Mutation n «Je ne reconnais plus l'Algérien. C'est incroyable comme notre pays a changé, je n'en reviens pas franchement », affirme, avec beaucoup d'émotion, Louiza. Dans l'Algérie des années 70, le respect était un sport national. Dans l'Algérie des années 70, la tolérance était la règle. Dans l'Algérie des années 70, on ne harcelait pas les femmes. «On s'habillait comme on voulait, on pouvait sortir en minijupe sans que personne ne nous regarde de travers ou nous lance une vulgarité», témoigne Fatma Zohra. La femme était l'égale de l'homme, ou presque, et de ce fait, note Louiza, «elle pouvait fumer une cigarette ou siroter une bière à la terrasse d'un café ». «Personnellement, j'ai vu deux femmes en haïk à Oran en train de boire un pot le plus normalement du monde», ajoute-t-elle. D'après elle, l'Algérien était très tolérant. Mais pas seulement. «Il était très généreux aussi», observe Lyès, citant l'exemple de sa famille qui accueillait chaque soir les voisins «pour la séance quotidienne de télévision». «C'est qu'à l'époque, explique-t-il, rares étaient les familles qui possédaient un téléviseur. Mais la solidarité étant de mise, on ne pouvait en aucun cas priver ceux qui en étaient dépourvus du film du soir». Selon Lyès, les voisins étaient comme des frères : «Je mangeais très souvent chez nos voisins avec qui on partageait tout, vraiment tout». De son avis, cette complicité trouve son explication dans l'inexistence de matérialisme au sein de la société, «l'Algérien avait de l'innocence, il ne faisait pas de calculs». «Nous étions un peuple digne et noble comme me l'a si bien dit, et à plusieurs reprises, une Française avec laquelle j'ai travaillé au sein de la société Caterpillar. Nous étions sensibles et serviables aussi», enchaîne Mustapha. L'hospitalité était également une seconde nature chez l'Algérien qui ne se faisait pas prier pour rendre service. «Une fois, on a hébergé une famille française qu'on ne connaissait même pas. La mère de famille n'en croyait pas ses yeux d'ailleurs», témoigne Fatma-Zohra. Malgré son analphabétisme, «l'Algérien était très poli.» Last but not least, «il ne trichait jamais au travail et ne rechignait pas à l'effort», poursuit-elle. «On a perdu toutes nos valeurs et nos qualités, il n'y a plus de savoir-vivre ni de raffinement. Personnellement, j'en souffre énormément, je n'arrive pas à comprendre comment on est descendu aussi bas», conclut Louiza. L'art dans toute sa splendeur n De l'avis de Fatma Zohra, l'art avait toutes ses lettres de noblesse dans les années 1970. Des années qui ont vu les plus grands chanteurs arabes et occidentaux débarquer à Alger. «Tous les grands artistes de l'époque se sont produits à Alger. Ainsi nous avions eu la chance de voir de près et d'apprécier les Brel, les Moustaki et les Adamo, entre autres», dit-elle. Mais le spectacle qui l'a marquée le plus, c'était incontestablement le Festival panafricain : «C'était un show vraiment exceptionnel, extraordinaire.» Pour ce qui est du cinéma, Fatma Zohra affirme que les films étaient diffusés dans les salles d'Alger «quelques heures seulement après leur sortie».