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Après le Brexit, grand plan de relance de la Banque d'Angleterre La BoE annonce une augmentation de 70 milliards de livres sterling pour le porter à 445 milliards
La Banque d'Angleterre (BoE) a sorti l'artillerie lourde. Face au brutal ralentissement de l'économie britannique qui a suivi le vote du 23 juin en faveur de la sortie de l'Union européenne, elle a abaissé, jeudi 4 août, son taux directeur pour la première fois depuis 2009. Celui-ci a été ramené de 0,5% à 0,25%, soit son plus bas niveau depuis sa création, il y a trois cent vingt-deux ans. L'institut d'émission ne s'est pas arrêté là : il a décidé d'utiliser presque toute la palette des instruments de politique monétaire pour injecter des liquidités dans l'économie. La Banque d'Angleterre (BoE) a sorti l'artillerie lourde. Face au brutal ralentissement de l'économie britannique qui a suivi le vote du 23 juin en faveur de la sortie de l'Union européenne, elle a abaissé, jeudi 4 août, son taux directeur pour la première fois depuis 2009. Celui-ci a été ramené de 0,5% à 0,25%, soit son plus bas niveau depuis sa création, il y a trois cent vingt-deux ans. L'institut d'émission ne s'est pas arrêté là : il a décidé d'utiliser presque toute la palette des instruments de politique monétaire pour injecter des liquidités dans l'économie. Le gouverneur de la BoE, Mark Carney, a annoncé une augmentation à 70 milliards de livres sterling (82 milliards d'euros) du programme d'assouplissement quantitatif (quantitative easing, QE) pour le porter à 445 milliards de livres. Outre une hausse des rachats d'obligations d'Etat, la Banque d'Angleterre se lance dans un programme de rachat d'obligations d'entreprise (10 milliards de livres) et met en place un système de soutien aux banques à hauteur 100 milliards de livres pour qu'elles continuent à prêter. Ces annonces, plus fortes que ne l'attendaient les marchés, ont fait plonger la livre sterling de 1,5% face au dollar et à l'euro. «C'est le stimulus monétaire le plus audacieux depuis 2009 (pour le Royaume-Uni)», estime Joshua Mahony, analyste de marchés à IG, une plate-forme de courtage en ligne. Profonde incertitude Ces mesures ont été rendues nécessaires par le brusque coup de frein de l'économie. Un à un, tous les indicateurs conjoncturels passent au rouge. L'indice avancé du secteur des services, réalisé par la société Markit et annoncé mercredi 3 août, est passé de 52,3 en juin à 47,4 en juillet (un relevé au-dessus de 50 indique une croissance, au-dessous, une contraction). Un tel niveau n'avait pas été vu depuis mars 2009, en pleine crise financière. D'autres chiffres dans le secteur manufacturier ou le BTP indiquent une détérioration similaire. Cette soudaine chute est la conséquence directe du Brexit. Or, nul ne sait à quoi ressembleront demain les nouvelles relations entre le Royaume-Uni et l'Union. Quelles relations commerciales pourront être négociées entre Londres et Bruxelles ? Et avec le reste du monde ? Face à cette profonde incertitude, qui promet d'être longue, les investisseurs ont suspendu leurs projets. La chute de la livre sterling de 10% depuis le référendum va renchérir les importations et peser sur la consommation britannique. «C'est le stimulus monétaire le plus audacieux depuis 2009 (pour le Royaume-Uni)» La Banque d'Angleterre, pessimiste, prévoit une croissance du produit intérieur brut (PIB) quasiment inexistante au second semestre, en évitant de peu la récession. Pour 2017, le PIB croîtrait de 0,8%, contre une prévision préalable de 2,3%. «C'est un changement de régime», estime M. Carney. Sur trois ans, la croissance serait inférieure de 2,5 points à ce qu'elle aurait été sans le Brexit. Le gouverneur s'attend aussi à une hausse du chômage qui toucherait environ 250 000 personnes. La chute de la livre sterling, elle, va provoquer un retour de l'inflation au-dessus de 2% d'ici à 2017, alors que les salaires stagnent. Choc du Brexit inévitable Dans ces circonstances, le plan annoncé par la BoE est salué par la plupart des économistes. Même si beaucoup s'interrogent aussi sur ses limites. «Ce n'est pas un bazooka, mais un pistolet pour enfant», estime Charles Goodhart, un ancien membre de la Banque d'Angleterre. Il rappelle que, en 2008, les taux d'intérêt ont été abaissés en quelques mois de 4,5%, «dix-sept fois plus qu'aujourd'hui». Désormais, une telle action est impossible, car les taux d'intérêt sont presque à zéro. Et M. Carney refuse de suivre l'exemple de ses collègues suisses ou japonais : «Je n'ai pas l'intention de passer au taux d'intérêt négatif», affirme-t-il. Il estime que faire payer les épargnants pour conserver leur argent présente trop d'effets pervers. Du coup, les taux ont presque atteint leur limite basse. A défaut de pouvoir agir sur eux, la Banque d'Angleterre utilise donc le QE, ce qui est une façon de créer de la monnaie, de «faire tourner la planche à billets». Actuellement, la Banque centrale européenne et la Banque du Japon y ont recours. La BoE l'avait également utilisé, avant de le suspendre en 2012 quand l'économie avait retrouvé le chemin de la croissance. Cette fois, elle étend le programme aux obligations des entreprises. La vraie nouveauté, les mesures de soutien aux banques Mais, là aussi, les limites de cette approche se font sentir. Le danger pour l'institut monétaire est de tellement dominer le marché obligataire qu'elle en étoufferait la liquidité. Après la mise en œuvre des annonces de jeudi, la Banque centrale britannique possédera, en effet, près de la moitié de tous les bons du Trésor britanniques en circulation. La vraie nouveauté du plan annoncé par M. Carney concerne les mesures de soutien aux banques. L'objectif est de les financer directement à un niveau proche du taux directeur pour s'assurer que la baisse des taux bénéficie ensuite à leurs clients. Mais le gouverneur le reconnaît lui-même. Si ces mesures atténueront le choc du Brexit, ils ne peuvent pas complètement l'éviter : «La croissance de long terme de l'économie et ses conséquences pour l'emploi, les salaires réels et la richesse ne relèvent pas de la politique monétaire.» Les économistes attendent désormais un geste du gouvernement, avec une vraie relance budgétaire. «La politique monétaire est à court de munitions, et c'est désormais la politique budgétaire qui doit prendre le relais», estime M. Goodhart. Un plan de dépenses keynésien représenterait toutefois une volte-face pour les conservateurs, qui ont fait de la réduction du déficit leur priorité depuis 2010. «Mais avec une nouvelle Première ministre (Theresa May) et un nouveau chancelier de l'Echiquier (Philip Hammond), le climat politique a changé», estime Gerald Epstein, de l'université du Massachusetts. Il faudra probablement attendre la présentation du budget, en novembre, pour en savoir un peu plus sur les intentions de Mme May. E. A. In lemonde.fr