La croissance américaine a déçu et laisse la Banque centrale américaine (Fed) perplexe. Néanmoins à y regarder de plus près, rien d'alarmant ne se dégage de ce dernier chiffre. Les entreprises ont déstocké et par la même occasion ont tiré la croissance à la baisse. Mais, la consommation des ménages est restée robuste (+4,2%) et devrait stimuler l'activité dans les prochains mois. La croissance américaine a déçu et laisse la Banque centrale américaine (Fed) perplexe. Néanmoins à y regarder de plus près, rien d'alarmant ne se dégage de ce dernier chiffre. Les entreprises ont déstocké et par la même occasion ont tiré la croissance à la baisse. Mais, la consommation des ménages est restée robuste (+4,2%) et devrait stimuler l'activité dans les prochains mois. Néanmoins, le PIB n'a progressé «que» de 1,2% en rythme annualisé au deuxième trimestre 2016, bien en deçà de ceux de 2015 et de 2014 affichant respectivement 2,6% et 4%. Dans ce contexte, la Réserve Fédérale (Fed) reste très (trop) prudente, et décale invariablement son nécessaire resserrement monétaire. L'économie américaine a vécu sous perfusion monétaire depuis la crise. Et dès 2009, sa croissance est repassée en territoire positif. La Fed avait annoncé à partir de 2015 qu'elle allait progressivement augmenter ses taux directeurs pour lui laisser des marges de manœuvre et lui permettre de soutenir à nouveau l'activité économique au moment où le cycle de croissance se retournera. La croissance américaine, made in China Mais, les choses ne se sont pas passées comme prévu. La Banque centrale américaine s'est retrouvée, une fois n'est pas coutume, contrainte par des aléas extérieurs. Finie donc la période de suprématie financière des Etats-Unis, qui annonçaient, en toute impunité, par la voix de son ancien secrétaire d'Etat au Trésor, John Connally : «Le dollar c'est notre monnaie, mais votre problème». Les turbulences sur les marchés financiers, en particulier en Chine, mais aussi les tensions géopolitiques et leurs conséquences sur le prix du pétrole, sans oublier celles du Brexit, sont autant d'éléments qui rendent l'économie américaine dépendante du reste du monde. En effet, les liens financiers entre les différentes zones obligent la Réserve Fédérale à revoir ses ambitions internes en fonction des contraintes externes. La Chine reste un créancier incontournable pour les Etats-Unis. Elle finance une large partie de l'endettement américain en investissant notamment dans les bons du trésor. Ce qui explique que les turbulences sur les principales bourses chinoises de l'été dernier, ont contraint la Fed à poursuivre une politique monétaire accommodante (c'est-à-dire laisser ses taux d'intérêt très bas) pour éviter d'attiser les tensions en Chine et de les propager sur le reste de l'Asie émergente. Une hausse des taux d'intérêt aux Etats-Unis entraîne, en effet, un risque d'appréciation du dollar. Or, la devise américaine se situe déjà dans la fourchette haute depuis 18 mois. La monnaie chinoise, le Yuan, étant en partie collée à la devise américaine, une appréciation de cette dernière contraint les autorités de Pékin à soutenir leur monnaie. C'est ce qu'elles ont fait en partie, tout en laissant légèrement filer le yuan pour éviter de «trop» vider les caisses constituées des réserves de changes accumulées par les excédents commerciaux. Rappelons que ces réserves sont jusqu'à présent investies dans des actifs sur les places financières occidentales et américaines en particulier. En clair, le risque pour les Etats-Unis provient de ces flux de capitaux qui, au gré des turbulences sur les marchés financiers, peuvent impacter par effet de ricochet l'économie américaine. Ralentissement en vue Reste à savoir ce qu'il adviendra lorsque l'économie américaine amorcera réellement sa décrue. Après 6 ans de croissance discontinue, les Etats-Unis devraient dès 2017 entrer dans une phase de ralentissement. Or, avec les élections présidentielles de novembre, le statu quo risque d'être l'option privilégiée par la Réserve Fédérale. Il ne lui reste au final que le mois de décembre pour agir mais tout dépendra par ailleurs du candidat élu. Donald Trump a déjà annoncé qu'en cas de victoire, Janet Yellen, l'actuelle présidente de la Fed, serait remplacée et que l'indépendance de l'Institution serait rediscutée. Hillary Clinton parle, pour sa part, d'un nécessaire changement de gouvernance pour que le lobby bancaire soit moins prégnant au sein de la Fed. L'objectif étant que l'intérêt de «l'Amérique dans son ensemble» soit mieux représenté en repoussant au maximum la hausse des