La campagne électorale pour les législatives du 10 mai prochain peine sérieusement à prendre son envol à travers la wilaya de Béjaïa. Les 42 listes de candidatures, qui se disputent les 12 sièges mis en jeu, n'arrivent toujours pas à dégeler l'ambiance. Dans les 52 communes que compte la wilaya, les populations affichent la même indifférence à ce scrutin qui intervient, on doit bien le souligner, dans une conjoncture particulière. Flambée de la mercuriale, conflits sociaux et protestations populaires répétitives, la rue a visiblement d'autres préoccupations plus urgentes à mettre en évidence. Beaucoup de partis n'ont même pas affiché la liste de leurs représentants dans cette joute que l'on qualifie pourtant de décisive. A peine une dizaine d'affiches ont-elles été placardées çà et là. Les permanences des candidats en lice restent curieusement vides. Au cinquième jour de l'ouverture effective de la course, rien n'indique qu'on est à la veille d'une consultation électorale majeure. Depuis l'avènement du multipartisme au début des années 1990, on n'a jamais constaté un tel désintérêt des électeurs qui semblent profondément blasés par les expériences précédentes. D'ordinaire, les prétendants ratissent la proximité, en faisant des tournées dans les quartiers populaires et les villages, afin de tâter le pouls des populations, vulgariser leurs programmes, prendre des engagements et rallier un maximum de gens à leur cause. Cette fois, aucun candidat n'a osé s'aventurer dans les cités ou les hameaux éloignés pour s'inspirer directement des réalités afin de mieux défendre ses propres idéaux ou ceux de son parti. Donné favori par les pronostics, le FFS «temporise» avant de se lancer franchement dans le bain. Sa liste, conduite par l'universitaire Arezki Derguini, un militant peu connu dans les milieux populaires, appréhende visiblement cette dure épreuve du terrain. Pour leur premier meeting, animé jeudi dernier à la Maison de la culture Taos-Amrouche au chef-lieu de wilaya, Khaled Tazaghart (candidat) et Rachid Hallet (ancien animateur du MCB) ont eu beaucoup de mal à défendre les choix de leur parti face à un parterre de curieux qui s'est voulu critique et pas facile à convaincre. Des observateurs présents ont carrément qualifié cette première apparition de «flop». Faute d'un travail de proximité préalable, ce premier rassemblement a été consacré aux généralités comme la Constituante, la possibilité de changement du système de l'intérieur ou l'usage de la tribune de l'APN pour faire de l'opposition. L'option du boycott, soutenue précédemment par de nombreux anciens militants du doyen de l'opposition, comme Djamel Zenati ou Ali Kerboua, a assurément eu beaucoup d'impact dans les rangs du FFS. Certaines mauvaises langues parlent de 33 sections communales (sur les 37 que compte le parti) ayant gelé leurs activités en signe de mécontentement. De toute manière, la direction du FFS a manifestement beaucoup à faire pour renverser la tendance. Hier, c'était au tour de Fawzi Rebaïne d'aller au charbon. Le président du parti Ahd54 s'est, lui aussi, beaucoup dépensé face à une faible assistance, mais qui avait aussi ses idées propres. Aujourd'hui, Louisa Hanoune et les candidats du PT auront certainement du pain sur la planche à la salle bleue. Les autres leaders politiques, programmés pour les semaines prochaines, doivent bien relire leurs copies avant la dure épreuve du terrain électoral à Béjaïa. La wilaya vit, en effet, au rythme d'une grogne sociale qui tend à se généraliser. Des mouvements de grève touchent déjà les milieux scolaires (adjoints d'éducation, enseignants du primaire) et les entreprises économiques (réparation navale). Dénonçant l'immobilisme des autorités locales, les citoyens des quartiers populaires sortent épisodiquement pour occuper la rue (Cité Djama, Tizi, Iheddaden Oufella). Idem pour les localités de l'arrière-pays (Tazmalt, Kherrata, Taskriout, Souk El Thenine) où les populations recourent périodiquement au blocage des principaux axes routiers pour étaler leurs frustrations sociales. En somme, la campagne électorale s'annonce extrêmement ardue pour les 42 listes en lice à Béjaïa. Ce ne sera pas facile de se faire élire député.