Dérive n Passion, orgueil jusqu'au-boutisme, l'infantilisme des premières années de l'indépendance n'a, heureusement, pas laissé de stigmates profonds. Il a laissé à peine quelques traces, vite oubliées et dont on rit de bon cœur aujourd'hui. C'était, souvenez-vous, la confusion totale des genres et des natures, des droits et des devoirs, des compétences suspectes et des patriotismes lourdement affichés. C'est vrai qu'il n'y avait ni texte ni loi et encore moins de Constitution pour canaliser tous les abus et tous les dépassement commis, naïvement, au nom de la République et pis, au nom de la Révolution. Chaque responsable en poste avait sa petite «loi» derrière la tête et il l'appliquait quand bon lui semblait. Un sous-préfet (le corps des chefs de daïra n'était pas encore né) régnait dans son fief de manière presque absolue. Il pouvait, par exemple, loger et déloger qui il voulait et donner de la promotion à qui il voulait. Il n'avait de comptes à rendre ni à la justice ni à sa tutelle qui avait d'autres chats à fouetter. Un chef de kasma pouvait convoquer n'importe quel citoyen pour lui demander des comptes, il pouvait même intervenir dans les colonnes d'un journal au nom du parti FLN. Il y a eu malheureusement pire : dans une grande ville du pays, un commissaire du parti, membre du comité culturel, s'est carrément substitué aux services de police et a, d'autorité, fermé des bars au centre-ville. Et en ces temps troubles, un fonctionnaire surpris en train de consommer de l'alcool a été immédiatement renvoyé de son administration. On a vu, dans cette même ville, un préfet fermer une salle de cinéma pour l'affecter à un commerçant. Mais le comble est venu de ce préfet qui s'était mis en tête de purifier les mœurs en faisant des barrages routiers pour débusquer les couples illégitimes. Tous ces abus d'un autre âge, tous ces dépassements ridicules n'ont été possibles que parce que l'Etat était absent, en fait, il n'y avait pas d'Etat au sens moderne et juridique du terme. Le pays, au lendemain de l'indépendance, était dirigé par une poignée d'hommes qui sortaient d'une longue guerre de Libération nationale, qui avaient d'autres soucis en tête et qui affrontaient tous les problèmes en même temps. Voilà pour les pouvoirs publics. Au niveau des quelques institutions encore embryonnaires, ce n'était pas non plus la joie. A la banque par exemple, on ne pouvait obtenir de crédits… que si l'on était fortement recommandé et chaperonné par un client solvable et sérieux qui en garantissait le remboursement. Au bureau de poste, on ne pouvait envoyer un mandat de plus de 10 000 anciens francs à l'étranger. Il fallait signer un formulaire dans lequel on jurait qu'on n'avait pas envoyé de mandats semblables par d'autres bureaux de poste. Bref c'était, ici et là, la grande vadrouille mais ô combien compréhensible. PV d'huissier l L'état de nos routes est pour 60% dans la dégradation de nos véhicules. Certains nids-de-poule sont carrément des crevasses et pourraient même, en cas de pluie, créer des écosystèmes avec peut-être à la clef, plus tard, un morceau de récif corallien. Il existe dans nos grandes villes des avenues qui n'ont d'avenue que le nom. Celles-ci sont impraticables et lézardées dans tous les sens. Sur ces pistes, les véhicules sont si malmenés que quelques-uns s'immobilisent immédiatement. Un P-V d'huissier ferait peut-être réfléchir les élus.