Si tant est qu'il existe une politique de l'emploi en Algérie, il ne peut que forcément exister une autre politique : celle du chômage. Elle est des plus privilégiées par les statisticiens, mais également des institutions économiques et sociales, en ce sens qu'elle permet d'entretenir l'illusion sur un sujet dont la partie cachée prête pourtant à l'irrationnel. Le chômage à moins de 10% parmi la population en âge de travailler ! Ne voilà-t-il pas une performance que tous les pays voisins nous envieraient et demanderaient surtout à en connaître la recette. Le chômage se calcule et, pour ce faire, il faut des données. Il est nécessaire de connaître le nombre de demandeurs d'emploi. En fait, ailleurs travailler est un droit incontestable dès que l'individu est en âge de le faire, et deux fois plus qu'une s'il dispose des capacités intellectuelles et professionnelles pour ce faire. Or, il est du domaine de la gageure, et le défi est lançable à n'importe quel moment aux responsables s'exprimant au nom de l'emploi, de fournir les chiffres exacts du chômage et/ou de l'emploi. Cela en tenant compte bien entendu des standards mondiaux en vigueur. Si les responsables au plus haut niveau des différents ministères concernés par l'emploi, s'agissant des statistiques n'ont pas d'état d'âme en matière de vérité vraie ce n'est évidemment pas le cas des cadres en fonction dans les structures décentralisées desdits secteurs et s'ils continuent à jouer les exécutants le doigt sur la couture du pantalon, et pour certains avec une docilité déconcertante, il n'en demeure pas moins que d'autres à la limite du «burn out» dénoncent ou dans l'anonymat des réalités pas toujours pas bonnes à entendre et donc encore moins à assumer au niveau des alcôves ministérielles. Il y a trois ans, un directeur de l'Anem avait accordé à la Tribune un entretien lequel, dans les vingt-quatre heures qui avaient suivi la parution de l'article, avait fait grand bruit à hauteur du ministère du Travail. À tel enseigne qu'il a, très vite, été fait savoir à notre interlocuteur que des mesures étaient déjà prises pour l'éloigner désormais de son poste. Du coup, il avait rapidement fait valoir ses droits à la retraite, une démarche qui, forcément, a été très vite validée. Et pour cause. Quoiqu'il en soit, A. B évoquait, non sans regrets, le tripotage «contrôlé» des chiffres en matière d'emploi, notamment des recrutements qui n'en étaient pas et présentaient toutefois toutes les garanties extérieures du contraire. En fait, s'agissant de statistiques mensuelles, portant création d'emplois, il nous apprendra qu'en réalité «était d'autorité considéré comme intégré dans un circuit professionnel tout candidat ayant été acheminé en direction d'un potentiel employeur demandeur de main-d'œuvre». En plus clair, le candidat n'était en réalité qu'un... candidat dont le recrutement n'était pas évident en ce sens qu'il devait répondre à une sélection parmi plusieurs autres. Plus rocambolesque encore, tous les candidats dirigés vers une même offre sont considérés comme recrutés et recensés parmi les placements d'une part et rayés de la liste des demandeurs. En somme un tour de passe-passe, voire du mistigri renversant. Notre interlocuteur ira encore plus loin en soulignant que même le reste des dispositifs censés créer de l'emploi ne sont que «...de la poudre aux yeux. Ansej, Angem, Cnac ont la réputation de justifier des gesticulations ponctuelles qui contribuent à maintenir un équilibre social précaire dont nul parmi nos concitoyens n'ignore la réalité». A. B. nous fera comprendre que les pouvoirs publics locaux, et ce malgré une volonté politique sincère de créer de l'emploi, et les responsables s'efforcent surtout de gérer d'une manière très biaisée, pour ne pas dire quasi démoniaque, et à attaquer le sujet à travers un autre angle, en l'occurrence celui de la résorption permanente du chômage, comme si, miraculeusement, notre pays était le seul à en détenir la panacée, concluant dans la foulée : «Il me semble alors qu'au lieu de parler d'emploi, il faudrait préalablement parler de chômage, de la nature de ce chômage et des voies et moyens de le résorber. Il existe une masse phénoménale de jeunes, je ne vous apprends rien à ce sujet, qui sont en majorité demandeurs d'emploi c'est une autre évidence. Dès lors il s'agit de chômage d'insertion, c'est-à-dire de jeunes qui n'ont jamais travaillé et auxquels il faut trouver des débouchés professionnels, ce qui malheureusement n'est pas une sinécure et je suis obligé de revenir à cette vérité vraie qui consiste à souligner que toutes les solutions proposées n'ont fait que s'empiler les unes sur les autres sans qu'il n'en soit fait une évaluation qui permettrait alors d'en dégager une (solution) définitive ou du moins sur le cours terme, une sorte d'exutoire et en même temps un vade-mecum pour la suite des évènements.» L'ancien directeur de l'Anem avait, à l'époque, conclu ainsi l'entretien : «Je dirai que l'emploi, autrement pensé, doit être la priorité des priorités nationales. Quoiqu'il en soit et la conjoncture internationale, et notamment ce qui s'est passé en Tunisie et en Egypte, devrait nous exhorter à tout remettre à plat et faire preuve d'un peu plus d'imagination et cesser de revenir aux mêmes recettes par un nouvel habillage seulement. Plus terre à terre, je dirais qu'il ne peut éternellement être fait du neuf avec du vieux.» A. L.