Le barde idéaliste de la «beatnik generation» est récompensé de la plus prestigieuse distinction pour tous les poèmes qu'il déclamait accompagné de sa guitare et son harmonica ou qu'il confiait à d'autres interprètes comme Joan Baez Il y avait de la joie, il y avait de l'étonnement aussi. Mais les deux se rejoignent dans la surprise. Personne ne s'attendait à l'attribution, jeudi dernier, du Nobel de la littérature à Bob Dylan, l'auteur, compositeur et interprète américain dont les textes poétiques ont influencé deux générations d'artistes dans le monde entier et accompagné un des plus grands mouvements sociaux des années 1960, le mouvement hippies, qui a eu ses prophètes, ses maîtres-à-penser (Jack Kerouac) et ses artistes dont Dylan, tous militant pour le «peace'n love». Vu sous cet angle, le choix de l'Académie suédoise cadre parfaitement avec le testament d'Alfred Nobel qui prescrit de récompenser «l'auteur de l'ouvrage littéraire le plus remarquable d'inspiration idéaliste». Ce que dira la secrétaire générale de l'Académie suédoise, Sara Danius, qui a annoncé que Robert Allen Zimmerman, alias Bob Dylan, 75 ans, a été récompensé «pour avoir créé dans le cadre de la grande tradition de la musique américaine de nouveaux modes d'expression poétique». «Bob Dylan écrit une poésie pour l'oreille, qui doit être déclamée. Si l'on pense aux Grecs anciens, à Sappho, Homère, ils écrivaient aussi de la poésie à dire, de préférence avec des instruments», arguera-t-elle, assurant qu'une «grande unité» avait présidé au vote des académiciens. «Il est extrêmement doué pour la rime. C'est un sampleur littéraire», ajoutera la secrétaire générale de l'Académie anticipant les critiques qui ne manqueront pas de fuser quant à ce choix privilégiant un poète-chanteur à des romanciers ou de poètes dont certains attendent le prix depuis des années. Et elles seront nombreuses sur les réseaux sociaux dont celle de l'Ecossais Irvin Welsh, auteur de Trainspotting, a égratigné les membres du jury les qualifiant de «hippies séniles». Mais ils seront tout aussi nombreux qui salueront le choix de l'Académie dont l'assistance d'où ont jaillit des hourras à l'annonce du lauréat. Parmi les autres habituels candidats encore déçus, on retiendra le commentaire de Salman Rushdie qui écrira sur Twitter que c'est une «un super choix», qualifiant Dylan de «brillant héritier de la tradition des bardes». La complice et ex-partenaire de Dylan, Joan Baez, autre icône de la folk music, dira que c'est «une nouvelle étape vers l'immortalité» du chanteur. «De mon répertoire qui s'étale sur 60 ans, aucune chanson n'a été aussi émouvante et ne valait autant la peine dans sa profondeur, sa noirceur, son mystère, sa beauté et son humour que celles de Bob», a écrit la chanteuse sur Facebook. Le président américain Barack Obama, qui a décoré Bob Dylan dont il se dit «grand fan» en 2012, s'est également réjouit pour ce Nobel «Félicitations à l'un de mes poètes préférés, Bob Dylan, pour ce Nobel tout à fait mérité», a-t-il écrit sur Twitter. Premier musicien récompensé par l'Académie depuis la création du prix en 1901, son nom comme celui du Canadien Leonard Cohen revenait de temps en temps dans les spéculations autour du Nobel, sans jamais être pris au sérieux. Désormais, le barde idéaliste de la «beatnik generation» est récompensé de la plus prestigieuse distinction pour tous les poèmes qu'il déclamait accompagné de sa guitare et son harmonica ou qu'il confiait à d'autres interprètes comme Joan Baez. R. C.