La traditionnelle grande réunion des banquiers centraux à Jackson Hole (Wyoming) promet d'attirer toute l'attention des marchés financiers vendredi sur les enjeux des politiques monétaires, notamment des deux côtés de l'Atlantique. Pour la première fois depuis qu'ils sont à leurs postes, la patronne de la Réserve fédérale américaine (Fed) Janet Yellen et le président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi interviendront lors de ce symposium où se presse généralement le gotha de la politique monétaire. La réunion est consacrée cette année à "la réévaluation des dynamiques du marché du travail", un thème cher au cœur de Mme Yellen. La présidente de la Fed doit prononcer un discours vendredi à 14H00 GMT/16h00 HEC tandis que M. Draghi prendra la tribune à 18H30 GMT. Les analystes ne s'attendent guère, de la part de Mme Yellen, à une annonce spectaculaire comme celle qui avait marqué la réunion de 2012, lorsque son prédécesseur Ben Bernanke avait annoncé un nouveau train de mesures accommodantes pour soutenir la reprise. Mais ils seront à l'affût d'indices sur le calendrier d'une première hausse des taux d'intérêt américains. Mme Yellen "pourrait parler de politique monétaire de manière indirecte à travers une analyse économique évoquant les tensions sur les salaires", a estimé l'économiste indépendant Joel Naroff. Les économistes guettent en effet les signes d'une hausse des salaires aux Etats-Unis, qui pourrait se traduire par de l'inflation et donner le signal à la Fed qu'il est temps d'agir sur les taux d'intérêt. Janet Yellen devrait "nous donner une sorte de calendrier indiquant de quelle façon les hausses de salaires pourraient se traduire dans l'économie", affirme encore M. Naroff. Jusqu'ici, les augmentations de salaires sont faibles aux Etats-Unis et l'économie est loin du plein emploi malgré une chute du taux de chômage plus rapide que ne le prévoyait la Fed elle-même (6,2% contre 7,3% il y a un an). Dans ces conditions, l'inflation se maintient en-dessous de l'objectif de 2% visé par la Fed (1,6%, selon l'indice PCE). Mme Yellen pourrait à nouveau pointer du doigt l'important volume de chômeurs découragés de chercher un emploi et le grand nombre de travailleurs à temps partiel pour montrer que le marché du travail est moins bien portant que ce que montre le seul taux de chômage. Certains, comme le dissident du dernier Comité de politique monétaire (FOMC) Charles Plosser, estiment toutefois que la banque centrale américaine est déjà "en retard" sur les signes d'inflation et réclament qu'elle envisage plus rapidement une hausse des taux.
Temps considérable Pour l'instant, le FOMC ne cesse de répéter qu'il entend garder les taux proches de zéro "pendant une période de temps considérable" et les économistes s'attendent généralement à une première hausse des taux mi-2015 après la fin des achats d'actifs exceptionnels prévue pour octobre. Pour les analystes de Barclays Research, l'intervention de Mme Yellen à Jackson Hole devrait encore "aller dans le sens d'un retour très graduel à une politique monétaire normale". Les projecteurs seront aussi braqués sur le patron de la BCE, Mario Draghi, alors que la zone euro ne parvient pas à renouer avec la croissance. Certains appellent à davantage de mesures d'assouplissement monétaire de la part de la banque centrale pour dynamiser l'expansion et lutter contre les risques de déflation. Le Produit intérieur brut de la zone euro a stagné au deuxième trimestre avec une contraction de 0,2% en Allemagne, une croissance au point mort en France et l'Italie qui a replongé dans la récession. La BCE, qui a baissé son taux directeur début juin à un nouveau plus bas niveau historique (0,15%) et offert aux banques des prêts à long terme leur permettant de se financer à des conditions avantageuses, n'a plus beaucoup de munitions à sa disposition pour soutenir la reprise. Il lui reste l'option de mesures non-conventionnelles, comme un programme de rachat massif d'actifs de dette publique ou privée, à l'instar de ce qu'a fait la Fed. Mais de tels leviers ne semblent pas être envisagés avant au moins la fin de l'année, estiment la plupart des analystes.