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Exclusif : Les révélations de Medjadi (2e partie)
Publié dans Le Buteur le 23 - 02 - 2009

«Contre le Brésil et l'Espagne, ce n'est pas Saâdane qui a joué. C'est Guendouz et nous autres joueurs qui étions sur le terrain.»
* Que devenez-vous aujourd'hui ?
Je vis entre Menton et Lons-le-Saunier. J'ai ma retraite de footballeur professionnel et j'ai une affaire qui tourne à Menton. Je suis très proche de ma mère qui mérite vraiment beaucoup de bien. Je me suis rapproché encore plus d'elle depuis mon accident cérébral. Elle restait toute la nuit à mes côtés pour voir si j'allais bien. Elle a passé des moments difficiles depuis qu'elle nous a eus. Elle a vraiment galéré la pauvre.

* Vous comptez rentrer quand en Algérie ?
Je rentre au mois de mai prochain avec ma mère. Ce sera un vrai pèlerinage pour moi. J'irai voir toute ma famille pour connaître tout le monde enfin. Je ferai du porte-à-porte jusqu'à la dernière maison. C'est une nécessité pour moi après ce que j'ai vécu durant toutes ces années. J'irai aussi voir les responsables de la Fédération pour leur proposer mes services. Je suis animé d'une énorme volonté. S'il faut que je reste sur place, et bien je resterai jusqu'à la fin de mes jours.

* A quel niveau vous voyez-vous servir le football national à votre retour au pays ?
Vu mes relations en France, je me verrais bien travailler en relation avec les joueurs professionnels de l'EN. C'est ce qui m'intéresserait un jour. Mais je pense que la priorité, aujourd'hui, ce sont les jeunes espoirs. Je veux qu'on retrouve ces joueurs de talent qu'on avait avant comme Belloumi, Madjer, Assad, Guendouz, Merzekane… C'étaient des joueurs de qualité. Pourquoi l'Algérie n'en a-t-elle plus produit d'autres ? Ce sont des questions qui sont directement liées à l'organisation de la formation chez les jeunes.

* Pensez-vous que les locaux de l'époque avaient leur place en France ?
Des 16 joueurs locaux qui composaient l'EN de mon époque, à mon avis, tout le monde pouvait jouer en Ligue 1 en France. Il fallait voir comment ils jouaient tous. C'est vraiment dommage pour l'Algérie car ils auraient pu faire parler du football algérien encore plus. J'ai vu Madjer et Assad qui avaient joué en France par la suite. Je peux vous assurer qu'ils allumaient le feu ces deux-là. Ils avaient introduit un nouveau style, un nouveau football, de très haute qualité. Je ne peux pas les oublier ces deux-là. Belloumi aussi était un peu comme Platini en France. Il était très timide, mais d'un talent incroyable. C'est un garçon que j'aimais beaucoup, même si ça avait été un peu chaud entre nous deux dans le vestiaire, après le match contre le Brésil.

* Que s'est-il passé ce jour-là au juste ?
On a eu des échanges de mots dans le vestiaire parce que certains joueurs m'ont accusé, tenez-vous bien, d'avoir touché de l'argent de la part des Brésiliens pour les laisser marquer leur but. De la rigolade quoi ! Vous vous imaginez l'équipe du Brésil venir me voir moi Medjadi pour les aider à battre l'Algérie ? C'était infect comme rumeur. Ben Mabrouk s'est mis de mon côté pour me défendre et c'est parti en vrille.

* Pouvez-vous nous raconter exactement comment ça s'est passé dès la fin du match ?
A la fin du match, on pensait, comme de coutume, à échanger nos maillots avec nos adversaires et à l'entrée des vestiaires, on a entendu des insultes et des mots peu tendres qui nous parvenaient du côté des joueurs locaux. Je ne peux pas vous dire exactement qui les avaient prononcés. Est-ce Belloumi, Guendouz ou un autre joueur ? Franchement, je ne saurais dire.

* Ils disaient quoi au juste ?
Qu'on avait été payés pour perdre le match et qu'on n'avait pas été assez bons. Des choses comme ça. Ce sont des accusations graves tout de même, non ?

