L'Eurogroupe qui se réunit ce lundi 4 décembre se penchera sur des premières mesures de restructuration de la dette grecque. Si l'on en croit un document interne au Mécanisme européen de Stabilité (MES), révélé la semaine dernière par le Wall Street Journal, les mesures proposées viseraient à allonger les maturités actuelles des dettes détenues par cette institution et par son prédécesseur, le Fonds européen de Stabilité financière (FESF). Une limite serait également prévue pour les taux demandés à la Grèce. L'Eurogroupe qui se réunit ce lundi 4 décembre se penchera sur des premières mesures de restructuration de la dette grecque. Si l'on en croit un document interne au Mécanisme européen de Stabilité (MES), révélé la semaine dernière par le Wall Street Journal, les mesures proposées viseraient à allonger les maturités actuelles des dettes détenues par cette institution et par son prédécesseur, le Fonds européen de Stabilité financière (FESF). Une limite serait également prévue pour les taux demandés à la Grèce. Le plan du MES Ces mesures devraient être mises en place en 2017 et 2018 et ne toucheraient pas au stock nominal de créances détenues par ces institutions envers l'Etat hellénique. Le document estime que dans un «scénario central», la valeur actualisée nette de la dette grecque, autrement dit la valeur en prenant en compte l'inflation future, serait ainsi de facto réduite de 21,6% d'ici à 2060. Ainsi, le ratio de dette publique sur PIB de la Grèce serait en 2060 de 104,9% contre 176,9% du PIB aujourd'hui. Ainsi, le MES remplirait sa tâche a priori irréalisable d'alléger la dette grecque comme le voulait Athènes, sans toucher à la valeur nominale de cette dernière, comme le voulaient les créanciers européens de la Grèce. Le gouvernement grec d'Alexis Tsipras a un besoin immense d'une victoire sur ce terrain alors que sa popularité est au plus bas. Lorsque, le 15 juillet 2015, le Premier ministre hellénique a accepté les conditions de ses créanciers et un troisième plan de renflouement, il avait obtenu l'engagement d'une revue des conditions du remboursement de la dette. Cette revue a cependant été maintes fois repoussée, alors que la Grèce obtenait les différents déboursements du MES «contre des réformes». Obtenir finalement ces mesures serait donc la «récompense» des efforts consentis par la Grèce depuis un an et demi. Que décidera Berlin ? Cette narration susceptible d'être beaucoup utilisé par le gouvernement grec dans les mois à venir n'est pas encore acquise. D'abord, il n'est pas certain que l'Eurogroupe accepte les mesures proposées par le MES. Berlin a certes accepté d'examiner ces mesures qui ont été établies à la demande de l'Eurogroupe le 25 mai dernier. Mais il n'est pas certain que le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble les accepte. Dans une interview accordée par Bild Zeitung, il a indiqué qu'une restructuration de la dette «n'aiderait pas la Grèce» et que l'essentiel était ailleurs. Balayant toutes les mesures prises depuis 18 mois, il a réclamé que la Grèce «mette enfin en œuvre toutes les réformes nécessaires». Et de finir en menaçant la Grèce de sortie de la zone euro si elle tergiversait. Convaincre Berlin ne sera pas aisé. La CDU n'entend pas tendre les verges pour se faire battre dans le débat national par les eurosceptiques d'AfD en ayant eu l'impression de «brader l'intérêt des contribuables allemands» à neuf mois des élections fédérales. Une restructuration a minima fortement conditionnée pourrait cependant permettre à l'Allemagne de conserver le FMI dans le programme, ce qui était un des buts de Berlin, tout en gardant la tête haute face à son électorat. Le prix élevé de la restructuration de la dette Pour obtenir sa restructuration de la dette, Athènes va donc devoir donner des gages et prendre de nouvelles mesures d'austérité. Le site The Greek report a publié ce week-end un projet d'accord entre la Grèce et les créanciers pour obtenir la générosité du MES et du FESF. Cet accord, comme souvent depuis juillet 2015, souligne un certain nombre de reculades du gouvernement grec, notamment sur les objectifs d'excédents primaires (hors service de la dette). L'objectif de 3,5% du PIB pour 2018 était contesté par Athènes qui refusait toute extension de cet objectif. Il est pourtant, dans le projet d'accord, prolongé jusqu'en 2020 de deux ans supplémentaires. Ceci conduira à prendre des «mesures