services de l'APC. «J'aurais dû ne pas écouter mon cousin qui m'a dissuadé d'implanter un bidonville aux Abattoirs», regrette le père de famille en descendant le minuscule escabeau qui donne accès à la chambre de son fils. De nombreux autres occupants des lieux, notamment des jeunes en âge de se marier n'en ont, semble-t-il, fait qu'à leur tête. Ils se sont installés dans un bidonville pour très peu de frais. Des tôles et des parpaings, et le tour est joué. D'autant plus que l'espace était disponible et à l'époque – dans les années 1990 – les autorités fermaient l'œil. On ne pouvait pas refouler des gens fuyant le terrorisme et venant se réfugier à proximité de la résidence ultrasécurisée de Club-des-Pins. C'est de cette manière que le bidonville des abattoirs est «né» et a «grandi». Au fil des années, les taudis ont poussé comme des champignons jusqu'à buter contre le mur même de la résidence d'Etat. Les derniers arrivés, ont élu domicile presque sur le lit d'oued qui longe la cité. «Nous nous tenons le ventre dès que nous voyons des nuages se profiler à l'horizon. Il suffit d'une forte crue pour que nos habitations soient emportées», appréhende un homme rencontré sur les lieux. Le lit du cours d'eau est aménagé en un caniveau profond d'environ deux mètres. Ses parois menacent de céder en plusieurs endroits, ce qui constitue un danger supplémentaire pour les résidents des lieux. Sans parler des eaux usées qui se déversent à ciel ouvert. Les odeurs nauséabondes et les maladies sont le lot quotidien des habitants. A partir des balcons de la résidence d'Etat, le spectacle désolant ne peut échapper au plus distrait des responsables…