Si en Suisse on ne rigole pas avec le secret bancaire, aux Etats-Unis c'est avec le fisc qu'on ne badine pas. Les deux visions s'affrontent depuis le mois dernier lorsque la justice américaine avait demandé à UBS de lui révéler l'identité de dizaines de milliers de ses clients, mettant la banque helvétique au pied du mur et l'incitant à coopérer en lâchant du lest. Confrontation bilatérale au départ, l'affaire n'a pas manqué de servir de brèche à la relance de la bataille menée par plusieurs pays de l'Union européenne contre le secret bancaire, auquel la Suisse et plusieurs autres pays servent de véritables institutions.En quelques jours, l'affrontement s'est transformé en pression internationale qui eut vite l'effet, à peine soupçonnable préalablement, de pousser plusieurs pays à engager des mesures au profit d'un assouplissement de leur mode de secret bancaire. Le G20 étant un ennemi ouvertement déclaré des paradis fiscaux, il ne maquera sans doute pas de rappeler sa position à ce sujet lors de sa réunion au début du mois prochain à Londres. En Algérie, si le secret bancaire n'a pas de domiciliation fixe, l'évasion fiscale semble, pour sa part, bénéficier de points de refuge qui lui permettent de se mouvoir à sa guise. A défaut de paradis fiscal, cette pratique se plaît dans un agréable nomadisme qui préfère le grand air et l'oasis fiscale. Car, si l'évasion fiscale, à ne pas confondre avec fraude fiscale, se trouve être protégée dans nombre de pays par des lois internes qui n'en font pas un délit pénal, en Algérie, ce fléau, réprimandé par la justice, s'épanouit loin des banques, au détriment de ces dernières aussi, et trouve espace à son expression grâce, justement, à une configuration socioéconomique qui lui est largement favorable. Parmi les voies les plus indiquées pour échapper aux impôts, l'usage d'argent en liquidités se trouve être la référence. Dans cette logique de contournement des lois, nombreuses entreprises continuent à payer leurs «salariés» en billets de banque, loin du regard curieux et comptable du fisc et au détriment de la législation en vigueur. D'autres entreprises procèdent à des transactions, entre elles ou avec des clients particuliers, en usant du secret du sachet noir plein à s'éventrer de liasses. Les règles de l'évasion fiscale sont nombreuses et parfois impénétrables et l'usage abusif des liquidités n'en est, certes, qu'une facette parmi tant d'autres. Ce sont, en effet, des sommes colossales qui coulent quotidiennement à flot avant d'emprunter le fleuve royal et quiet de l'évasion fiscale, échappant aisément aux trappes du contrôle et de l'imposition. C'est pourquoi peut être l'une des batailles à livrer par les autorités dans le cadre de la difficile lutte contre l'évasion fiscale consisterait à réduire de la disponibilité des liquidités en privilégiant l'usage du chèque et de la carte de payement magnétique. Car, s'il est admis, et presque naturel, que là où il y a beaucoup d'argent disponible en billets, il y a une voie ouverte à différents délits, dont l'évasion fiscale, il reste tout autant admis que des outils comme le chèque, qu'il est urgent de rétablir dans son droit, ou la carte magnétique s'avèrent être des mécanismes efficaces pour réduire de ces fléaux. Des expériences tentées ça et là, à l'image du contrat signé hier entre la BEA et Naftal, peuvent sans doute contribuer à éliminer progressivement le cash tout en sécurisant les transactions, quelle que soit leur nature et quelle que soit leur ampleur. Encore faudrait-il qu'on y pense sérieusement. L. I.