En recevant, tour à tour, John Kerry et Jean-Yves Le Drian, Alger avait averti sur la dangerosité pour l'Afrique, et particulièrement l'Afrique du Nord, du chaos durable libyen. Plus que l'instabilité du Nord-Mali, les déchirements libyens persistent et le consensus s'éloigne à mesure que le nombre de morts ne cesse d'augmenter. Ainsi, le meneur des combats contre les groupes islamistes dans l'est de la Libye, le général dissident Khalifa Haftar, 71 ans, a échappé hier matin à une tentative d'assassinat à la voiture piégée, ont indiqué ses proches collaborateurs et les médias locaux. «Un attentat-suicide à la voiture piégée a été perpétré contre une villa où nous étions réunis. Trois soldats ont été tués», a indiqué le général Sagr Al-Jerouchi, chef des opérations des forces aériennes qui ont rejoint Haftar dans les combats qu'il mène, depuis le 16 mai dernier, contre les islamistes à Benghazi et les villes de l'est libyen. L'attaque a eu lieu alors que l'ex-général et chef des rebelles était en réunion dans cette villa pour discuter de la stratégie à mener contre les islamistes, notamment ceux d'Ansar Acharia, proches d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, a précisé la même source. La branche locale de la nébuleuse islamiste a appelé, en effet, à combattre le général et tous les politiques qui sont contre l'instauration d'un Etat islamique en Libye, trois ans après la chute de l'ancien régime de Kadhafi, dans le sillage des «révolutions populaire» du «printemps arabe». D'ailleurs, Ansar Acharia, classé «organisation terroriste» par les Etats-Unis, a prévenu que le général Haftar connaîtrait le même sort que le défunt guide libyen, tué en 2011 au terme de huit mois de conflit avec des rebelles. Les islamistes semblent ainsi pressés de mettre leurs menaces à exécution, puisque depuis dimanche ils mènent une véritable offensive contre les positions des troupes de Haftar, accusé de mener un coup d'Etat, alors qu'au sommet de l'Etat deux gouvernements parallèles se disputent le pouvoir pendant que la Libye s'enfonce dans le chaos. Haftar, qui se défend d'avoir une quelconque ambition politique, est accusé d'être au service des Etats-Unis, où il se serait rendu quelques jours avant le début de son opération à Benghazi. Si une partie de l'armée régulière a rejoint ses rangs, le ministère de la Défense libyen désapprouve son action, sans pour autant bouger le petit doigt pour remettre le pays sur les rails. Toutefois, et suite aux récentes manifestations de soutien à son opération militaire, le général dissident a ignoré les protestations du ministère de la Défense, affirmant qu'il agit parce qu'il a «un mandat du peuple libyen» pour lutter contre les islamistes. Par ailleurs, une guerre intestine au sommet du gouvernement de transition empêche toute sortie de crise à Tripoli. En effet, le Premier ministre sortant, Abdallah al-Theni, continue à disputer la légitimité du pouvoir à son successeur Ahmed Miitig, ajoutant à la confusion qui règne dans le pays depuis la chute de Kadhafi. Abdallah al-Theni avait affirmé qu'il s'en remettait à la justice pour déterminer s'il devait céder le pouvoir, évoquant des recours déposés par des députés contre l'élection chaotique début mai de M. Miitig au Parlement. L. M./Agences.