Alerte Toutes les statistiques font ressortir que la Kabylie est la plus touchée par ce phénomène en Algérie. Dans la seule ville de Béjaïa, pas moins de 300 cas ont été enregistrés ces 5 dernières années. Ce phénomène a pris, cette dernière décennie, des proportions alarmantes notamment en Kabylie. Cette «démission de la vie» est due, selon les spécialistes de la question, à l?absence de perspectives claires, à la mal vie, au chômage? Le suicide est, donc, en constante augmentation dans cette région. Ce n?est plus un acte isolé, mais il prend tout son sens par rapport à un contexte social, économique et relationnel. En l?absence de prise en charge de ce phénomène par des institutions officielles, le suicide continue à faire des victimes dans l?indifférence la plus totale des autorités et des institutions. Pendant ce temps, le phénomène prend des proportions inégalées notamment à Tizi Ouzou et Béjaïa, qui, selon les statistiques officielles, arrivent en tête de la liste macabre. Ces statistiques font ressortir des chiffres effarants pour la wilaya de Béjaïa, où 300 cas de suicides ont été enregistrés durant ces cinq dernières années, chiffre en deçà de la réalité puisque des suicides, survenant notamment dans les zones rurales, ne sont pas déclarés compte tenu du caractère spécifique de ces régions conservatrices où le suicide demeure un tabou et une honte. Selon les services de la santé de la wilaya, l?incidence des cas de suicide par rapport à la population de la wilaya de Béjaïa, est de 5,88 cas pour 100 000 habitants. La tranche d?âge la plus touchée est représentée par les personnes âgées de 15 à 35 ans (58,18 % de sexe masculin et 41,82 % de sexe féminin), soit 60% du chiffre global. Parmi les régions de la wilaya les plus touchées par ce phénomène, la daïra d?Amizour arrive en tête avec 82 cas depuis 1995 suivie d?Akbou avec 70 cas depuis la même période. Durant l?année 2002, la wilaya de Béjaïa a enregistré 42 suicides, la daïra d?Akbou se plaçant en tête avec 12 cas dont 11 de sexe masculin. Pour ce qui est des tentatives, pas moins de 68 cas ont été enregistrés au niveau des différents hôpitaux de la wilaya dont 22 à Béjaïa parmi lesquels l?on enregistre 18 suicidantes. Pour ce qui est de l?année 2003, le suicide dans la wilaya de Béjaïa a enregistré une nette régression comparativement à l?année 2002, ainsi donc, selon la direction de la Protection civile de la wilaya, le nombre des suicidés en 2003 a atteint 34 (30 de sexe masculin et 4 de sexe féminin) dont 31 en milieu rural. A relever que le suicide par pendaison est le plus fréquent (80%), viennent ensuite d?autres procédés tels que s?empoisonner par des produits toxiques ou pharmaceutiques, se couper les veines? A Béjaïa, la place du 1er-Novembre, ex-Gueydon, construite en 1928, lieu touristique avec vue panoramique sur la mer, est la destination privilégiée des désespérés qui s?y donnent la mort en se précipitant dans le vide d?une hauteur de 28 mètres. Selon les statistiques officielles 47% des suicides sont survenus dans ce lieu à raison d?une vingtaine de cas par an, ce qui a poussé nombre de personnes rencontrées, notamment Ami Ali, ce septuagénaire à la retraite qui passe son temps à regarder le trafic portuaire et le va-et-vient des bateaux depuis cette place, à dire : «C?est aux autorités de protéger les personnes en sécurisant cette place.» Notre interlocuteur a déjà été témoin, dans le passé, de plusieurs cas et tentatives de suicide depuis cette place. De tous ces suicides, la wilaya de Béjaïa retiendra ceux des travailleurs touchés par la compression des effectifs ; le plus frappant reste celui de l?employé des Galeries algériennes qui a mis fin à ses jours en se trouvant, du jour au lendemain, sans travail. L?année 2000 a été l?année noire où le nombre de suicides a atteint son summum avec 78 cas, ce qui a provoqué un véritable choc parmi les citoyens et les associations, et a poussé même un député de la région à poser une question orale au ministre de la Santé dans l?hémicycle de l?Assemblée nationale. Ce ministre a donné instruction à la direction de son département au niveau de la wilaya pour la réalisation d?une étude sur le suicide. Une commission locale a été alors instituée avec le concours d?autres services notamment ceux de l?action sociale, de la jeunesse et des services de sécurité, mais force est de constater que cette commission s?est contentée uniquement de recommandations telles que la nécessité d?ouverture de cellules d?écoute de proximité en attendant l?ouverture d?un centre spécialisé dans la commune de Boukhlifa.