Lorsque l'Europe se mêle de mesurer le niveau de racisme en France, tout est mis dans le même panier, donnant un air d'approximation. La publication, mardi, du rapport de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (CERI), émanation du Conseil de l'Europe, a voulu dénoncer une hausse significative en France des cas relevant du racisme, de ce qu'on appelle l'islamophobie, de l'antisémitisme, de la xénophobie et même de l'homophobie. Autant de catégories différentes à juger. Peut-on mélanger les genres ? Cette structure émanant de l'Europe, entité de plus en plus décriée électoralement par les citoyens, a-t-elle une voix neutre en des matières aussi sensibles ? Ce sont les questions que les observateurs se posaient alors que les Européens avaient les yeux tournés vers la Grèce où s'entassent des centaines de milliers de migrants bloqués en raison de la fermeture des frontières des Balkans. Hasard de l'actualité, c'est le moment choisi par la CERI pour publier, comme elle le fait régulièrement pour tous les pays de l'Union européenne, un rapport sulfureux qui parle de «banalisation du racisme en France», y compris émanant de responsables politiques. Elle pointe du doigt un «accroissement des violences racistes, antisémites et islamophobes», ainsi que de «l'homophobie et les discriminations anti-Roms». Les experts ont réalisé comme une revue de presse qui relève les faits dont les médias se sont fait l'écho ces dernières années, abordant les propos de certains personnages publics, généralement de droite, comme Nicolas Sarkozy (discours de Grenoble en 2010), Jean-François Copé (affaire des pains au chocolat) ou encore Gilles Bourdouleix, maire de Cholet, après les heurts nés de l'occupation non autorisée d'un terrain agricole par un campement rom : «Hitler n'en avait peut-être pas tué assez.» Marine Le Pen a également son petit paragraphe avec sa dénonciation des prières de rue, assimilées à l'Occupation, dossier pour lequel le tribunal l'a blanchie en novembre dernier. Plus que la population, ce sont les personnalités politiques qui portent la voix raciste. Laïcité et islamophobie : Deux versants opposés ? Bien sûr, le rapport fait le décompte de la hausse préoccupante des actes antisémites et des actes antimusulmans pour lequel il prend à son compte le terme d'islamophobie. Il se place en porte-à-faux vis-à-vis des politiques menées par l'Etat «au nom d'une conception restrictive de la laïcité», lesquelles peuvent être «perçues comme sources de discrimination». On passera aisément sur le terme très relatif de «perception». Pour l'Europe, débattre des exigences communautaristes, dont le voile islamiste est le plus voyant, c'est faire de la «discrimination». La question de fond que pose le rapport, en dehors de la réalité des centaines d'actes racistes recensés, est relative à la laïcité : ce concept très français entraîne-t-il une montée de la discrimination, voire de la xénophobie ? «La France fait office d'exception dans le monde (…). Officiellement, la neutralité de l'Etat français vis-à-vis de tous les cultes va de pair avec le fait de faciliter l'expression des cultes dans notre pays», explique Michel Taube, spécialiste des droits de l'homme (fondateur du site www.opinion-internationale.com). L'un des faits posés concerne l'islam face à la laïcité et les réactions que la société — organisme vivant — secrète. Sur http://fr.sputniknews.com, on lit : «Dans les faits et dans l'histoire de France, il y a un conflit très profond entre l'Etat et les cultes ; on a connu cela au XIXe siècle avec la guerre opposant l'Etat à l'Eglise catholique, et qui a donné lieu à la loi de 1905, qui instaura la laïcité ; aujourd'hui, l'Etat a un problème avec un autre culte, celui musulman.» Sur atlantico.fr, Guylain Chevrier, membre du groupe de réflexion sur la laïcité auprès du Haut conseil à l'intégration, pointe du doigt l'incohérence de mettre dans le même sac islam, Roms, juifs et homosexuels ; il estime que le rapport «apparaît comme tendancieux et quelque peu hors propos, promis à l'instrumentalisation en raison de son hors-contexte, ce que ne manquent pas de faire certains médias français, motivé par des velléités qui mériteraient peut-être que le Conseil de l'Europe réinterroge cette Commission».