Après avoir provoqué le chaos en Libye par un détournement d'une résolution du Conseil de sécurité, transformant «l'action de protection des civils» en une entreprise de destruction d'un régime, les Occidentaux sont très «pressés» de trouver une solution en Libye. C'est que la menace commence à devenir palpable. Des initiatives sont entreprises pour trouver au plus vite une solution. Après la réunion de Tunis où les deux Parlements ont annoncé la formation d'un gouvernement d'union nationale, les Occidentaux ont décidé de mettre la pression sur les protagonistes en organisant une conférence internationale dans la capitale italienne, Rome. Pendant des années, les responsables occidentaux connaissaient les mouvements de certains de leurs citoyens qui étaient attirés par le djihad en Syrie. Ils ont préféré laisser faire. Probablement dans une logique de manipulation. Aujourd'hui, ils constatent le terrible retour de bâton. En Libye, l'intervention de l'Otan a créé une situation de désordre. Une atomisation clanique et régionaliste qui permet à des radicaux de s'engouffrer, grignoter du territoire dans la région de Syrte et de menacer son entourage immédiat. Les négociations pour une solution à la crise libyenne deviennent impératives. Cependant, les différentes esquisses de rapprochement entre les différentes forces en présence se passent dans un état des plus laborieux. Il est évident que les clivages sont assez tenaces pour faire perpétuer l'état de tension actuel que vient d'exacerber l'acteur Daech. Les délégations présentes à Tunis n'ont pas pris l'engagement que l'accord sera nécessairement validé par leurs Parlements. Il n'est donc pas certain que la menace de sanctions soit suffisante pour amener les parties à faire les concessions qui s'imposent pour former un gouvernement d'union dans les quarante jours suivant la signature, prévue le mercredi 16 décembre. Cela comporte le risque de pousser des parties à davantage de durcissement. L'intervention occidentale a fait chuter le système autoritaire en Libye mais elle a engendré une situation plus catastrophique : une multitude de villes-milices et de clans-milices dans un pays au large territoire. Il faudrait rappeler que la Libye est devenue une menace pour la sécurité régionale avant même que Daech n'y apparaisse. Aujourd'hui, cette menace fait frémir l'Europe qui arbore ses «solutions» désastreuses. L'Italie s'est dite prête à prendre la tête d'une éventuelle intervention militaire. L'ancien occupant qui voudrait revenir sur place, idéal pour alimenter le discours djihadiste. Progression «vers l'intérieur» La Libye déchirée par les luttes de clans depuis la chute de Kadhafi, a pour l'instant deux Parlements, l'un dans la capitale et l'autre, considéré comme reconnu par la communauté internationale, à Tobrouk dans l'est du pays. Avec le risque d'une guerre civile opposant les deux. Mais c'est surtout la question du renforcement du groupe Daech en Libye qui continue d'inquiéter sérieusement des Etats de l'Europe pour qui ce pays constitue de par sa position géographique, une menace directe. Des responsables politiques occidentaux commencent à émettre des alertes qui pourraient préfigurer des actions plus concrètes. Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian estime que le groupe Daech déjà ancré sur les côtes libyennes, commence à progresser «vers l'intérieur» de la Libye, avec pour objectif l'accès à des puits de pétrole. «Ils sont à Syrte, ils étendent leur territoire sur 250 kilomètres linéaires de côte, mais ils commencent à pénétrer vers l'intérieur et à avoir une tentation d'accès à des puits de pétrole et des réserves de pétrole», prédit le ministre français dont le pays sous la présidence Sarkozy aura été directement responsable du chaos actuel. «Il faut absolument que cessent les conflits intra libyens sinon le vainqueur militaire ce sera Daech», a alerté le ministre français de la Défense. Le mouvement Daech compte 2 000 à 3 000 éléments en Libye, dont 1 500 à Syrte à 450 km à l'est de Tripoli. Parmi eux, figurent des Libyens de retour de Syrie mais aussi des étrangers, selon des chiffres de l'ONU. Le contrôle des zones les plus stratégiques c'est-à-dire où se trouvent les puits de pétrole mais aussi les ports et les raffineries devrait constituer le cœur des luttes internes dans la Libye actuelle. Le groupe Daech tente déjà de «mettre la main sur les ressources pétrolières», estiment les spécialistes de la question. En lorgnant vers Ajdabiya, à 350 km de Syrte, dans une zone où se concentre la plupart des gisements et terminaux pétroliers et gaziers du pays, l'enjeu futur sur lequel devrait se cristalliser les luttes commence à se dessiner. M.B.