Le profil de ce dirigeant habile et affable, membre de la commission de discipline de la FIFA et soucieux de rétablir «le parfait équilibre» entre les nations du Vieux continent, a séduit la majorité des 55 associations nationales membres de la Confédération européenne. Appelé à terminer le mandat de Michel Platini, qui expirera en mars 2019, M. Ceferin hérite d'une institution richissime, dont les revenus générés par l'Euro 2016, organisé en France, sont évalués à 1,93 milliard d'euros A 48 ans, il est devenu le plus jeune dirigeant à accéder à la magistrature suprême du football européen. Mercredi 14 septembre, à l'hôtel Grand Resort Lagonissi d'Athènes, le Slovène Aleksander Ceferin a été élu à la présidence de l'Union des associations européennes de football (UEFA). Patron de la fédération de son pays depuis 2011, le brillant juriste a battu dans les urnes (42 voix contre 13) son concurrent Michael van Praag, de vingt ans son aîné et dirigeant de la puissante fédération néerlandaise. Aleksander Ceferin devient ainsi le 7e président de la Confédération européenne, et surtout le premier issu d'un ex-pays du bloc de l'Est. Favori du scrutin, cet inconnu du grand public succède ainsi à Michel Platini, élu en 2007 grâce aux voix des petites fédérations et dont le trône était resté vide depuis octobre 2015 et sa radiation par la Fédération internationale de football (FIFA). C'est d'ailleurs après le discours d'adieu de l'ex-numéro 10 des Bleus, suspendu 4 ans, que le vote a eu lieu. Qui aurait cru, il y a encore trois mois, qu'Aleksander Cefefin, avocat en droit criminel et commercial, aurait succédé à «Platoche», défenseur des petites nations et architecte du fair-play financier ? Parti en campagne le 8 juin, le quadragénaire a d'abord bénéficié de l'appui des pays nordiques avant d'être soutenu par les fédérations des Balkans, l'Italie, la Turquie, la Russie, l'Allemagne et la France. Le profil de ce dirigeant habile et affable, membre de la commission de discipline de la FIFA et soucieux de rétablir «le parfait équilibre » entre les nations du Vieux continent, a séduit la majorité des 55 associations nationales membres de la Confédération européenne. Appelé à terminer le mandat de Michel Platini, qui expirera en mars 2019, M. Ceferin hérite d'une institution richissime, dont les revenus générés par l'Euro 2016, organisé en France, sont évalués à 1,93 milliard d'euros Héritier de Platini A la tête d'un cabinet d'avocats dans la banlieue de Ljubljana, cet amateur de karaté et de basket-ball a notamment proposé d'instaurer une limite de mandats pour le président de l'UEFA et les membres du comité exécutif, et de créer un comité d'audit. Il entend également « mettre l'accent sur la sécurité et l'intégrité; protéger le jeu des pratiques malveillantes comme le dopage et les paris illégaux» et œuvrer pour le développement du football féminin. Avant le scrutin, Aleksander Ceferin avait loué le bilan de Michel Platini. Une manière de se poser en héritier du très populaire triple ballon d'or (entre 1983 et 1985). «Il a fait beaucoup pour les petites et moyennes fédérations. Ce n'est pas dans ma nature de tourner le dos et d'oublier les bonnes choses qu'il a faites pour le football européen», confiait le Slovène au Monde. Défenseur de la réforme qui a élargi à 24 le nombre d'équipes participantes à l'Euro, M. Ceferin assure «vouloir conduire l'UEFA vers plus d'égalité entre les gros et petits clubs, les hommes et les femmes, les riches et les pauvres» et milite pour «davantage de transparence.» Avant le XIIe congrès extraordinaire de la confédération, le favori avait critiqué l'accord qui a débouché sur le vote, fin août, de la réforme de la Ligue des champions. Cette nouvelle formule permettra, de 2018 à 2021, à chacun des quatre pays classés en tête à l'indice UEFA (Espagne, Allemagne, Angleterre, Italie) de qualifier directement quatre clubs à la phase de poules. «Il y a eu un groupe qui a décidé et le manque de communication est la principale raison pour laquelle les clubs et les fédérations sont furieux», a-t-il déclaré sans clairement donner sa position sur le contenu de la réforme. Au Monde, Ceferin promettait de mettre un terme aux sempiternelles querelles entre l'UEFA et la FIFA. Une brouille incarnée par la rupture et la chute du tandem Michel Platini-Joseph Blatter. «La situation du passé, quand l'UEFA et la FIFA se battaient tout le temps, ne doit plus se reproduire», insistait le favori. «Je suis indépendant, croyez-moi» En mai, la visite en Slovénie du nouveau patron de la FIFA et ex-secrétaire général de l'UEFA (2009-2016), Gianni Infantino, a pourtant alimenté les soupçons de collusions d'intérêts. «M. Infantino est venu en Slovénie pour inaugurer notre centre d'entraînement, comme l'aurait fait M. Platini s'il avait été encore en poste, se défend M. Ceferin. Je serais heureux d'avoir le soutien de M. Infantino et celui de M. Platini. Mais je pense qu'ils ne veulent pas interférer dans les élections. Et je suis indépendant, croyez-moi. Je suis heureux que, malgré tous ces soutiens, on ne m'ait jamais posé des conditions ou suggéré que je devrais donner quelque chose en retour.» Pourtant, la publication, le 5 septembre, d'une enquête dans le magazine norvégien Josimar a mis en lumière les liens troubles entre Ceferin et Gianni Infantino. Il y est détaillé comment le président de la FIFA se serait activé, dans l'ombre, pour faire élire le Slovène à la tête de l'UEFA. Censé rester à l'écart de cette bataille politique, le patron du foot mondial aurait orchestré en sous-main le lancement de campagne de Ceferin par l'entremise du Norvégien Kjetil Siem, devenu son «directeur de la stratégie» à la FIFA. Cet intermédiaire aurait ainsi œuvré, fin mai, pour que les pays nordiques se rangent derrière le candidat. En retour, les dirigeants scandinaves auraient reçu la promesse de se voir confier l'organisation de l'Euro-2024 ou de l'édition 2028. En outre, Karl-Erik Nilsson, patron de la fédération suédoise, aurait obtenu un poste de vice-président de l'UEFA en échange de son soutien au jeune avocat. Selon le magazine Josimar, Ceferin aurait par ailleurs suggéré à Gianni Infantino de nommer, le 6 juillet, son compatriote et ami Tomaz Vesel à la tête du comité d'audit et de conformité de la FIFA. Patron de la Cour des comptes de la République de Slovénie, Vesel a ainsi succédé à l'Italo-Suisse Domenico Scala, en conflit avec Infantino et démissionnaire le 14 mai. Cette collusion d'intérêts est d'autant plus troublante que Vesel a été depuis amené à fixer, le 31 août, le montant du salaire du président de la FIFA (1,5 million de francs suisses annuels, soit 1,36 million d'euros), régularisant ainsi sa situation contractuelle. Cette décision a mis un terme à une affaire qui avait miné les six premiers mois du règne d'Infantino. Pour de nombreux observateurs des instances du football mondial, Ceferin apparaît déjà comme un «président faible dans les mains de la FIFA et d'Infantino. » «J'ai la vision d'une UEFA qui sera une organisation juste avec des opportunités égales pour tous les membres», balaye le nouveau patron du foot européen, dont la tâche s'avère colossale. R. D. In lemonde.fr