«Ce n'est pas une bavure. C'est un crime d'Etat», a affirmé Jean-Charles Deniau, l'auteur du livre la Vérité sur la mort de Maurice Audin. Le jeune mathématicien, arrêté par l'armée française, le 11 juin 1957 à Alger, est officiellement «porté disparu» depuis. Le journaliste, se basant sur les témoignages du général tortionnaire Aussaresses ainsi qu'un de ses sous-officiers, explique que le général Massu a donné l'ordre à ses hommes d'exécuter Maurice Audin. Le militant communiste qui était engagé pour la cause nationale, a été emmené dans les environs d'Alger, poignardé et enterré sur place. «Dès la mort de Audin, le couvercle s'est abattu sur l'histoire et Massu, qui était à la tête de l'équipe, a fait en sorte que rien ne sorte. Et le scénario de la disparition et de l'évasion a été monté immédiatement et a tenu depuis», résume l'auteur. Aujourd'hui, un pan du voile est relevé et la responsabilité totale de la France coloniale dans les exécutions sommaires extrajudiciaires et la torture qui a été institutionnalisée, ne fait plus aucun doute. Les révélations de Deniau confirment ce que des milliers d'Algériens savaient pour l'avoir vécu. Les responsables, politiques et militaires, français le savaient également pour avoir autorisé ces crimes contre l'humanité ou couvert les criminels. Et quand les Algériens demandent réparation et repentance, on leur oppose non seulement une fin de non recevoir mais, comble de l'avanie, «les bienfaits du colonialisme». Pour arrondir les coins et tiédir les relations qui permettraient de nouer des partenariats, dont la France a besoin autant que l'Algérie, une petite concession sera faite : reconnaissance de la Guerre d'Algérie et des méfaits du colonialisme, deux réalités historiques avérées. Josette Audin, la veuve de Maurice Audin, a résumé les attentes des Algériens : «Ce que je demande au président Hollande, c'est une condamnation de ce qui a été fait au nom de la France en Algérie. Je ne demande pas qu'il s'excuse : il s'est produit en Algérie des choses qui ne sont pas excusables. Je demande une reconnaissance et une condamnation. On peut condamner l'usage de la torture. On dit toujours que la France est le pays des droits de l'Homme. Mais comment continuer à se qualifier ainsi, quand ces droits de l'Homme ont été piétinés, sans que leur violation ait été condamnée ?» Cette question reste posée, aujourd'hui plus que jamais. Comment peut-on parler de droits de l'Homme quand on condamne un Allemand de 88 ans pour avoir participé au massacre de 642 habitants du village d'Oradour-sur-Glane (France) par l'armée nazie durant la Seconde Guerre mondiale et qu'on passe sous silence tous les massacres commis par l'armée française en Algérie ? Comment peut-on défendre la publication de caricatures insultant le prophète Mohamed et tous les musulmans, au nom de la liberté d'expression, qu'on dénie quand il s'agit d'interdire un spectacle parce qu'il serait antisémite et insulte les juifs, en entretenant, sciemment -on ne peut mette ça sur le compte de l'ignorance-, la confusion entre antisémitisme, anti-juif et antisionisme, et, surtout, en oubliant que les Arabes sont aussi des sémites. La France qui a été le berceau des droits de l'Homme est en train de devenir leur tombe. H. G.