* C'est bizarre comme on a voulu focaliser sur le 1-0 contre le Brésil et faire oublier la raclée de 3-0 contre l'Espagne, non ?
Moi aussi je pouvais me mettre à les accuser d'avoir vendu le match et les critiquer lorsqu'ils ont pris ce 3 à 0 contre l'Espagne. Surtout que je n'étais pas sur le terrain pour ce match-là. Mais j'étais assez professionnel pour ne pas verser dans ces bassesses. Je n'ai jamais fait de déclaration pour dénigrer le jeu ou le comportement de qui que ce soit. Contre le Brésil, on avait fait le match qu'il fallait, seulement il y a eu cette erreur d'incompréhension qui nous a coûté le match nul. Si le gardien m'avait parlé, j'aurais tout de suite fait le nécessaire, mais il ne m'a rien dit et l'autre est arrivé comme un fou pour nous prendre le ballon.

* C'était en plus le grand Careca, il ne faut pas l'oublier…
C'est vrai. Ce n'était pas n'importe quel joueur. Quelques jours plus tard, il avait signé à Naples pour jouer au côté de Maradona. C'était l'un des meilleurs joueurs du monde à l'époque. Moi, je pense que sur ce match-là, ce but mis à part, on a été excellents à tous les niveaux. C'est là que tout a été chamboulé. On aurait dû rester calmes et préparer le match suivant. Si on avait été aussi bons contre le Brésil, c'est qu'on avait des chances contre l'Espagne qui était d'un niveau nettement moins bon. De plus, en 1986, on était très attendus car, en 1982, le monde du football avait découvert le talent de l'Algérien. On nous attendait au tournant.

* En 1986, certains vous ont reproché aussi d'être venu en EN après les éliminatoires, un peu quand la guerre était finie.
Il faut d'abord se remettre dans le contexte du football en France de cette époque. Il ne faut pas leurrer les gens avec ces raccourcis. En 1986, il n'y avait aucune obligation faite aux clubs comme aujourd'hui avec les dates FIFA qui accorde aux joueurs de rejoindre leur sélection nationale. C'est quand même Monaco qui me payait, bon sang ! Je ne pouvais pas aller à l'encontre du règlement interne du club. J'aurais été en abandon de poste, je vous le répète. C'était mon métier après tout. Quel professionnel de n'importe quel autre métier peut se barrer du boulot sans l'autorisation de son employeur ? Il faut comprendre un peu cette situation. C'est pourtant simple, non ? Mais certains font exprès de parler de ça, pour jouer sur la fibre nationaliste du peuple. Les gens sensés ne peuvent que comprendre.

* Et avant le match contre l'Espagne, il y a eu aussi quelques troubles au sein du groupe, non ?
Je vais vous expliquer comment on était logés d'abord pour mieux comprendre la situation. En fait, à l'hôtel, on était séparés : les pros dans un bloc et les locaux dans un autre. On avait en fait nos balcons face à face. C'est la veille du match contre l'Espagne qu'il y a eu des échanges de mots entre nous des balcons.

* Il y avait qui contre qui ?
De notre côté, il y avait Ben Mabrouk, Harkouk, qui ne comprenait pas un seul mot car il ne parlait que l'anglais et moi-même. De l'autre côté, on avait en face Guendouz en tête, Belloumi et d'autres joueurs.

* Qu'est-ce qui se disait au juste entre ces deux clans ?
Ça tournait toujours autour du pays. Ils nous disaient qu'ils étaient les vrais Algériens, les gens du pays et qu'on n'était que des renégats et tout. Et de notre côté, c'était plutôt allez vous faire voir et des trucs comme ça.

* Qui a commencé les hostilités ?
C'est Guendouz, suivi de Belloumi.

* Il ne vous aimait pas Guendouz ?
Attendez, on savait très bien dès le départ que les pros n'avaient pas la cote chez les joueurs locaux. Le seul à avoir été épargné c'était Dahleb. Et pourtant il avait fait la même carrière que nous tous. On ne comprenait pas tout ce refus et toute cette haine.

