Entre espoir et désespoir, le cœur des jeunes Algériens balance. Ils rêvent de grands exploits et se battent pour y parvenir. Ils n'ont peur de rien. Ni des patrouilles de gardes-côtes qui pourchassent les harraga, ni les gendarmes et flics qui traquent les fous de Dieu suicidaires, encore moins du regard rébarbatif des conservateurs offusqués par le libertinage et la consommation de substances illicites. Ils vivent leurs espoirs avec la même force qu'ils retiennent leur désespoir. Violences, chômage, marginalité sociale, émigration clandestine, terrorisme, vide identitaires, perte de repères, autant de forme que peut prendre leur énergie débordante mais aussi leur consternation grandissante. Ils sont au cœur de l'actualité. Mais il a fallu attendre qu'ils expriment leur présence par la violence, et la mort pour entendre résonner des discours sur leur condition de la part de nos dirigeants. Des discours qui n'ont pas pu saisir la gravité de la situation, ni proposer les moyens d'en sortir mais qui marquent peut-être un début d'éveil… Dans cette Algérie de tous les doutes où vivent près de 36 millions de personnes, les distances entre les différentes classes sociales ne cessent de se creuser, et approcher les jeunes reste le meilleur moyen de le constater. Dans la capitale où se concentrent des Algériens venus des quatre coins du pays, il est très aisé de s'en rendre compte. Il suffit de tendre l'oreille et d'ouvrir les yeux pour voir les différences se dessiner d'une frange à une autre. Des franges qui vivent dans la même société mais qui ne partagent pas les mêmes réalités, les mêmes préoccupations, pas même une culture unique et aux contours clairs ! lorsqu'on s'intéresse aux loisirs des jeunes, ce constat simple prend des proportions impressionnantes. Ceux qui n'ont pas opté pour les voies extrêmes de l'émigration clandestine ou du terrorisme expriment leurs hésitations entre espoir et désespoir autrement. Qu'ils soient riches ou pauvres, issus de milieux conservateurs ou plutôt modernes, leur façon de s'amuser est significative. La Tribune a entrepris d'aller à la rencontre de quelques-uns de ses différents groupes. Et pour ce faire, il a fallu attendre la nuit… car ils sont nombreux à attendre ce moment pour profiter de l'insouciance de leur âge. Même si ses rues sont désertes, Alger la nuit, palpite au rythme d'une vie insoupçonnable. Dans les discothèques de la capitale, les jeunes s'oublient dans l'alcool -devenue une consommation banalisée-, les rythmes effrénés de la musique, des corps qui dansent en anéantissant toutes les contraintes qui pèsent sur leur désir de liberté. Des jeunes qui présentent des visages plein d'espoir le jour quand ils sont à la fac ou au travail, mais adoptent des attitudes pleines de désespoir une fois la nuit tombée dans ces night-clubs où ils boivent et rient sans retenue pour masquer une détresse indéniable. D'autres jeunes vivent la nuit à Alger, différemment, mais ceux-là ne sont pas mixtes et se contentent de qaadate- parfois soft et d'autres fois relevées par quelques joints de zetla autour d'un jeu de cartes ou de dominos, dans un des coins de Bab El Oued, Bachdjarah ou encore Birkhadem. Des jeunes qui trompent leur désespoir pour mieux retenir l'espoir du changement. D'autres encore restent tranquillement chez eux à défaut de trouver un espace pour les accueillir. Pour ceux-là, ou devrait-on plutôt dire pour celles-là, la jeunesse est un concept vague qui ne résiste pas au poids des traditions. La situation ne peut être réduite à ces seuls exemples quoique représentatifs mais quoi qu'on en dise, ils appellent les mêmes questionnements. Les jeunes hésitent et vacillent entre espoir et désespoirs, même s'ils n'ont pas les mêmes repères culturels. Des repères culturels qui changent d'une catégorie à une autre Certains ont pour référence l'Occident alors que d'autres se laissent influencer par l'Orient. Il y a aussi ceux qui gardent un juste milieu. Et d'ailleurs, est-il normal que, dans un même pays, il y ait des jeunes aux références culturelles aussi contrastées, voire opposées ? Au vu de la dynamique de mondialisation actuelle, peut-on encore parler aujourd'hui d'un modèle social algérien, avec ses repères et ses référents ? La situation présente du pays a poussé beaucoup de jeunes à opter pour l'émigration, qu'elle soit clandestine ou régulière, d'autres à faire contre mauvaise fortune bon cœur en essayant de s'en sortir comme ils peuvent en Algérie, d'autres encore sont plongés dans l'inertie et n'ont même pas la chance de pouvoir vraiment hésiter entre espoir et désespoir … F. B.