InfoSoir : Bientôt, l?Algérie célébrera le Mois du patrimoine. Azzoug Fatima : En effet, du 18 avril au 18 mai, toutes les institutions et structures célébreront le Mois du patrimoine. Il faut savoir que ce mois coïncide avec deux dates essentielles. La première, le 18 avril, est la Journée mondiale du monument, et la seconde, le 18 mai, est la Journée mondiale des musées. Donc, nous avons décidé, depuis quelques années, de lier les deux dates, en organisant, un mois durant, diverses manifestations autour du patrimoine. Pourquoi un Mois du patrimoine ? C?est d?abord pour faire valoir le patrimoine culturel algérien, tant matériel qu?immatériel, dans sa diversité. Ensuite, c?est pour faire découvrir et connaître ce précieux capital aux citoyens. Nous voulons, à travers ce mois, faire prendre conscience aux citoyens que le patrimoine n?est pas une affaire propre aux institutions. Bien au contraire, il s?agit de l?affaire de tous, de la collectivité. Le citoyen doit tenir compte de son patrimoine, prendre conscience de son importance et s?impliquer davantage dans la préservation de sa mémoire, en défendant et en protégeant son environnement. Y a-t-il prise de conscience par le citoyen de son patrimoine culturel ? Le citoyen commence, en effet, à se rendre compte de la valeur et de l?importance de son patrimoine culturel. Il est vrai qu?il y a quelques années, il n?avait pas cette conscience de la valeur de son patrimoine. Nous, les professionnels, nous travaillons dans le domaine du patrimoine, nous percevons cette évolution. De quelle manière ? Je pense déjà avec les visites fréquentes d?écoliers. C?est un programme conjointement initié par le ministère de la Culture et celui de l?Education. Les sorties au musée font désormais partie des programmes scolaires. Lors de leur visite au musée, ils ont à leur disposition un guide qui leur montre la valeur des collections exposées. Y a-t-il vraiment une volonté politique pour la préservation de notre patrimoine culturel ? Il y a une volonté politique. Il existe des textes juridiques sur le statut de l?objet et du monument. Par ailleurs, l?enveloppe budgétaire a augmenté, ce qui a permis d?organiser des activités. Les expositions font partie du support de formation, d?enseignement pédagogique et de prise de conscience. On sensibilise le public, le citoyen à travers les expositions, on suscite son intérêt pour l?importance du patrimoine. On fait aussi les «valises muséales». On se déplace au niveau des établissements scolaires, on projette des diapositives, des petites conférences sur l?importance du patrimoine pour inciter les enfants par la même occasion à venir visiter les musées. Protéger un objet, ça fait partie de l?éducation du citoyen. Dans quelques jours, on célébrera le Mois du patrimoine. Qu?a programmé le Musée du Bardo ? Le Musée du Bardo a un programme annuel. D?ailleurs, le 24 mars dernier, nous avons inauguré une exposition sur les architectures premières. Le 28 avril, il y aura une exposition sur les miniatures de Aïcha Haddad. Le 18 avril, sont prévues les portes ouvertes sur les musées, et le 18 mai, une exposition sur la poterie modelée dans tous ses aspects et dans ses modes divers en Algérie depuis la préhistoire à nos jours. Ce sera un voyage à travers le temps afin d?avoir une idée générale de la poterie. Que sont un patrimoine matériel et un patrimoine immatériel ? Y a-t-il un rapport entre les deux ? Le patrimoine matériel, c?est tout ce qui est visible, palpable, à savoir monument, objet d?art, outils et références que l?on peut voir et toucher, tandis que le patrimoine immatériel, c?est tout ce qui est lié à l?oralité et aux traditions, à savoir chant, musique et pratiques sociales. Les deux sont indissociables. L?un implique l?autre. Les deux sont étroitement liés. L?on ne peut pas étudier un objet sans se référer à l?environnement et aux conditions dans lesquels il a été fait. Autour d?un objet, viennent se dire des rites, des gestes, des chants, des rituels, des pratiques? Le tout nous apprend l?objet. Qu?est-ce que le patrimoine ? Quel est son apport à la société ? Le patrimoine tant matériel qu?immatériel, c?est tout ce qui lie le citoyen à son histoire, à sa mémoire, à son identité. C?est une histoire, une mémoire, c?est tout un peuple, toute une société racontée à travers le patrimoine, c?est-à-dire à travers ses rites et ses traditions, ses monuments et ses pierres. Et montrer la diversité et la richesse de notre patrimoine, c?est mettre en valeur et en exergue notre histoire dans sa pluralité. Une société qui ne prend pas en considération son héritage culturel est une société qui ne peut exister en tant que telle ; elle sera vidée de sa substance. Le patrimoine, c?est le fondement de la société. C?est l?identité d?un peuple, c?est un repère culturel. Il faut reconnaître le patrimoine dans sa diversité, car c?est la diversité qui fait la valeur et la richesse de notre patrimoine. Et la reconnaissance de notre patrimoine, donc de notre culture dans sa pluralité, aide le citoyen à mieux avancer dans l?histoire, à s?adapter à son environnement actuel et à envisager son futur. (*) Directrice (conservatrice) du Musée national du Bardo