Résumé de la 2e partie n Le cortège accompagnant la mariée arrive au village, c'est alors que les musiciens entonnent le chant nuptial... Et moi, à la lueur rouge des foyers, je vis alors sur la terre conquise de l'autre côté du détroit, l'émir de Grenade descendant de sa jument blanche à la porte de ses palais où couraient les dentelles de marbre. Sous le porche immense qui rutilait, il dressa sa sombre et impassible silhouette ; ni les cris du peuple joyeux, ni la vue des trophées, ni la fumée des cassolettes qui l'enveloppaient d'un mystique nuage ne semblaient l'émouvoir. Il entra, laissant sur les dalles traîner ses longs éperons et, devant lui, les eunuques noirs firent tomber les voiles qu'ils soutenaient : les captives visigothes aux yeux de pervenche, les Provençales aux regards humides, les Italiennes couleur de marbres ensoleillés ; il pouvait choisir, elles étaient toutes là . Mais que lui faisait cet étalage de belles femmes ? Et, comme moi, du reste, il entendait, scandant le chant triomphal des clarinettes, le pas lourd des guerriers résonnant avec les tambours : ils descendaient déjà des Asturies, portant avec eux, comme un feu sacré, l'amour de leur patrie. J'entendis la masse noire de tous les opprimés battre les murailles de l'Alhambra et le cortège triomphal s'évaporant, je ne vis plus que le retour des Berbères vers ce Maghreb qui les avait vomis. Alors il me parut que les clarinettes gémissaient sur le mal-heur de leur race, pleurant, comme Boabdil, le trône perdu ; et jetant un cri aigu et modulé comme celui du cheval qui sent venir la mort, elles se turent brusquement. Le bruit de la Soummam qui, sans répit, coulait vers la mer, me parut étendre, sur tout ce peuple que tuait la civilisation de l'Occident, un vaste linceul, recouvrant d'une même uniformité grisâtre la splendeur et la décadence du Maghreb. Fatigués, les musiciens s'étaient tus, les enfants sommeillaient, le silence s'appesantit de nouveau plus lourd, maintenant que les feux éteints n'animaient pas la nuit sans lune. L'impression ne s'effaça point pourtant de mon esprit longtemps s'agitèrent à mes oreilles les frémissements des tambourins ; il y eut comme des ailes molles qui heurtèrent mes joues et je pensais que c'étaient les âmes de ceux qui ne sont plus qui se rappelaient à ma pensée. Avec le chant tour à tour triomphal et mélancolique des airs entendus qui revenaient très doux en mon esprit, je montais vers le ciel noir, où les fils retrouvent leurs pères et reposent encore leurs têtes sur le giron de ceux qui les ont tant aimés.