Kamel Amghar La campagne électorale a été incontestablement tiède à Béjaïa. Le qualificatif peut surprendre beaucoup de lecteurs pour une wilaya dont on a beaucoup entendu parler à l'occasion. En effet, la surmédiatisation des incidents du 5 avril, à l'origine de l'annulation du meeting d'Abdelmalek Sellal le même jour, donne l'illusion d'une ville où la «concurrence» aurait été rude entre les candidats potentiels, d'une part, et entre les partisans de la participation et ceux du boycott, d'autre part. Rien de tout cela n'est vrai. De l'avis général, la présente campagne présidentielle aura, finalement, été la moins animée par rapport aux précédentes. Dans la quasi-majorité des 52 communes que compte la wilaya, les espaces d'affichage aménagés aux six candidats sont restés curieusement vides. Les villageois de l'arrière-pays n'ont vu les posters des prétendants à la magistrature suprême qu'à travers la télévision. Les staffs locaux de la campagne ont manifestement focalisé sur le chef-lieu de wilaya et quelques autres villes à forte densité démographique, dont le nombre ne dépasse pas les doigts d'une seule main. Les slogans et les programmes des six prétendants à la présidence ont été découverts, par petites bribes, à travers les journaux et via la petite lucarne. On doit, à ce propos, souligner que les représentants locaux des candidats, se recrutant parmi les anciens élus, n'ont pas bonne presse. Cela a considérablement réduit leur capacité de mobilisation. Pour revenir un peu à ce fameux «sabordage» du show électoral du directeur de campagne du président sortant, Abdelaziz Bouteflika, on doit rappeler que quelques dizaines de protestataires, au mieux une centaine, ont réussi à rompre le faible dispositif sécuritaire déployé ce jour-là sur le lieu de la manifestation. L'incendie d'une aile de la Maison de la culture et l'intercession de la police pour limiter les dégâts ont été, ensuite, surdimensionnés et présentés dans les médias comme le début d'une révolte. C'est un peu la montagne qui accouche d'une souris. Les moments forts de la campagne restent incontestablement le passage sur place des candidats ou de leurs représentants. Les seuls meetings animés au chef-lieu de wilaya, dans l'ordre, par Ali Benflis, Moussa Touati, Louisa Hanoune et Ahmed Ouyahia ont, quand même, drainé une assistance appréciable. Abdelaziz Belaïd et Fawzi Rebaïne ont été carrément absents. Ni leurs photos, ni leurs programmes n'étaient disponibles sur l'ensemble du territoire de la wilaya. Que retient-on au bout du compte? Les citoyens à travers leur propre connaissance des six personnalités en lice avaient déjà une idée précise sur l'historique, les idéaux et les aptitudes de tout un chacun. Pour beaucoup de Béjaouis, la campagne proprement dite s'apparente à un concours de «serments» où chaque candidat tente de promettre plus que son rival. La démocratisation véritable du système politique (Etat omniprésent, opposition forte, société civile dynamique et instances de contrôle efficaces), la diversification de l'économie nationale (multiplication du tissu de PME, encouragement de l'exportation hors hydrocarbures, lutte sans merci contre la corruption, la contrebande et l'évasion fiscale) et la consolidation des acquis sociaux sont les trois points qui reviennent avec insistance dans les espérances de chaque citoyen interrogé. Pour atteindre ces objectifs, nos interlocuteurs estiment que le futur président doit composer avec tous les acteurs politiques, économiques et sociaux afin de dégager des options consensuelles dans tous les domaines. Par-dessus toutes les attentes, la population de la wilaya de Béjaïa, sachant pertinemment que le bon changement et le développement ne sauraient se faire dans l'anarchie, tient beaucoup à la stabilité du pays et sa sérénité. K. A.