supplémentaires», notamment une «rationalisation des dépenses sociales» qui devrait principalement toucher l'assurance sociale, mais aussi l'aide au chauffage des ménages ou les allocations familiales. Le but est de concentrer l'aide sociale sur «les plus fragiles», au risque de fragiliser encore davantage la classe moyenne inférieure. Au programme également, la réduction des exemptions fiscales, notamment pour les salariés, une nouvelle réduction des effectifs de la fonction publique, une réforme du droit du travail pour réduire la représentativité syndicale et faciliter les licenciements économiques et, enfin, l'engagement de ne pas proposer de rédemptions de dette privée dans l'avenir. Les demandes sont donc importantes pour ce protocole d'accord «supplémentaire» à un protocole d'accord déjà singulièrement durci en juin dernier. Plus que jamais, donc, la Grèce semble bien condamnée à l'austérité perpétuelle. Les objectifs fixés, réaménagement de la dette ou pas, sont en effet très ambitieux et inatteignables. Malgré une croissance supérieure aux attentes et un excédent primaire très important, le document identifie des «besoins budgétaires supplémentaires» pour atteindre les objectifs de 2017 et 2018. La Grèce doit donc, quels que soient ses efforts, «courir» en permanence après ses objectifs fixés. Et plus elle rate ses objectifs, plus on lui en fixe de nouveaux en réclamant «de vraies réformes». Un mélange de mythe de Sisyphe et de flèche de Zénon d'Elée que la restructuration de la dette proposée par le MES entretient. Des mesures salutaires ? Car, en réalité, ces mesures sont-elles réellement salutaires ? La baisse d'un cinquième de la dette en 2060 est une simple hypothèse. On sait combien, dans le cas grec, les institutions internationales se sont trompées jusqu'ici. Elle laisse, de toute façon, une charge considérable à la Grèce qui se retrouverait avec un niveau de dette dans 43 ans proche de niveaux qui apparaissent préoccupant pour plus d'un Etat aujourd'hui. Surtout, ces calculs ne prennent évidemment pas en compte d'éventuelles crises financières dont il serait étonnant qu'elles ne se produisent pas d'ici 43 ans. Or, la Grèce restera un «maillon faible» compte tenu de son niveau d'endettement et pourrait perdre son accès fragile aux marchés. Par ailleurs, comme on l'a vu sur 2019-2020, cette réduction de la valeur actualisée nette ne conduit pas à alléger rapidement les besoins de financement du pays dans l'immédiat. La Grèce va devoir rembourser l'intégralité de sa dette et va donc, pour cela, devoir dégager en permanence des excédents primaires. Elle y sera d'autant plus contrainte qu'elle devra, une fois de retour sur les marchés, y rester et qu'elle ne pourra y rester qu'avec des excédents constants afin de rassurer des investisseurs très prudents. De plus, de retour sur les marchés, la Grèce refinancera sa dette à prix plus élevé qu'avec le MES, ses besoins de financement vont donc progresser, obligeant à des excédents toujours plus élevés. Or, ces excédents sont autant de ponctions sur une économie détruite qui réduit son potentiel à long terme. Un plan fondé sur un mythe La proposition du MES ne réduit pas le mythe sur lequel est fondé le sauvetage de la Grèce et qui est résumé par Wolfgang Schäuble dans Bild : «La Grèce doit prendre des réformes pour devenir compétitive. Il n'est question que de cela, rien de plus». Autrement dit : les réformes feront venir des investisseurs qui reconstruiront le potentiel productif du pays si les réformes sont réalisées. Une vision que l'histoire et la réalité du système financier recherchant la «liquidité» et le rendement rapide, rendent peu crédible. Quand le pays serait un paradis pour les entreprises, qui viendrait investir dans une Grèce soumise à un régime d'austérité permanente et pouvant, au prix, des pires sacrifices, espérer, dans le meilleur des cas un ratio d'endettement de 105% en 2060 ? Si les créanciers ne veulent pas réduire leur dette, ils devraient encourager l'investissement européen en Grèce pour valoriser leurs dettes. Or, le plan Juncker est très discret, voire inexistant dans ce pays. Certes, cette restructuration a minima - qui n'est pas acquise - est la bienvenue. Mais elle est insuffisante et peu attrayante au regard des conditions qui sont demandées à Athènes. C'est pourtant, pour un Alexis Tsipras aux abois politiquement la seule façon de redorer son blason. R. G. In latribune.fr