Le nouveau représentant de l'ONU au Mali tente d'accélérer un processus de paix poussif face à des jihadistes qui ont pris plusieurs longueurs d'avance. Le Tchadien Mahamat Saleh Annadif, nouveau représentant spécial du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon est déjà allé à Alger pour une réunion entre protagonistes de la crise malienne quelques jours après sa prise de fonctions, le 15 janvier. Il doit se rendre dans les prochains jours au Burkina Faso et au Tchad, deux des principaux contributeurs de troupes à la Mission de l'ONU au Mali (Minusma). La Minusma, déployée depuis juillet 2013, est la mission de maintien de la paix de l'ONU la plus coûteuse en vies humaines depuis la Somalie en 1993-1995. Le représentant spécial reste pour le moins lucide sur la difficulté d'appliquer l'accord de paix signé en mai 2015 par le gouvernement et les groupes armés qui le soutiennent (formant la «Plateforme»), puis en juin par la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA, ex-rébellion à dominante touareg). Interrogé sur le meilleur moyen de lutter contre les jihadistes qui s'enhardissent, Annadif répond inlassablement qu'il faut «aller vite dans l'application de l'accord». Car les retards s'accumulent dans la mise en œuvre de cet accord obtenu au forceps, destiné à isoler les jihadistes et les priver de sanctuaire dans cette partie du Sahel. Actuellement, seuls trois des 24 sites de cantonnement destinés à accueillir les combattants des groupes armés dans le cadre de la refonte de l'armée malienne sont prêts et ils sont toujours vides. La Commission technique de sécurité (CTS, mise en place par l'accord de paix) a approuvé de nouveaux sites lors de sa 8e réunion, jeudi et vendredi à Bamako, ayant notamment discuté du cantonnement, de «la détérioration de la sécurité au cours des dernières semaines» et des patrouilles mixtes entre autres sujets, selon un communiqué de l'ONU. Ces patrouilles combinant forces de sécurité maliennes, Plateforme et CMA étaient censées intervenir dans les deux mois suivant l'accord mais une seule a eu lieu, en novembre 2015. A la réunion de la CTS, il a été décidé d'établir une liste de près 200 personnes devant effectuer les prochaines patrouilles, à raison de 66 noms pour chaque partie. Des retards encore plus importants ont été enregistrés dans les mesures de décentralisation prévues, le retour des réfugiés ou le redéploiement de l'administration malienne sur tout le territoire national. Malgré la difficulté de la tâche, Annadif affirme vouloir rendre irréversible le processus de paix au Mali. Il compte pour y parvenir «encourager» des rencontres «intercommunautaires» sur le terrain pour que «les populations se parlent», a-t-il indiqué, mettant ainsi le doigt sur une autre réalité d'un nord du Mali profondément fragmenté : la question tribale. A cet égard, la crainte commune qu'inspirent les jihadistes à la CMA comme à la Plateforme pourrait favoriser une dissociation définitive entre groupes signataires de l'accord de paix et islamistes, en supprimant les passerelles existant entre les uns et les autres. Le Touareg Iyad Ag Ghaly, chef du groupe jihadiste Ansar Dine et ses alliés d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ont publiquement menacé les signataires de l'accord, avant de passer à l'acte. R.I.