* Vous êtes quand même aussi algérien qu'eux !
Mais allez leur expliquer cela ! Vous savez, même un joueur qui refuse de jouer pour l'Algérie gardera toujours cette étincelle de l'Algérie en lui. Vous n'avez qu'à voir Zidane. Il a joué toute sa carrière pour la France, mais cela ne l'a pas empêché de garder l'Algérie dans son cœur. Alors, pourquoi déroule-t-on le tapis rouge à Zidane qui a refusé de jouer avec la sélection algérienne et insulte-t-on des joueurs comme Ben Mabrouk et moi qui avions la possibilité de jouer pour la France et qui avions opté pour l'Algérie ? Ce sont des choses que je ne comprends pas. On en fait plus pour lui que pour des joueurs qui se sont battus pour leur pays.

* A propos de Guendouz, il a affirmé dans Le Buteur que Rabah Saâdane était à l'origine de l'élimination de l'Algérie au Mexique, à cause de sa «faible personnalité ». Vous êtes d'accord avec lui ?
Il faut rester sportif et gentlemen jusqu'au bout. Moi je dis stop à ce genre de mensonges. Si on a perdu contre le Brésil et contre l'Espagne, je pense que c'est la faute aux joueurs et pas celle de l'entraîneur. Saâdane avait des joueurs compétitifs, il a fait ses choix, il nous a donné les consignes qu'il fallait et tout. Ces sont les joueurs qui avaient joué, pas lui. Que pouvait-il faire d'autre ?

* Et sa personnalité, vous en pensez quoi ?
Moi je me demande surtout si Guendouz a toujours été à la hauteur en EN. Je ne veux pas les énumérer comme il le fait pour les autres. Contre l'Autriche, en 1982, n'y était-il pas pour quelque chose dans ces buts ? Alors qu'il arrête de s'en prendre aux hommes qui ont tout donné pour l'EN. Dans un match on peut faire 89 minutes excellentes et en rater la dernière. Il ne faut pas dire qu'il a été mauvais.

* Est-ce qu'on peut parler un peu de votre famille ?
Il n'y a pas de souci.

* Vous avez des frères, des sœurs ?
Oui, j'ai grand frère qui s'appelle Tahar qui est actuellement entraîneur des Espoirs de l'équipe de France de basket-ball, puis il y a eu moi qui viens après dans l'ordre des naissances. J'ai aussi deux sœurs plus jeunes que moi. Une qui vit à Besançon et qui travaille comme infirmière et l'autre qui tient un restaurant à dix kilomètres d'ici (Lons-le-Saunier, ndlr).

* Votre nom a toujours été une énigme pour le public. Vous avez deux noms de famille : Liegeon et Medjadi. Pourquoi donc ?
C'est difficile à dire ; même moi je ne peux pas vous l'expliquer. La différence est à chercher chez mes parents. Tout ce que je peux vous dire, c'est que, quand j'ai eu 16 ans, on m'a annoncé que mon vrai nom c'était Medjadi. Alors que jusque-là, dans ma tête, je m'étais toujours appelé Liegeon à l'école comme ailleurs. J'ai demandé à ma mère qui ne m'avait pas donné d'explication rationnelle. Elle tournait autour du pot pour ne pas me choquer. C'était tout de même bouleversant pour un gamin de 16 ans de voir son nom remis en question.

* A quoi aviez-vous pensé alors ?
J'ai tout de suite compris que c'était le nom de mon vrai père.

* Vos parents avaient donc divorcé, c'est cela ?
Oui, oui, ils étaient divorcés depuis qu'on était tout petits et ma mère s'était remariée avec Liegeon Maurice, mon beau-père. On m'avait donc donné son nom jusqu'à l'âge de 16 ans. Lorsque j'avais découvert mon vrai nom, j'ai demandé qu'on fasse le transfert et on m'a accordé ce double patronyme de Medjadi-Liegeon. Voilà tout. Mais c'était difficile pour un garçon qui n'a pas connu son père d'appendre qu'il existe et qu'il est vivant à l'adolescence.

* Vous avez revu votre vrai père depuis ?
Non, je ne l'ai jamais vu de ma vie.

* Et vous savez au moins s'il est encore en vie ?
On ne m'a donné de nouvelles de mon père qu'en 1986 lors de la préparation à la Coupe du Monde du Mexique. C'est là qu'on m'avait dit qu'il y avait une grande famille Medjadi du côté de Tiaret. C'est alors que je me suis dit qu'un jour, il va bien falloir aller faire un tour là-bas, histoire de voir de près ma famille.

