Lors d'un brainstorming tenu en juin 2013, l'ancien Premier ministre, Abdelmalek Sellal, tout feu tout flamme, invitait l'ensemble des walis à une sorte d'opération commando, dont l'objectif était de rétablir tous azimuts une vie normale dans le pays. Ainsi dans l'extraordinaire ordre du jour de ces états-majors, en plus de la stratégie à déployer face aux «embûches» du mois de Ramadhan, les aléas de la saison estivale, les marchés informels, la distribution de logements, la promotion de l'investissement et la préparation anticipée de la rentrée sociale. Mais il avait aussi et surtout insisté sur la nécessité de redonner leur aspect d'antan aux villes, ne revenait-il d'ailleurs pas sur son premier engagement pris lors de sa désignation au poste de Premier ministre en septembre 2012, un engagement qui consistait alors à procéder au nettoyage de l'Algérie. D'ailleurs, à partir du début octobre déjà les pouvoirs publics locaux à Constantine, c'est-à-dire exécutifs et élus des communes, allaient se saisir à bras-le-corps de cette perche tendue par le premier représentant du gouvernement pour justifier leur existence, les budgets qui leur étaient octroyés, les appels d'offres lancés, le recours aux nombreuses petites entreprises créées dans le cadre des mécanismes d'aide à la jeunesse et aux moins jeunes (Ansej et Cnac), les investissements réalisés à perte et surtout tombés dans l'oubli ensuite. Dans cette euphorie, et au cours de la deuxième semaine d'octobre de l'année évoquée, le secrétaire général de la wilaya de Constantine invitait les communes à l'augmentation de leur budget de nettoiement, une invite prise très au sérieux par celui (secrétaire général) de la commune de la commune du chef-lieu de wilaya, lequel annoncera la consécration d'une enveloppe de 130 millions de dinars pour ce faire. Forcément cet élan allait connaître un nouveau lexique en la matière et la question des ordures s'en trouvait soudainement enjolivée avec l'annonce de l'acquisition de caissons d'ordures, de moyens de pré-collecte, l'ajout de décharges réglementées et encadrées, notamment dans les nouveaux grands pôles de vie en l'occurrence la nouvelle ville Ali Mendjeli, Massinissa. Le reste des communes devant, à leur tour, calquer leur pas sur celui de celle du chef-lieu de wilaya. Est exhumé alors de la naphtaline le fameux projet «Blanche-Algérie», réactivation de petites coopératives de jeunes, acharnement des services d'hygiène locaux, qui déploient toute la logistique dont ils disposent pour aller chercher les ordures ménagères même là où elles risquent de ne pas se trouver. Certains habitants oisifs des cités-bétons se porteront volontaires pour solliciter des APC des équipements, dont ils feront usage pour embellir les lieux, la majorité d'entre elles demeurera muette et pour celles qui répondront, les équipements accordés relevaient du plus grand ridicule. Moins d'une quinzaine de jours plus tard, la nature des hommes allait reprendre ses droits, les ordures faisant la reconquête des espaces notamment ceux qui ne leur sont pas dévolus, entrainant l'émergence d'autres dépotoirs. Dans tout ce décor, le mouvement associatif, qui va s'avérer envahissant dès que le coup d'envoi de la prochaine campagne électorale sera donné, a brillé par son absence au moment où les citoyens n'arrêtent pas de faire preuve du plus grand incivisme. L'école ne joue pas le jeu non plus, et le fait de faire dans la morale dans les mosquées chaque vendredi de la semaine ne suffit pas, car il suffirait pour cela de faire le constat des lieux autour et à l'intérieur de la mosquée elle-même pour saisir l'ampleur du drame. En fait, seule la coercition semble pouvoir donner des résultats dans le cas de figure qui se pose pour nos compatriotes. Car tant que l'ensemble des habitants d'une cité ne sont pas sanctionnés pour le rejet anarchique d'ordures ménagères, il y aura très peu de chances pour que la situation se normalise. Mais qui s'amusera au sein de l'Etat à réprimer administrativement les populations ? Il suffit de faire le bilan des mesures prises contre les marchés informels, les parkings sauvages, le commerce de produits douteux, la flambée des prix à hauteur de tous les commerces, les pénuries, etc. pour comprendre que les lendemains ne seront pas meilleurs. A. L. 350 tonnes d'ordures ménagères par jour et peu de moyens Le service hygiène et assainissement de la commune de Constantine doit faire face quotidiennement à l'enlèvement de «350 tonnes d'ordures ménagères», nous dira au téléphone M. Benguedouar, son responsable. Toutefois, ce n'est pas cette formidable masse elle-même qui serait contraignante, mais les moyens dérisoires pour y faire face, compte tenu de la vétusté du parc roulant d'une part mais aussi l'éloignement de la décharge publique, implantée dans la commune d'Ibn Badis, vers laquelle les ordures doivent être dirigées, d'autre part. Celle-ci se trouve à plus de 20 kilomètres (40 kilomètres en aller-retour) avec tous les aléas possibles. «L'incivisme des habitants vient en rajouter évidemment sur la situation», conclura notre interlocuteur.