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Une étude pour évaluer l'impact du phénomène sur l'économie algérienne
Mme Fadila Ghodbane, sous-directrice de la lutte contre la contrefaçon
Publié dans La Tribune le 01 - 12 - 2013


Badiâa Amarni
LA TRIBUNE : Aujourd'hui la contrefaçon prend de l'ampleur en Algérie, pourriez-vous nous faire un point de situation sur ce phénomène et sur les efforts des Douanes pour le juguler un tant soit peu ?
FADILA GHODBANE : Il faut d'abord préciser que la contrefaçon est un phénomène international et tous les pays du monde en sont victime, car il a profité de la mondialisation des échanges pour pouvoir faciliter le mouvement des marchandises contrefaites à travers la planète. L'Algérie étant un pays importateur de presque toutes les catégories de produits est aussi victime de la contrefaçon.
La douane a été pionnière en matière de lutte contre la contrefaçon parce que sur le terrain on est la seule institution de l'Etat qui active de manière importante contre ce fléau. Mais, il ne faut pas oublier que de par les textes il y a aussi les autres institutions de l'Etat, tels que les services du Commerce à travers la loi sur la protection du consommateur, de même que les services de sécurité qui sont habilités au même titre que la douane à réprimer ces actes de contrefaçon. Malheureusement, la réalité du terrain le démontre et cette mission est menée exclusivement par nos services.
De ce fait, les contrôles aux frontières ne suffisent pas pour assurer une protection parfaite du consommateur. La douane ne peut pas tout contrôler au niveau de ces frontières, et un nombre très important de conteneurs passent par nos ports, et avec les capacités de nos scanners nous ne pouvons pas actuellement aller vers les contrôles systématiques, d'autant que nous avons pour mission aussi de concilier entre la facilitation des procédures et le contrôle. Ce dernier est donc fait d'une manière intelligente, et les opérations de retenues sont faites grâce au ciblage et suite aux informations et
renseignements obtenus auprès des titulaires de marques. Le contrôle systématique n'existe plus, et nous faisons maintenant des contrôles par ciblage pour rationnaliser nos efforts.
Pourriez-vous avancer des chiffres quand aux saisies effectuées par les Douanes algériennes et quels sont les produits les plus touchés par cette contrefaçon ?
Au courant de ces sept dernières années il y a eu plus de sept millions d'articles saisis par les services des Douanes et des affaires ont été portées devant les juridictions pour statuer au fond sur le caractère contrefaisant de ces produits. En moyenne, 1 million d'articles chaque année sont saisis par nos services. En 2013, plus de 350 000 articles ont été retenus. Ces deux dernières années la majorité des produits retenus sont des articles de sport de marques internationales notoirement connues. C'est toujours suite aux demandes d'intervention et grâce à l'étroite coopération avec les titulaires de marque. Sans ce travail de coopération la douane ou n'importe quelle autre institution ne pourra pas détecter et reconnaître les produits de contrefaçon qui s'adaptent et qui utilisent maintenant des moyens technologiques très importants. Les produits contrefaits sont tellement bien réussis, et de mieux en mieux, que le titulaire lui-même n'arrive pas parfois à reconnaître le vrai du faux. C'est si difficile que quelquefois nous faisons même recours à des analyses.
Quel genre d'analyses ?
C'est des analyses en laboratoire lorsqu'il s'agit par exemple d'un produit tel par exemple les shampoings dont l'emballage et la bouteille sont tellement identiques aux vrais, ce qui nous pousse à analyser le contenu.
Quel est, selon vous, l'impact de cette contrefaçon sur l'économie nationale ?
Certainement, nous ne pouvons pas évaluer l'impact économique du moment qu'il y a absence d'études pour pouvoir estimer le manque à gagner pour le Trésor du fait que ces produits de contrefaçon sont commercialisés à des prix moindres par
rapport aux produits authentiques, donc il y a moins de taxes et une moins-value pour le Trésor public. Il y a également l'absence d'étude qui normalement doit être faite par les titulaires de marques algériennes pour mesurer l'impact économique de cette contrefaçon sur leur chiffre d'affaires. Pour le moment on ne peut pas évaluer l'impact économique en l'absence de ces deux études importantes. BCR a déjà fait le pas avec une étude sur l'impact économique révélant que cette contrefaçon constitue 30% du chiffre d'affaires de l'entreprise.
Qu'en est-il de la coopération des Douanes algériennes à l'international dans le domaine de lutte contre la contrefaçon ?
Mise à part la coopération avec les titulaires de droits internationaux, la coopération avec Interpol ou l'OMD n'existe pas concrètement pour le moment. Ceci dit, il y a un projet de s'inscrire dans un système international mis en place par l'institution mondiale des Douanes. Il s'agit d'une base de données
qui a été établie par les titulaires de droits à l'échelle internationale qui fourni directement, en ligne, des informations sur le produit au douanier chargé du contrôle et de la vérification des marchandises aux frontières. Nous avons émis notre souhait de nous inscrire dans cette démarche et nous attendons la concrétisation effective de ce projet prochainement.
Des formations pour reconnaître les produits contrefaits sont régulièrement
dispensées aux douaniers pour leur faciliter la tâche de contrôle Pourriez-vous nous en dire plus sur cet aspect ?
Un très grand nombre de séminaires de formations ont été organisés par les titulaires de marques à l'endroit de nos inspecteurs. La preuve, hier (dimanche 24 novembre) à ce même endroit (Hôtel Mercure), il y a eu un séminaire de formation pour la douane et la police qui concerne une grande gamme de marques telles les pièces de rechanges.
Y a-t-il des cas d'importantes affaires portées devant la justice ?
En matière de droits de propriété intellectuelle, la seule personne habilitée à porter l'affaire en justice c'est le titulaire de la marque victime de contrefaçon. Toutes les retenues douanières ont fait justement objet d'affaires portées devant les juridictions. Après dépôt de plainte, la marchandise est placée sous contrôle douanier. Mais la lenteur du traitement de ces dossiers fait que durant toute la procédure judiciaire la marchandise reste sous contrôle douanier ce qui est à la fois préjudiciable aux titulaires de droit qui n'arrivent pas à voir l'aboutissement des efforts de lutte contre ce fléau, et aux Douanes en cas de vol ou de dépréciation de la marchandise. Le stockage et la mise sous douanes engendrent des frais. Il y a eu des décisions de justice définitives ayant déterminé le caractère contrefaisant et donc la destruction de la marchandise. Malheureusement, nous n'arrivons pas à mettre en œuvre ces décisions de justice du moment que l'opération de destruction ne peut pas se faire s'il n'y a pas au préalable le payement de l'emmagasinage des produits
et de la mise sous douanes, et quand on comptabilise ça pendant 2 à 3 ans de
procédures c'est énorme comme frais. De plus, il arrive parfois que nous n'arrivons pas à retrouver le propriétaire de la marchandise, soit l'importateur qui a tout le temps de se préparer et prendre la fuite. A mon avis, ce serait très important qu'il y ait des chambres spécialisées dans le traitement des dossiers de la contrefaçon. Si la douane arrive à avoir une décision de justice définitive dans un délai de 6 mois à une année cela nous permettra de détruire automatiquement les marchandises ou bien de réfléchir s'il faut les mettre sous surveillance douanière durant la procédure ou sous surveillance judiciaire. Toute la problématique est là et il faut vraiment qu'il y ait une réflexion dans ce sens.
B. A.


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