Résumé de la 65e partie n Mrs Sprot doit se rendre à Londres, Tuppence se propose de surveiller Betty... Tuppence avait projeté une promenade, mais il tombait des hallebardes. Aussi s'installèrent-elles dans la chambre. Betty la conduisit par la main jusqu'au bureau, dont le tiroir le plus bas abritait ses jeux. Nous allons jouer à cache-cache avec Bonzo ? demanda Tuppence. Mais Betty avait changé d'idée et exigea : — Me 'ire histoire. De l'étagère, Tuppence tira un livre assez déchiré, mais la gamine hurla : — Non, non ! Virain !… Mauvais Tuppence fixa sur Betty un regard ébahi, puis sur le livre : c'était une version illustrée du Petit Jack Horner. — C'est Jack qui était un vilain garçon ? demanda Tuppence. Parce qu'il avait volé une prune ? Mais Betty répéta, en accentuant les syllabes : — Mau-vais. (Et, avec beaucoup d'efforts :) Sa-a-a-a-le !… Elle arracha le livre des mains de Tuppence, le remit à sa place, puis tira un livre identique de l'autre extrémité de l'étagère et annonça, souriant triomphalement : — Pro-pre pe-tit Jackorner !... Tuppence comprit qu'une nouvelle édition, flambant neuf, avait remplacé l'exemplaire sale et déchiré. Cela l'amusa. Mrs Sprot représentait le type même de ce que Tuppence appelait «une mère hygiénique», une de ces femmes toujours agitée par la phobie des microbes et de la nourriture malsaine, et inquiète à la seule pensée que leur enfant puisse sucer un jouet poussiéreux. Elevée dans l'atmosphère libre et heureuse d'un presbytère de campagne, Tuppence nourrissait le plus profond mépris pour les tenants d'une hygiène maladive et, quand elle les élevait, elle avait laissé ses deux enfants absorber ce qui constituait, à son avis, une «quantité raisonnable» de saletés diverses. Elle n'en prit pas moins la bonne version de Jack Horner et la lut à la petite fille sans manquer, bien sûr, les commentaires d'usage. Betty gazouillait «Ça, Jack !... Prune !... Dans gâteau !» Elle montrait tout cela d'un doigt poisseux qui conduirait très bientôt le second exemplaire de Jack Horner à rejoindre le premier au rancart. On passa ensuite à la lecture de Petit jars, petite oie, puis à celle de La Vieille Dame qui habitait dans un soulier. Sur quoi Betty se mit en devoir de cacher les livres, et, à la grande joie de l'enfant, il fallut à Tuppence un temps incroyablement long pour les retrouver. C'est ainsi que les heures de la matinée s'écoulèrent avec rapidité. Après le déjeuner, on coucha Betty pour sa sieste. Et Mrs O'Rourke invita Tuppence dans sa chambre. La chambre de Mrs O'Rourke offrait l'image d'un beau désordre. Il y flottait un parfum de pastilles de menthe et de biscuits rances, mêlé à l'odeur tenace de l'antimite. Chacune des tables supportait des cadres contenant les photographies des enfants et des petits-enfants de Mrs O'Rourke, de ses neveux et nièces, et même de ses petites-nièces et petits-neveux. (à suivre...)