Point de vue n Le Mois du patrimoine, rendez-vous annuel, s'étale du 18 avril – coïncidant avec la Journée internationale du patrimoine – au 18 mai – Journée internationale des musées. Chaque année, durant un mois, les institutions culturelles, notamment muséales, célèbrent le patrimoine dans sa diversité, c'est-à-dire qu'il soit matériel ou immatériel. Il se trouve que la célébration du patrimoine se fait dans un esprit purement folklorique. «C'est bien que tous les ans nous célèbrions pendant un mois le patrimoine», déclare Ouadi Boussad, éditeur et libraire (Librairie des Beaux-Arts), avant d'enchaîner : «Ce que nous pouvons regretter toutefois, c'est que cela reste protocolaire, officiel.» «Nous n'avons rien fait pour que cela s'inscrive dans les mœurs», ajoute-t-il. Et d'insister : «Il faut populariser le patrimoine. Il faut agir en faveur du patrimoine d'une manière active, et cela notamment dans les écoles.» Autrement dit, il faut mener des campagnes de sensibilisation auprès des jeunes et du citoyen en général. «Il faut arrêter d'user de la langue de bois. Arrêtons de folkloriser le patrimoine, de politiser la culture», dit-il. On parle, depuis quelques années, de sauvegarde et de restauration. S'agit-il de discours, ou y a-t-il vraiment des actes ? À cette question, Ouadi Boussad répond : «Il y a quand même des choses qui se font. On passe de la parole à l'acte, lorsqu'il s'agit de La Casbah où 18 entreprises mènent un travail de restauration avec de vraies expériences et un réel savoir-faire.» Notre interlocuteur se félicite du fait que ces entreprises chargées de la sauvegarde de La Casbah, vont se spécialiser pour acquérir des compétences dans le domaine de la restauration. «Il y a aussi des actions qui sont menées dans le domaine de la formation en matière de restauration et de sauvegarde. Des opérations qu'il faut encourager», indique-t-il. Toutefois, Ouadi Boussad regrette qu'une grande partie du patrimoine ne bénéficie pas de la même prise en charge que celle dont bénéficie La Casbah.«Le vieux bâti, celui spécialement de la période coloniale, n'est pas considéré par les autorités comme étant patrimoine», souligne-t-il. Et d'expliquer : «Parce qu'il y a cécité politique. C'est au nom des principes idéologiques que certains aspects de notre histoire, donc certains éléments de notre patrimoine, sont niés.»«Il faut faire un travail de réhabilitation, préconise-t-il, et cela ne peut se faire que s'il y a un travail d'éducation et d'information sur le vieux bâti qui est un autre aspect de notre patrimoine. C'est un legs historique.» l Fervent défenseur du patrimoine, Ouadi Boussad, pour qui «le patrimoine est notre quotidien», se désole de l'absence de toute volonté politique. «On fait tout au niveau des institutions pour décourager les initiatives individuelles. Les actions et opérations menées par les associations sont limitées», déplore-t-il. Et de préciser : «Le militantisme est une affaire collective». Cela revient à dire qu'il est du devoir de la société de s'impliquer. Le militantisme est un acte civique. Interrogé sur le manque de publications sur le patrimoine, Ouadi Boussad explique : «Il y a un esprit monopolitiste et bureaucratique qui règne au sein de nos institutions. Les autorisations ne nous ont pas été délivrées pour prendre des photos.» Et de regretter : «Mais quand un étranger veut faire des photos sur notre patrimoine, les autorisations lui sont délivrées.» Ouadi Boussad insiste sur la nécessité de considérer le patrimoine dans son ensemble comme «un facteur d'unité nationale», parce qu'il permet «de forger une identité». «Il est le ciment de notre identité», dit-il. Il met l'accent sur la liberté de s'organiser et d'agir en faveur de la préservation du patrimoine, loin de toute idéologie ou esprit bureaucratique. Il met également l'accent sur la formation dans les différents secteurs du patrimoine, notamment tous les métiers et le savoir-faire de la restauration.