La surproduction de la filière pomme de terre lors de la précédente campagne agricole a un impact négatif pour les producteurs qui ont essuyé des pertes. Selon le Conseil national interprofessionnel de la filière pomme de terre (Cnifpt), cette situation se répercute négativement sur la saison actuelle qui affiche déjà un recul de 25%. «Les agriculteurs ont vendu leur production à des prix très bas. 90% de la récolte était écoulée à moins de 20 DA le kilogramme», a précisé le président du Cnifpt, Bachir Séraoui, qui se réunira avec les membres du conseil cette semaine pour établir un point de situation. Celle-ci perdure depuis une année déjà (depuis la récolte d'arrière-saison octobre-décembre 2012 jusqu'à l'actuelle) et beaucoup d'agriculteurs sont dans l'incapacité de réinvestir, ce qui les a poussé à se retirer de cette culture. Certains pensent même abandonner cette filière de l'avis de M. Séraoui. Saluant la décision du Premier ministre qui a accordé une prime de 5 DA/kg aux producteurs ayant subi des pertes cette année, M. Séraoui estime toutefois que «ce geste est insuffisant vu l'ampleur des pertes enregistrées, d'autant que la réponse des pouvoirs publics est venue en retard». Pour rappel, le Cnifpt avait demandé une aide de 10 DA en septembre pour permettre aux agriculteurs d'entamer à temps leur campagne, mais la décision du ministère de l'Agriculture n'est intervenue qu'à la fin novembre. Pour la dernière campagne agricole 2012/2013, la production de pomme de terre a atteint un niveau record de 5 millions de tonnes. Mais le déficit en capacités de froid et de conditionnement a poussé les agriculteurs à vendre leur récolte à un prix inférieur à 20 DA/kg, le prix minimum garanti par le système de régulation permettant de protéger les revenus de l'agriculteur. Les agriculteurs n'ayant pas pu récupérer leur investissement, la situation a eu un impact négatif sur la campagne d'arrière-saison, car ils ont dû remplacer la semence par le produit non vendu. De plus, la canicule de la fin de l'été qui a perduré jusqu'à la moitié de l'automne, a affecté le processus de tubérisation. Des superficies ont ainsi été perdues, s'inquiète M. Séraoui ajoutant que «la wilaya de Mostaganem n'a pas planté son extra primeur». D'où les prévisions pour une «mauvaise campagne», dira-t-il. Sur les 40 000 tonnes de semences importées, 20 000 ont été écoulées sur le marché, le reste étant resté en rade et 10 000 tonnes seulement ont été vendues aux producteurs, ajoutera le président du Cnifpt. Ces estimations font dire à M. Séraoui qu'«entre 20 et 25% de la campagne est déjà perdue». Le manque d'investissement dans le froid et le conditionnement «a aggravé la situation des agriculteurs. La surproduction a été mal orientée cette année à cause d'un manque d'aires de stockage et une mauvaise gestion du conditionnement chez l'opérateur public Proda qui n'a stocké que 70 000 tonnes sur les 140 000 prévues», ajoutera-t-il. Pour parer à cette situation, le Cnifpt préconise d'aider l'agriculteur, par des crédits à long terme, «à même d'investir dans la valorisation de sa production en développant ses propres unités de conditionnement et de stockage afin d'amortir ses pertes», préconise M. Séraoui «Arrêtons de faire de l'aumône en demandant aux pouvoirs publics des primes conjoncturelles», clamera-t-il. Après la bataille de la quantité avec 4 millions de tonnes pour les prévisions 2014, il est aujourd'hui important de passer à la qualité et en investissant dans le conditionnement et la transformation, a soutenu M. Séraoui. Le président du Cnifpt s'élèvera également contre l'anarchie qui règne dans le marché n'encourageant ni l'agriculteur ni le consommateur, «puisque ce dernier continue à acheter ce produit de large consommation à des prix ne reflétant pas l'abondance de la production». Alors que l'agriculteur la vend à moins de 20 DA le kilo, le consommateur, lui, l'achète à 30 et 45 DA. «Les bénéfices tirés de ce produit reviennent aux différents intermédiaires intervenant dans le circuit de commercialisation à commencer par celui qui achète la production au champ», déplore le président de ce conseil interprofessionnel. Pour en finir avec cette anarchie, le conseil demande aux pouvoirs publics d'«intervenir en instaurant un prix minimum pour que l'agriculteur ne perde pas et un prix maximum pour ne pas affecter le consommateur». B. A./APS