* Vous irez à la recherche de votre père ?
C'est mon souhait, oui. J'aimerais bien le rencontrer un jour pour savoir qui il est vraiment.

* Il ne s'est jamais manifesté ?
Non, non, pas une seule fois. C'est ce qui m'a un peu surpris lorsque j'étais venu en 1982. Je m'étais dit que maintenant que je suis en équipe nationale, j'espère qu'un jour il va m'appeler pour me dire : « Voilà je suis ton père et que j'ai envie de te rencontrer ». Et là, ou on devient intime et on vit notre relation père-fils normalement, ou alors il reste lui en Algérie et nous en France, c'est tout.

* Sans être trop indiscret, vous êtes encore ouvert aujourd'hui ? Vous voulez le rencontrer au mois de mai par exemple ? Vous êtes prêt à pardonner ?
Mon problème est que je suis assez têtu. Pour moi, s'il y a bien quelqu'un qui s'est occupé de moi, c'est ma mère.
Lorsqu'elle s'est séparée de mon beau-père, elle s'est retrouvée seule à assumer l'éducation de ses quatre enfants. C'est là qu'elle a touché à nouveau le fond de sa vie. On lui a enlevé la garde de ses enfants pour les placer à la DDAS. Mon frère et moi avions été alors placés dans une famille d'accueil pendant quelques mois.

* C'est une famille française ou maghrébine ?
Non, française de souche. Nous avons été séparés pendant tout ce temps-là qui paraissait pour les enfants de notre âge une éternité. Ma mère a dû travailler dur avant de convaincre les services sociaux et nous récupérer. Elle a vraiment trimé depuis sa jeunesse pour nous élever. Aujourd'hui, de ses quatre enfants, aucun n'a raté sa vie, Dieu merci. Elle a fait de moi un footballeur professionnel, mon frère aussi, il sélectionneur de l'équipe de France de basket-ball tout comme mes sœurs qui ont réussi leur vie. Chacun a gagné sa place dans la société et cela grâce à notre mère. Ça va être difficile aujourd'hui pour moi d'aller à sa rencontre après tant d'années de séparation.

* Avez-vous gardé des souvenirs de votre enfance en Algérie ?
Non, rien. Les seuls souvenirs que j'ai gardé du pays remontent à l'époque où j'avais été sélectionné avec l'EN.

* Qui vous a contacté pour venir en EN ?
C'est Bendrama. Un vrai Monsieur celui-là. Lorsqu'il m'en avait parlé je n'en revenais pas. Je ne voulais pas le croire même s'il n'avait rien d'un rigolo, car une grande émotion m'avait envahi. J'allais enfin retourner sur les traces de mon enfance. Alors là, je ne vous dis pas quand on m'a appelé du bureau d'Air Algérie pour me dire d'aller récupérer mon billet d'avion. J'ai tout de suite appelé ma mère pour lui apprendre la nouvelle. Elle avait pleuré la pauvre ce jour-là.

* Que gardez-vous justement de ce jour où vous avez foulé le sol de votre pays pour la première fois depuis votre départ ?
Si je dois dérouler le film de ce jour, je dirai que ce jour-là était empli d'émotion. J'en étais submergé. C'est difficile de décrire cette scène avec des mots parce que ça faisait tout de même la première fois que je découvrais mon vrai pays.

* Vous étiez tout de même excité à l'idée de jouer pour les Verts, non ?
Il y avait trop d'émotion liée au pays pour que je pense au football. Franchement, il n'y avait aucune place ce jour-là pour le football. C'était trop fort pour penser à autre chose. Je vous dis que j'étais ailleurs. Je sentais tous les souvenirs de ma famille remonter à la surface. Ma pensée est allée vers ma mère et ma famille. Mais j'avais caché toutes ces émotions aux autres.

* Et dire que certains avaient cru que vous alliez laisser tomber l'Algérie pour jouer avec l'équipe de France.
Je comprends cela parce qu'en 1982, j'avais réalisé une excellente saison avec l'AS Monaco et on m'avait fait comprendre que je pouvais prétendre à une place au sein de l'équipe de France.

