Mohamed Rahmani Festivals, expositions, spectacles, semaines culturelles, représentations théâtrales et autres manifestations culturelles -il faut toutefois souligner qu'elles ne sont pas légion- se déroulent presqu'exclusivement, à quelques exceptions près, au chef-lieu de wilaya. Ce monopole qui restreint l'activité culturelle aux habitants de la ville principale d'une wilaya comme c'est le cas à Annaba, exclut de fait une grande partie de la population habitant alentour ou dans ses petites localités excentrées. Et ce sont des centaines de milliers à ne pas avoir accès à la chose culturelle et qui sont confinés dans leur isolement, situation qui approfondit encore plus l'écart de niveau entre les populations d'une même wilaya. La direction de la culture, une institution censée diffuser et socialiser la culture sous toutes ses formes, est frappée de léthargie quand il s'agit de délocaliser les manifestations culturelles invoquant l'absence de moyens, surtout financiers, d'encadrement et d'infrastructures adéquates pour organiser et réussir ces manifestations culturelles extra-muros. N'étaient les quelques rares spectacles, essentiellement des soirées musicales organisées en bord de mer durant la période estivale à Chetaïbi ou à la station balnéaire de Seraïdi, régions touristiques par excellence, les habitants des communes restent sevrés de culture n'ayant pour seul moyen de se cultiver que la télévision et Internet. L'on n'a pas vu au niveau des autres communes de Annaba, El Hadjar, Chorfa, Aïn Berda, El Bouni, El Eulma ou Berrahal, pour ne citer que celles-là, des expositions ou quelque manifestation culturelle de quelque nature que ce soit, pas même de spectacles pour enfants qui auraient pu être le point de départ d'une socialisation véritable de la culture. Pourtant au niveau de ces localités les structures existent, il n'y a pas une commune qui ne soit dotée d'une maison de jeunes, d'une bibliothèque ou d'une salle réservée aux différents spectacles. Les assemblées populaires communales dont les élus sont occupés exclusivement à faire de la politique et à s'accuser mutuellement de telle ou telle situation qui perdure, ne se soucient guère de la culture. Pis, certains n'en entendent même pas parler et n'y entendent rien, au vu du niveau de ces élus. C'est tout juste si on organise quelque commémoration à l'occasion d'une date historique avec le minimum de dépenses pour remballer le tout quelques minutes plus tard. De jeunes universitaires habitant la localité de Aïn Berda se plaignent de cette situation. «Annaba est à 30 Km d'ici. Et il n'y a pratiquement rien ici. C'est le désert culturel. Tout se passe au chef-lieu de wilaya. Moi, par exemple, j'adore le théâtre et j'aime regarder jouer les acteurs, mais comme vous devez le savoir, rien de cela ne peut avoir lieu à Aïn Berda, on est obligés de se déplacer pour glaner quelques bribes de culture. Aujourd'hui, je suis constamment connecté sur Internet pour être branché et être au diapason de ce qui se passe», nous confie, non sans regrets, Hacène, en levant les mains au ciel. «Il n'y a aucune initiative de la part de nos élus, ajoute Nacer d'un air désolé, ils sont en désaccord tout le temps et si vous leur parlez de culture, ils ne vous prennent pas au sérieux. D'ailleurs à Aïn Berda, il n'y a pas une seule association culturelle, c'est vous dire l'état de vacance quant à la chose culturelle. Les gens ici sont interdits de culture et je ne vous parle pas de Chorfa ou El Eulma, car là-bas c'est encore pire.» Côté jeunesse et sports, il faut dire que beaucoup de choses ont été faites puisque le sport, particulièrement le football, arrive à toucher tous les jeunes qui le pratiquent même sans appartenir à des équipes. On organise des matchs entre quartiers et on joue n'importe où pourvu qu'il y ait un espace si le stade communal est pris. «C'est notre hobby, c'est la seule culture que nous avons dans cette commune pourtant située sur un grand axe routier entre Annaba, Guelma et Constantine. Je suis élève au lycée et même dans l'établissement il n'y a pas d'animation ou d'activité culturelle. Nous sommes assommés par les cours matin et soir et il n'y a rien qui soit réservé exclusivement à la culture. On nous bourre le crâne avec des cours que nous devons assimiler alors qu'il n'y a pas au programme des heures de détente réservées à la culture», intervient à son tour Rédha Ce qui est sûr c'est qu'au niveau des communes la culture n'a pas droit de cité et rien n'est fait pour changer les choses. Il n'y a pas de collaboration entre les différentes institutions, ne serait-ce que pour initier quelque action qui pourrait relancer la culture dans ces contrées un peu isolées. Alors que dans d'autres pays soucieux de la socialisation tous azimuts de la culture, et en dehors des nombreuses manifestations culturelles qui se déroulent dans les coins les plus reculés, de gros moyens sont déployés pour déplacer la culture et l'amener aux populations. On en est venu jusqu'à transférer des œuvres du musée du Louvre dans d'autres localités. Chez nous, on se contente d'espaces réduits qui tuent la culture. M. R.