Lueur n L'immense projet de logements sociaux participatifs, lancé en 1995, a fait naître un fol espoir parmi tous les laissés-pour-compte de Staouéli. Trois cent cinquante logements, c'est, certes insuffisant et loin de pouvoir satisfaire toute la demande, mais les plus démunis ont cru dur comme fer que cette fois serait la bonne. Les plus optimistes étaient les habitants de la cité HLM, construite dans le feu de la guerre de Libération nationale et ceux du bidonville mitoyen, appelé communément les Abattoirs. Ceux qui, depuis et avant l'Indépendance également, habitent des masures et des bidonvilles sur la côte, à l'autre bout de la ville, ont, eux aussi, cru que leur heure était arrivée et qu'ils allaient enfin quitter l'exiguïté et l'insalubrité qui ont été leur lot des décennies durant. Mais la déception était au rendez-vous au mois d'avril 2008, soit 13 ans après le lancement du projet, et rares ceux qu'elle a épargnés. Mais avant cela, le chantier a connu de multiples péripéties. Les travaux ont été interrompus, dans un premier temps, pendant de longues années, probablement par manque de ressources financières, pour ne reprendre qu'au début des années 2000. Hamid Ferhi, coordinateur du CCS, rappelle un autre impondérable : la rareté du foncier et la forte spéculation qui l'entoure ont amené les autorités à «amputer» le terrain d'assiette d'une importante parcelle pour servir à la construction d'un ensemble de villas… il n'empêche que la cité a été réalisée contre vents et marées. Les travaux sont presque achevés. De magnifiques bâtisses trônent aujourd'hui à proximité de la résidence d'Etat et d'un immense bidonville. Vint ensuite la répartition qui amenuisera à petit feu les espoirs des habitants. Au final, seuls 150 logements ont échu à la population de Staouéli : un quota réservé à la wilaya déléguée, un autre pour des sinistrés de Belouizdad… L'espoir fait vivre, dit-on, les habitants attendaient que la liste des bénéficiaires du maigre quota soit divulguée. «La liste n'a jamais été rendue publique. Ce sont les convocations adressées à certains bénéficiaires qui nous a mis la puce à l'oreille», explique Hamid Ferhi. «Acheminées de nuit, en catimini». Le bouche-à-oreille produit rapidement son effet. C'est la panique. Echaudés par les expériences précédentes, les habitants prennent les choses en main. «Il fallait faire quelque chose avant qu'il ne soit trop tard. Nous avions trop patienté», affirme notre interlocuteur. Le mouvement est donc lancé spontanément. Curieusement, toute la population de Staouéli y prend part. Par solidarité, même ceux qui ne sont pas dans le besoin, les commerçants notamment, baissent rideau, faisant de la coquette ville côtière, l'espace d'une demi-journée, une ville morte. Les femmes aussi ne sont pas en reste. La population de Staouéli confirme que sa réputation de «frondeuse» n'est point usurpée. A l'issue d'un rassemblement organisé devant l'APC, les propositions fusent. La plus extrême sera retenue : la grève de la faim. Une dizaine de pères de famille, parmi les plus démunis se portent volontaires et passent à l'acte. La scène peut paraître invraisemblable pour qui ne connaît de Staouéli que les terrasses de restaurants et leurs succulentes brochettes, les plages de sable fin, les luxueuses villas de Club-des-Pins. Mais cette action extrême n'est que l'aboutissement logique de décennies de privations, de frustrations refoulées et d'espoir trahi, vous diront ceux qui ont arpenté les sentiers boueux des Abattoirs, senti les émanations des égouts à ciel ouvert de la Côte et courbé l'échine pour entrer dans les minuscules maisonnettes de la cité HLM…