Le Conseil de l'Europe vient de déplorer la banalisation des actes et des discours racistes en France. Mieux vaut tard que jamais ! La plus ancienne organisation intergouvernementale européenne met en garde contre l'ampleur, sans précédent, des abus et des dépassements enregistrés, en exhortant les responsables politiques français à s'abstenir «de tenir des propos qui stigmatisent des groupes déjà vulnérables et attisent les tensions dans la société française». Le rapport alarmant des experts de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (Ecri) dénonce «l'accroissement des violences racistes, islamophobes et antisémites», ainsi que «l'homophobie et les discriminations anti-Roms», en désignant, à demi-mot, les milieux de la droite traditionnelle et d'extrême droite. En vérité, il s'agit d'une tendance lourde au sein de la société française et parmi le microcosme parisien, prétendument intellectuel. Ce discours haineux qui traite ouvertement les musulmans de «voyous» et de «terroristes potentiels» est sur toutes les lèvres. Il suffit d'allumer le poste radio ou la télévision pour entendre des vertes et des pas mûres. Cette violence gratuite n'émane pas uniquement des politiciens en mal de popularité, mais aussi des journalistes, des chroniqueurs et des commentateurs sportifs, de certains pseudos artistes ou de simple «frenchie pure souche». Les étrangers, avec une nette prédilection pour les personnes d'origine maghrébine, sont constamment stigmatisés et désignés à la vindicte populaire comme s'ils étaient responsables de tous les malheurs de la France. Même les stars du football n'échappent pas au lynchage systématique des «bronzés». Au-delà du pays Gaulois, l'Europe, toute entière, se trouve présentement minée de l'intérieur par des mouvements xénophobes et ultranationalistes, qui rejettent machinalement tout ce qui ne colle pas à la prétendue civilisation européenne. Aussi bien en Roumanie qu'en Allemagne, les réfugiés et les migrants sont franchement traités d'«envahisseurs». Les barbelés sont dressés sur toutes les frontières pour stopper la fuite des rescapés des guerres criminelles de cette même Europe en Afrique et au Moyen-Orient. La Hongrie, la Pologne, la république Tchèque, la Slovaquie, le Danemark, la Macédoine, parmi tant d'autres Etats de l'UE, mobilisent des armées entières pour refouler des femmes en détresse et de nourrissons violemment arrachés à leur patrie. Certains esprits bien pensants évoquent des craintes pour la culture européenne et le mode de vie occidental ! Prenant la posture orgueilleuse du champion du savoir-vivre, du progrès et de la démocratie, le vieux continent toise insolemment ces malheureuses cohortes de filles et de garçons fuyant l'enfer dans lequel il les a jetées sans scrupule ni remord. L'Europe, toute l'Europe, ne se gêne pas d'exprimer, à haute voix ou discrètement, tout son mépris à leur endroit. La crise des migrants dévoile, un peu mieux, ce visage hideux de l'eurocentrisme qu'on croyait mort et enterré avec la fin du colonialisme. A bien considérer cette catastrophe humaine des réfugiés, on se rend vite compte que beaucoup de leaders européens, à l'instar de ceux qui ont instauré le chaos en Libye et ceux qui ont dévasté l'Irak et la Syrie, sont passibles de poursuite devant la Cour pénale internationale pour crime contre l'humanité. En cela, ils n'ont rien à envier aux autres monstres qui ont déjà comparu à La Haye. Vérité élémentaire que les citoyens européens ne perçoivent malheureusement pas assez. K. A.