* Qui vous l'avait dit, votre coach ?
Oui, lui et le président du club disaient toujours que Liegeon pouvait bien faire partie de l'équipe de France. Mais dans ma tête, j'attendais secrètement un contact avec les Verts.

* Vous attendiez donc vraiment qu'on vous appelle d'Algérie ?
Oui, bien sûr ! J'étais quand même un des meilleurs espoirs du championnat de France. J'avais tout de même cette ambition de devenir international mais avec mon pays. Puis vint le jour où j'ai joué enfin mon premier match avec les Verts. Je crois que c'était contre le Zimbabwe si mes souvenirs sont bons. Alors là, je ne peux pas vous expliquer ce que j'avais ressenti ce jour-là.

* Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre accident cérébral ?
Il y a trois ans, j'étais au restaurant et d'un seul coup, je me suis effondré. Le Samu est arrivé et on m'a envoyé à l'hôpital de Lons-le-Saunier puis dans un centre spécialisé pour me remettre sur pied. J'avais perdu plusieurs facultés comme celle de lire ou écrire. J'avais même perdu l'équilibre. J'ai dû réapprendre petit à petit ces choses de base. J'avais perdu la sensation du chaud et même des trucs bizarres comme par exemple les prénoms féminins. C'était vraiment incroyable. Je ne savais plus comment s'appellent mes propres nièces.

* Comment vous en êtes-vous sorti ?
Je savais que ma vie n'allait pas s'arrêter comme ça. J'ai toujours été un battant sur le terrain et dans la vie. Je me suis donc accroché à la vie de la manière la plus ferme. A tel point que les médecins n'en revenaient pas. Aujourd'hui, je peux courir et même rejouer au football avec les copains. C'est vraiment extraordinaire ce que j'ai vécu.

* Aviez-vous attendu un signe de la part de la FAF ?
Sincèrement oui. Mais bon, je ne vais pas me lamenter sur un oubli ou une indifférence.
Avec ce qui vous est arrivé, on peut comprendre qu'un ancien international peut facilement mourir dans l'indifférence totale, sans que la FAF ou le MJS ne soient mis au courant.
Sans doute. Mon accident date de trois ans et je n'ai pas reçu un seul un mot de réconfort de la part des dirigeants du football algérien. Mais qu'on me comprenne bien aujourd'hui, je ne demande absolument rien à personne. Je dis juste que j'avais espéré recevoir une lettre ou un appel téléphonique de quelqu'un du bled pour me souhaiter un prompt rétablissement, c'est tout. Cela m'aurait poussé à faire encore plus d'efforts pour guérir. Mais bon, personne n'était obligé à le faire aussi.

* Vous leur en voulez un peu aujourd'hui ?
Vous rigolez ? Pourquoi en vouloir à quelqu'un alors que cet accident est un fait naturel de la vie ? Non, non, je n'en veux à personne. J'avais juste espéré qu'on m'appelle comme on appellerait un vieil ami malade. C'est tout. Vous savez, ceux qui ont connu l'hôpital savent de quoi je parle. Lorsqu'on est cloué au lit, on espère toujours que les potes et la famille viennent vous rendre visite. Ça fait toujours plaisir.

* Vous avez été international tout de même. Ça donne quand-même à réfléchir tout ça, non ?
Eh bien oui, ça doit donner à réfléchir aux jeunes qui arrivent en sélection ou qui veulent faire un pas vers l'EN. Mais bon, je crois que c'est une question d'organisation et le problème sera résolu.

* Rendez-vous donc pour le mois de mai ?
J'ai hâte d'y être. Je voudrais enfin dire aux Algériens qui m'ont témoigné de la sympathie depuis les années 80, que j'ai envie de frapper à leur porte pour dire à chacun d'eux merci du fond du cœur.

* Une ultime question. Vous est-il arrivé de couper une seule fois votre célèbre moustache ?
(Il rigole) Pas une seule fois. Je la garde depuis l'âge de 16 ans à ce jour. Non, non, j'y tiens beaucoup.
Entretien réalisé à Lons-le-Saunier par
Nacym Djender


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