Par Nicolas Bourcier de Rio de Janeiro De l'avis de supporters cariocas, la scène n'a rien d'inhabituel. Les tentatives d'entrer en force dans l'enceinte du stade Maracana, un jour de match, sont prisées depuis des lustres par de nombreux fans sans billets, toutes tendances confondues. En revanche, les images des intrusions successives d'une trentaine de supporters argentins, le 15 juin, et de plus d'une centaine de Chiliens, trois jours plus tard, ont surpris de par l'ampleur et la facilité déconcertante avec laquelle ils ont agi. Mardi 24 juin, le comité d'organisation brésilien tenait pourtant à faire savoir que trente-deux barra bravas, les hooligans argentins, avaient été empêchés d'entrer au Brésil depuis le début de la compétition. Dans un contexte de Coupe du Monde labellisé «sécurité maximale», ces «failles ponctuelles», selon la formule de Roberto Alzir, le sous-secrétaire des grands événements à la sécurité de Rio de Janeiro, jettent une lumière crue sur l'organisation et la précipitation dans laquelle s'est déroulée la préparation de l'événement. Robots démineurs et chars antiaérien Pendant des mois, en pleine agitation sociale et mouvements de protestation contre les dépenses faramineuses de la Copa, les annonces en matière de sécurité se sont multipliées. Jamais un pays organisateur n'avait d'ailleurs annoncé un tel déploiement d'hommes et de moyens, ici autour des stades et autres lieux stratégiques : quelque 100 000 policiers civils, militaires et fédéraux réquisitionnés pour encadrer la compétition, auxquels sont venus s'ajouter 57 000 soldats; un contingent qui vient d'être augmenté de près de 15 000 hommes. Et d'ajouter encore à ces mesures exceptionnelles des drones importés d'Israël, des robots démineurs nord-américains et des chars antiaériens allemands. Soit, en termes financiers, un budget total estimé à 855 millions de dollars (629 millions d'euros), payé par les caisses fédérales brésiliennes. C'est cinq fois plus que pour le Mondial en Afrique du Sud en 2010 (175 millions de dollars). De l'avis même de Roberto Alzir, ces failles des premiers jours sont à attribuer, en partie, aux structures provisoires montées au dernier moment et devenues, de fait, des points vulnérables. Plusieurs enquêtes ont révélé que certaines portes grillagées autour du Maracana avaient été fermées par de simples cordons de plastique. Des images de barrières tenues par du gros scotch ont également été diffusées. «Dix-huit zones sensibles [dont les douze portails d'entrée] ont été identifiées», a reconnu samedi 21 juin le responsable, précisant qu'un cordon d'isolement supplémentaire de 600 policiers allait être établi autour de l'enceinte. Ces hommes s'ajouteront aux 2 500 policiers déjà mobilisés à l'extérieur du Maracana, la sécurité à l'intérieur de l'enceinte revenant à des agents de la Fifa, qui dispose sur place de 1 037 agents privés. Ce partage de l'espace a été à l'origine de polémiques entre les organisateurs et les autorités locales. Peu après l'intrusion des Chiliens, la Fifa avait rejeté une partie de la faute sur l'organisation mise en place par la police civile. Déjà, douze jours avant le coup d'envoi, l'hebdomadaire Veja révélait l'existence de vives tensions au sein même de la police militaire, manifestées par la démission de Wagner Villares de Oliveira, le commandant et fondateur, en 2013, du Bataillon de police des grands événements. Celui-ci n'aurait pas accepté les conditions de travail et la précarité des installations imposées à ses unités. Manque de personnel privé À cette structure et à cette chaîne de commandement complexe s'ajoutent des failles liées au manque de personnel privé et de vigiles qualifiés. «Il y a plus de policiers militaires que de stewards. C'est un signal de fragilité. Le policier est armé et peut appréhender quelqu'un, le privé ne peut pas le faire», indique un responsable de la sécurité au site Web brésilien iG. À Brasilia, l'entreprise responsable de la sécurité des portiques a enregistré 25% de défection de personnel lors du premier match. Des contrôles ont été ignorés. À Manaus, des supporters anglais se sont ainsi rendus au stade avec des barres de fer. Dernier incident en date, l'irruption d'un néonazi sur la pelouse du match Allemagne-Ghana, le 21 juin, à Fortaleza. Son corps présentait des inscriptions faisant référence au IIIe Reich. La Fifa et le gouvernement brésilien ont promis de renforcer leur plan de sécurité et de déployer encore un peu plus 'effectifs. N. B.