Evolution n Au lendemain de l'indépendance, et grâce aux différents plans de développement, le nombre d'emplois est passé grosso modo, de un à vingt. Les salaires, évidemment, ont suivi. 800 DA par mois était considéré dans les années 1964 comme un revenu appréciable. Parce que le loyer ne dépassait pas les 150 DA, la pomme de terre était commercialisée à 2 DA, la viande ovine à 20 DA le kilo contre 25 DA pour la viande bovine. Les factures les plus «salées» en matière de consommation électrique, ne dépassaient jamais les 120 DA. Pour avoir une idée précise du coût des transports, une place en taxi collectif entre Oran et Mostaganem (75 km de distance) revenait à 15 DA, le prix aujourd'hui de 3 cigarettes en vrac. Et même une soirée abondamment arrosée en ces temps-là, ne dépassait jamais en groupe les 200 DA. La première vraie ruée sur les plages, les premiers vrais rushs vers le bord de l'eau datent de 1965. Après sept années de guerre et de sacrifice, sept années de sang et de larmes, les Algériens étaient en droit de se reposer et de goûter, eux aussi, aux délices du farniente, de la plage et des congés bien mérités. Des citoyens du grand Sud découvraient la mer pour la première fois de leur vie. Rares étaient les familles qui s'installaient sur le sable, sous un parasol, assis sur des chaises pliantes. Les estivants se contentaient, dans la plupart des cas, d'un panier à provisions, d'une bouteille de limonade et d'une pastèque qu'ils enterraient pour la fraîcheur dans le sable. Et comme il y avait très peu de voitures, il n'y avait donc ni parking ni gardien armé de gourdin comme aujourd'hui et encore moins de concession avec leur cafétéria, leur musique assourdissante et de très mauvais goût. Pratiquement, aucun car n'assurait la navette entre les plages, ce n'était pas encore dans les us et coutumes. Pour accéder à la mer, on utilisait ses propres moyens, à défaut, un clandestin. Il n'existait aucune structure d'accueil pour les estivants qui devaient se débrouiller seuls. Mais la sortie en valait la peine. Ni des m'as-tu-vu, ni jet-ski qui dérange ou cassette audio qui casse les oreilles. Le calme absolu, sur toute la ligne. Quelques Algériens s'étaient mis en devoir d'acheter auprès des services des biens vacants, le peu de cabanons laissés par les colons et complètement rongés par la rouille et l'humidité. C'était cela les premières vacances des Algériens. Un après-midi de grosse chaleur au bord de la plage, en famille le plus souvent.