L'adoption surprise, mardi 31 janvier, d'un décret d'urgence qui pourrait mettre les hommes politiques à l'abri de certaines poursuites a fait descendre des milliers de Roumains dans la rue en pleine nuit et dans un froid glacial. L'adoption surprise, mardi 31 janvier, d'un décret d'urgence qui pourrait mettre les hommes politiques à l'abri de certaines poursuites a fait descendre des milliers de Roumains dans la rue en pleine nuit et dans un froid glacial. La fronde se poursuit pour dénoncer cette révision pénale jugée taillée sur mesure pour les élus, notamment au sein du Parti social-démocrate (PSD) au pouvoir. Selon les médias roumains, entre 200 000 et 300 000 personnes ont battu le pavé à travers tout le pays, dont la moitié à Bucarest. En l'absence de chiffres des autorités, les médias ont estimé qu'il s'agissait des plus importantes manifestations depuis la révolution roumaine de décembre 1989 qui a mis fin régime de Ceausescu. Dans la capitale, où un millier de gendarmes avait été déployé, le rassemblement s'est achevé par des incidents entre les forces de l'ordre et les derniers groupes de manifestants restés face au siège du gouvernement, place de la Victoire. Le texte adopté dépénalise plusieurs infractions et rend l'abus de pouvoir passible de peines de prison uniquement s'il provoque un préjudice supérieur à 44 000 €. Il devrait notamment permettre au chef du Parti social-démocrate (PSD), Liviu Dragnea, d'échapper au principal chef d'accusation le visant dans un procès pour emplois fictifs. Dragnea convoitait le poste de Premier ministre mais a dû renoncer en raison d'une condamnation à deux ans de prison avec sursis pour fraude électorale. Le gouvernement a, par ailleurs, soumis au Parlement un projet de grâce visant environ 2 500 détenus purgeant des peines jusqu'à cinq ans de prison, qui pourrait aussi bénéficier à des hommes politiques condamnés. Le président Klaus Iohannis a qualifié le décret d'«inacceptable» et parlé de «scandale». Il a exhorté ses membres à saisir la Cour constitutionnelle pour tenter de remédier à une «grave violation de l'indépendance de la justice». L'ensemble du monde judiciaire a également dénoncé la décision du gouvernement d'assouplir la législation anticorruption. Les médias évoquaient une précédente nuit de 2013 où le PSD avait tenté d'adopter une loi d'amnistie et de grâce, alors abandonnée sous la pression de l'opinion publique. La Commission européenne a exprimé sa «grande préoccupation» face à ces changements adoptés sans passer par le Parlement et a mis en garde contre toute «régression» en matière de lutte contre la corruption. Aux responsabilités depuis moins d'un mois sous la houlette du premier ministre Sorin Grindeanu, le PSD affronte une nouvelle crise politique après avoir dû quitter le pouvoir fin 2015 sous la pression de la rue. Aux législatives de décembre 2016, ce parti, qui compte une solide base électorale dans les campagnes, a démarré une cohabitation tendue avec le président de centre droit Klaus Iohannis. Une tension qui s'est accrue lorsque le gouvernement a présenté ses projets de révision pénale, il y a une dizaine de jours. R. I.