A. Lemili Ahmed Betatache, premier secrétaire national du Front des forces socialistes a brassé un peu de tout lors de la rencontre qu'il a eue, à Constantine dans la matinée d'hier au Palais de la culture Malek-Haddad, avec les militants. La rencontre avait quelque chose de particulier puisqu'elle était doublement placée sous la commémoration du 59e anniversaire du déclenchement de la révolution (1er Novembre) et du 50e anniversaire de la création du Front des forces socialistes. Un parti que le premier secrétaire a d'emblée tenu à débarrasser d'oripeaux qui font de lui, ou du moins ce qu'entretiennent des préjugés, un parti régionaliste. L'orateur revenant sur les conditions ayant prévalu à la naissance ou encore les acteurs qui en sont à l'origine, notamment Hocine Aït Ahmed, son fondateur. Le choix de la ville de Constantine pour cette commémoration aurait été dicté par l'impressionnant activisme politique réalisé par la base militante comme en témoigne la conquête de l'une des plus importantes APC de la wilaya à savoir Khroub mais également un siège au Parlement. Betatache a rappelé et insisté sur le critère essentiel qui fait la force du front : l'amour de l'Algérie, un principe intangible, inaliénable qui souligne que le choix fait par ceux qui y adhèrent ne l'est pas pour une question d'intérêt personnel étroit, vénalité comme c'est le cas dans d'autres formations politiques : «Au FFS on ne s'enrichit que politiquement», dira-t-il. Toutefois, le premier secrétaire du FFS reste conscient que l'Algérie prospère, stable, juste, à laquelle tout un chacun aspire et espère ne peut être sans une unité politique nationale «...D'où l'idée émise à l'issue du 5e congrès d'aller vers une reconstruction d'un consensus politique national», précisera-t-il, ajoutant «...reconstruction, juste pour rappeler que l'unité avait existé auparavant quand la décision a été prise de bouter l'occupant des terres d'Algérie.» Serait-ce toutefois la seule raison, n'y a-t-il pas dans ce qui s'apparente à un virage aux yeux des militants, une manière de justifier les rapprochements douteux, pour ne pas dire contre-nature, auxquels assiste depuis quelques semaines la base. Le terme unité est revenu à plusieurs reprises dans l'adresse de Betatache jusqu'à l'extrapolation dans la mesure où il évoquera dans la foulée l'unité régionale restée vœu pieu, l'échec étant imputé aux pouvoirs en place. Sur cet aspect précis de la question le premier secrétaire national du FFS renverra dos à dos le Makhzen et le (s) pouvoir(s) algérien dans les turbulences qui agitent périodiquement les deux pays. L'hostilité de part et d'autre où les raisons de celle-ci sont imputées à l'obstination des deux pays de faire des frontières qui les séparent un obstacle infranchissable alors que rarement des frontières n'auront été autant poreuses comme le prouvent quotidiennement les grands trafics criminels dont celui de la drogue, du carburant, et du cheptel. «En fait, le pouvoir s'est de tout temps réfugié derrière le fallacieux argument de la main de l'étranger pour justifier ses incohérences. Néanmoins, il ne faut pas occulter qu'au jour d'aujourd'hui nombreuses sont les manœuvres extérieures visant l'Algérie au même titre que ce qui a été fait en Libye, Tunisie, Egypte et en Syrie. L'objectif étant bien entendu de faire main basse sur les ressources de ces pays.» Sinon en raison de leur position géostratégique. Diabolisant le pouvoir tout en laissant affleurer une vague impression d'angélisation pour d'autres raisons, Betatache a eu l'art de réussir un exercice de funambule dans un discours que l'assistance buvait littéralement et surtout soutenait par des applaudissements quand il ridiculisait ceux (les pouvoirs) successifs en ironisant sur l'honnêteté des scrutins depuis l'indépendance. «La seule consultation populaire crédible, transparente et honnête à laquelle ont eu droit les Algériens fut le référendum du 1er juillet 1962», dénonçant ainsi toutes les élections qui ont eu lieu jusque-là et condamnant par anticipation toutes celles qui viennent, à commencer par la prochaine présidentielle. Il justifie la situation en soulignant «...qu'en l'absence d'un Etat de Droit, il relèverait de la gageure d'avoir des élections normales, de disposer de lois qui seraient respectées et par voie de conséquence de n'envisager qu'un seul instant que le pouvoir se résolve à admettre la nécessité d'une séparation des...pouvoirs. Les élections de 2004 et 2009 n'ayant apporté aucun changement dans la vie des Algériens, pour quelle raison ces derniers croiraient-ils en la prochaine ?» Le premier secrétaire national du FFS a, très certainement, réussi sa sortie à Constantine grâce à un art de tribune que n'ont jamais eu ses prédécesseurs et si la salle était comble, d'abord parce que tous ceux qui étaient-là, plus curieux de voir ce jeune cadre politique qui a succédé à des monstres sacrés du parti, ils en sont ressortis obnubilés. Indéniablement, le FFS a encore gagné des points à Constantine après le forcing ayant précédé les législatives de 2012. A. L.