Petro Porochenko, élu président le 25 mai, a défié la Russie dans son discours d'investiture devant le parlement de Kiev, assurant que son pays ne renoncerait jamais à la Crimée et ne ferait aucun compromis sur son orientation pro-européenne. «Les Ukrainiens ne profiteront pas de la beauté de la paix tant que nous n'aurons pas réglé la question de nos relations avec la Russie. La Russie a occupé la Crimée, qui était, qui est et sera une terre ukrainienne», a dit samedi matin le nouveau président, âgé de 48 ans, dont les paroles ont été saluées par une standing ovation dans l'enceinte du parlement national, la Rada. Petro Porochenko a précisé que c'est justement cela qu'il avait dit à son homologue russe Vladimir Poutine, jeudi en Normandie, lors de leur entrevue en marge des cérémonies du 70e anniversaire du Débarquement allié de juin 1944. La Russie a annexé la péninsule criméenne en mars, à l'issue d'un référendum. «Il ne peut y avoir aucun marchandage sur la Crimée et sur le choix européen, pas plus que sur notre système politique. Tout le reste est négociable et pourra être évoqué à la table des négociations. Toute tentative, intérieure comme extérieure, de réduire l'Ukraine en esclavage se heurtera à une résistance acharnée», a-t-il continué, d'une voix empreinte d'émotion. Petro Porochenko a appelé les séparatistes de l'est du pays à poser les armes, ajoutant qu'il garantirait la mise en place d'un corridor pour permettre aux combattants russes de regagner leur pays. «Je jure, de toutes mes forces, de protéger la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine», a dit ce milliardaire, qui a fait fortune dans la confiserie et a servi déjà comme ministre des Affaires étrangères et ministre du Développement économique dans des administrations passées. «Je ne souhaite pas la guerre. Je ne souhaite aucune vengeance. Je veux la paix, je veux que la paix advienne», a-t-il dit dans son discours d'investiture. «Je vous en prie, posez les armes, et je garantis l'immunité à tous ceux qui ne veulent pas avoir du sang sur les mains», a-t-il continué. Il a promis en outre aux populations de l'Est qu'il irait prochainement à leur rencontre, «en paix», avec des garanties de maintien de leurs droits en matière de langue russe. Il s'est engagé en outre à procéder à une décentralisation qui accordera davantage de prérogatives aux régions. Mais l'Ukraine, a-t-il affirmé, sera un Etat uni, et il n'y aura aucun fédéralisme, contrairement à ce que souhaiterait Moscou. Le chef de la diplomatie française, qui a assisté à la cérémonie à Kiev, a dit espérer que l'investiture de Petro Porochenko et son tête-à-tête avec son homologue russe Vladimir Poutine, vendredi en Normandie, allaient marquer «le début d'une désescalade». «Aujourd'hui, l'intronisation du président Porochenko (...) change un peu la donne : à partir du moment où vous avez un président élu au premier tour désormais légitime, ça lui donne une capacité d'action qui n'existait pas», a déclaré Laurent Fabius sur itélé. «Maintenant, il faut qu'il y ait un arrêt des combats (...) Ce n'est pas très facile à obtenir (...) Je pense qu'il n'y a pas de naïveté ni d'un coté ni de l'autre, je parle du début d'une désescalade possible, il faut confirmer tout ça», a ajouté le ministre français. Petro Porochenko a par ailleurs affiché son intention de signer très prochainement le volet économique de l'accord d'association avec l'Union européenne, première étape à ses yeux vers une adhésion pleine et entière, à terme, à l'UE. Kiev a d'ores et déjà signé le volet politique de cet accord d'association avec les Vingt-Huit. Après son discours, il a été salué par une population enthousiaste lors d'un bain de foule sur le parvis de la cathédrale Sainte-Sophie, pavoisée aux couleurs ukrainiennes, le bleu et le jaune. Le nouveau chef de l'Etat sait pouvoir compter sur le soutien des puissances occidentales mais cherche encore une stratégie dans le bras de fer qui l'oppose à Vladimir Poutine. Le plus dur commence pour le nouveau président ukrainien, non seulement en raison des combats avec les séparatistes pro-russes qui ont transformé certains secteurs de l'est de l'Ukraine en zone de guerre. Petro Porochenko se sait également sous la surveillance des révolutionnaires de Maïdan qui ont fait chuter en février son prédécesseur, le pro-russe Viktor Ianoukovitch.