taux d'intérêt pour ne pas peser sur les ménages américains endettés. Instabilité financière et risque systémique Au final, il est fort à parier que les taux d'intérêt aux Etats-Unis restent durablement à un niveau très faible. Or, à terme, la croissance américaine s'essoufflera et la Réserve Fédérale ne disposera plus de son arme traditionnelle pour relancer la machine en abaissant ses taux directeurs. Elle ne pourra agir qu'à travers sa politique monétaire dite «non conventionnelle», c'est-à-dire en injectant massivement des liquidités en rachetant des actifs. Mais, les agents économiques vont-ils invariablement avoir confiance en l'efficacité de cette politique menée ainsi qu'en la solidité d'une Banque centrale qui a recours systématiquement à la planche à billets ? Alors que la crise de 1929 nous avait enseigné que ne rien faire entraînait, de facto, des faillites en chaîne et la dépression, force est de constater que les engagements pris actuellement par la Fed et les Banques centrales en général constituent des bombes à retardement. Les Banques centrales ne peuvent gonfler indéfiniment leur bilan en finançant artificiellement les marchés financiers. Ces mesures ont été prises au départ pour faire face à une crise. Elles étaient considérées comme exceptionnelles et ne peuvent être «banalisées» compte tenu des risques qu'elles génèrent en termes d'instabilité financière et de risque systémique. Ainsi, la Réserve Fédérale aurait dû neutraliser ces risques en procédant habilement à une remontée des taux directeurs depuis un an. Mais, la globalisation des flux de capitaux l'a rendu dépendante à court terme du contexte international. La Fed a tenté et tente toujours aujourd'hui d'éviter les perturbations économiques au risque de voir un jour l'addition se présenter à l'ensemble de l'économie mondiale rappelant ainsi que «there is no free lunch». S. V. *Economiste, Humanis. In latribune.fr La Fed priée d'être plus près de la population Lorsque la Réserve fédérale américaine élabore sa politique monétaire, elle a à l'esprit deux objectifs: le plein emploi, dans la mesure du possible, et une inflation stable. Mais certaines organisations de la société civile et autres partenaires sociaux trouvent cela bien juste et voudraient bien qu'elle prenne un peu plus en compte la réalité de tous les jours des Américains ainsi que leur diversité. Lors de la traditionnelle conférence annuelle de Jackson Hole (Wyoming), qui se déroulera des 25 au 27 août, la Fed se retrouvera avec d'autres banques centrales, comme à l'habitude, mais aussi avec un groupe de pression qui réclame de sa part une révision radicale de sa politique monétaire. Fed Up, une structure regroupant divers syndicats et organisations civiles, veut une banque centrale plus ouverte, moins opaque et plus au fait des inégalités. Elle rencontrera Esther George, la présidente de la Fed de Kansas City, à l'occasion du symposium. Cette organisation s'est depuis peu rallié des parlementaires du Congrès dans le but de faire inscrire par la Fed à son ordre du jour le problème de l'inégalité, qu'il tienne au type ethnique, au sexe ou au salaire. En mai dernier, 127 parlementaires, dont la sénatrice Elizabeth Warren et l'ex-candidat démocrate à la primaire de la présidentielle Bernie Sanders ont adressé à Janet Yellen, la présidente de la Fed, une lettre où ils prônent plus de diversité au sein même de la banque centrale afin de «rendre témoignage et de représenter les intérêts de notre pays dans toute sa diversité». Janet Yellen est elle-même la première femme à occuper le poste le plus élevé de la Fed depuis que celle-ci existe, soit depuis 103 ans. A l'heure actuelle, 11 des 12 présidents des antennes régionales de l'établissement sont blancs. Dix sont de sexe masculin; pas de noirs ni de latinos. Apparemment, le message semble passer. «Je pense que la diversité est d'une importance extrême dans tous les compartiments de la Réserve fédérale», avait déclaré Janet Yellen au Congrès en juin. Les minorités représentent pour l'heure 24% des conseils des antennes régionales de la Fed contre 16% en 2010; 46% des administrateurs sont soit de sexe féminin soit ne sont pas des blancs. Yellen, qui n'a jamais manqué de souligner les inégalités salariales, observe que leur accroissement serait préjudiciable à la croissance économique. «Il est certain que nous sommes attachés à mettre en avant un marché de l'emploi plus dynamique et qui profite à tous les groupes», avait-elle encore dit en juin au Congrès. (Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Pierre Sérisier)