Le développement de la neurologie à Oran reste tributaire de la présence de professeurs de rang magistral pour assurer la formation de nouveaux médecins. La récente décision du Comité pédagogique de neurologie d'exiger un rang magistral semble menacer le devenir de cette spécialité. Du coup, c'est le sort de milliers de malades atteints d'Alzheimer, de Parkinson, de Sclérose en plaques, de myasthénie et surtout d'AVC qui est en jeu, s'accordent à dire praticiens et familles des patients. A Oran, le problème initial réside dans la formation des neurologues. La deuxième ville du pays et capitale de l'Ouest, avec près de 1,5 million d'âmes, ne dispose pas de professeur en neurologie. Depuis 10 ans, jusqu'en 2015, aucun poste n'a été ouvert dans cette spécialité. Pendant des années, seul le CHU Benzerdjeb disposait d'un service en neurologie, qui n'assure que de «la neurologie froide», selon son chef de service : c'est-à-dire un service limité aux seules consultations et ne prenant pas en charge les hospitalisations. Le service, qui fait l'objet de travaux depuis quelques années, assure tant bien que mal les urgences neurologiques. Le directeur du CHUd'Oran, Benali Bouhadjar, interrogé par l'APS, dit «ne pas ressentir de déficit en moyens humains» avec huit neurologues en activité au niveau de ce service. Il admet, toutefois, que le problème «pourrait se poser à l'avenir». Actuellement, ce service assure principalement les consultations. «Un soulagement quand même pour certains malades, puisque la consultation chez les spécialistes privés peut coûter jusqu'à 3 500 DA», indique la fille d'un malade atteinte de Parkinson. Si le CHU règle le problème des consultations, celui lié aux hospitalisations et des urgences neurologiques, des AVC, devenus un véritable problème de santé publique, reste posé. Un service avec 8 neurologues seulement pour une wilaya de plus d'un million d'habitant est loin de répondre à la forme demande exprimée aussi bien au niveau local que régional, estiment des spécialistes. Un service en neurologie dynamique En février 2015, l'EHU 1er- Novembre-1954 d'Oran ouvre un service de neurologie avec une unité spécialisée dans la prise en charge des AVC. Cette structure est la deuxième du genre à l'échelle nationale après celle de Blida. Ce service, doté de 30 lits, prend en charge toutes les pathologies neurologique (maladie de parkinson, la sclérose en plaque, les épilepsies, la myasthénieà.). Son unité de huit lits spécialisée dans les urgences neuro-vasculaires (UNV) prodigue des soins aux patients atteints d'accidents vasculaires cérébraux (AVC) et reçoit des patients des différentes wilayas de l'Ouest et même du Sud-ouest du pays. Grâce à la pratique de la thrombolyse et en l'espace d'une année, quelque 60 patients, victimes d'AVC ischémiques ont été sauvés de la paralysie et l'handicap. Cette unité reçoit en moyenne 3 à 4 cas d'AVC par jour, a affirmé le Dr Dounyazed Basdi, chef de ce service. Entre février 2015 et mars 2016, le service fonctionnait avec deux neurologues, six résidents en neurologie, dix médecins généralistes, deux médecins internistes, un infectiologue et vingt infirmiers. «Ce staff médical et paramédical arrivait à faire face au nombre de malades sans cesse croissant à la mesure de la réputation et de la renommée du service», souligne encore le Dr Badsi. «Depuis février 2015, nous avons pris en charge 1 500 patients présentant des urgences neurologiques dont 900 AVC et 600 malades hospitalisés à l'unité AVC. 60 thrombolysés ont récupéré leurs fonctions vitales à 100%», a-t-elle noté. Le service fonctionnait «bien» et ses responsables avaient de nombreux projets notamment la création d'une unité spécialisée en épilepsie avec vidéo EEG pour prendre en charge les enfants dont la maladie est mal équilibrée. Seulement, toutes ces ambitions viennent d'être réduites à néant par une décision du Comité pédagogique de neurologie qui compromet l'évolution de ce service, avec le retrait des six résidents en neurologie, chevilles ouvrières de cette structure. Une décision incomprise Cette note, explique-t-on dans les milieux concernés, précise qu'Oran n'est pas un terrain favorable de stage pour la neurologie, à cause justement de l'absence de professeur de rang magistral dans cette spécialité. Pourtant, la législation permet, le cas échéant, la formation par parrainage, explique-t-on, et c'est ce qui a été fait avec les six résidents, parrainés par un professeur de l'hôpital de Blida, en l'occurrence le Pr. Arezki. «Tout a été fait dans le respect des règles et dans le cadre de la réglementation existante», souligne le directeur de l'EHU d'Oran, le Dr Mohamed Mansouri, ajoutant que les résidents ont bénéficié d'un plateau technique et de services qui répondent aux normes, et d'un encadrement de valeur. Cette décision du Comité pédagogique de neurologie demeure «incomprise» à ses yeux. «L'absence de rang magistral n'a pas posé de problème pour la formation par parrainage d'autres résidents à l'EHU dans certaines spécialités comme la cardiologie et l'endocrinologie», a encore rappelé le Dr. Mansouri. Pour connaître les circonstances de la prise de la décision du Comité pédagogique concernant cette spécialité à Oran, l'APS a tenté, sans succès, de contacter les responsables de cet organe. Contacté, Mohamed Amine Benhamed, vice-doyen de la faculté de Médecine d'Oran, structure responsable de la formation des médecins résidents, a estimé tout bonnement que si le Comité pédagogique a décidé qu'Oran n'est pas un terrain favorable pour le stage, «il n'en peut être qu'ainsi». Depuis la prise de cette décision, le sort des six résidents a été scellé. Deux ont été transférés à Tlemcen, un troisième sur Alger, alors que les trois restants ont préféré démissionner. Ils comptent repasser l'examen, l'année prochaine, et s'orienter vers une autre spécialité avec un «avenir plus sûr». Même si le service de neurologie de l'EHU est toujours ouvert, les patients et leurs familles craignent une réduction drastique de ses activités, voire carrément sa fermeture. Le directeur de l'EHU estime qu'un compromis aurait été possible pour garder les six résidents en poste à Oran. Il a rappelé qu'il s'agissait, au départ, de les laisser exercer leur mission au niveau de l'EHU tout en assurant leur formation, une fois par semaine à Tlemcen, la seule ville de l'ouest du pays qui dispose d'un professeur de rang magistral. En attendant la présence d'un professeur en neurologie à Oran, le sort de cette spécialité et celui des malades qui en dépendent demeurent incertains pour le moment, estime-t-on parmi le corps médical concerné. APS