Il n'y a visiblement pire ennemi de l'humanité que l'homme lui-même. C'est cette facette horrible que vient de montrer Israël à travers les massacres de la population de Ghaza. Mais plus qu'un vain mot, l'horreur a un visage. Si la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle a été commis l'Holocauste, est symbolisée par la sinistre figure d'Hitler, la tragédie palestinienne a un autre visage. Il s'appelle Shimon Peres. Il est connu que le chef de l'Etat en Israël a plutôt une fonction honorifique, mais le cas de Peres est différent pour la simple raison que l'actuel président israélien est détenteur, aux côtés de l'ancien Premier ministre assassiné, Yitzhak Rabin, et du défunt président palestinien, Yasser Arafat, du prix Nobel de la paix. Mais autres temps, autres mœurs. Car l'Académie du prix Nobel a décidé de décerner le prestigieux prix aux trois personnalités après les progrès réalisés par les accords d'Oslo en 1993 et ayant conduit notamment à la création de l'Autorité palestinienne. A l'époque, Peres était considéré comme un faiseur de paix. A-t-il changé entre-temps ? Ce n'est pas lui qui a changé, c'est plutôt le temps. Sinon, comment se fait-il que, maintenant qu'il est à la tête d'un Etat qui parle de droits de l'Homme, il reste insensible aux massacres d'enfants, de femmes et de vieillards ? La vraie question réside, en fait, dans la problématique de l'attribution de ce prix. Avant Shimon Peres, d'autres hommes, aussi inhumains, l'avaient reçu pour des «réalisations» autrement plus médiocres. Peut-on, en effet, croire qu'Henry Kissinger, l'ancien secrétaire d'Etat américain, décoré en 1973, alors qu'il a été contraint de signer la paix avec les Vietnamiens, était un homme de paix ? Peut-on comparer Kissinger, Peres et Nelson Mandela ? Ce n'est tout de même pas sérieux. C'est justement parce que ce n'est pas sérieux que de grands hommes, à l'image du Vietnamien Le Duc Tho –qui avait refusé le Nobel en 1973- ou encore du philosophe français Jean-Paul Sartre qui déclarait en 1964 -alors qu'on venait de lui annoncer qu'il avait reçu le prix Nobel de la littérature- que le prix n'est donné qu'aux «médiocres», avaient rejeté cette distinction. Si on n'est pas tenté de reprendre l'expression de Sartre (car des hommes comme Mandela ou Luther King méritent mieux que cela), il est clair que les critères d'attribution de ce prix sont discutables, voire contestables. Parce que, au-delà des actions conjoncturelles et autres déclarations de bonne intention, Shimon Peres n'est pas un homme de paix. Il est plutôt le chef d'un Etat criminel, un Etat qui tue des populations entières au nom d'une défense «contre le terrorisme». L'ancien ministre des Affaires étrangères sioniste vient de confirmer ses véritables intentions en clamant que ce que fait son pays n'est qu'en position de défense. Il peut le dire, mais il n'a pas raison. Parce que ce que fait Israël est un crime contre l'humanité. C'est-à-dire l'exact contraire des critères d'attribution du prix Nobel de la paix. Plus que la nécessité de retirer le nom de Peres des récipiendaires du Nobel, il doit être jugé, aux côtés d'Olmert, de Livni et d'autres criminels, par le Tribunal pénal international. A. B.