Les clients d'UBS qui s'exposent à devoir révéler leurs comptes confidentiels au fisc américain «ne sont pas juste des victimes innocentes ; ils savaient ce qu'ils faisaient», déclare le président d'UBS, Kaspar Villiger, dans un entretien publié, hier, par le supplément hebdomadaire SonntagsBlick du quotidien suisse Blick. «Mais ils ont fait confiance à la banque pour que cela marche, c'est ce qu'il nous faut corriger», ajoute-t-il, précisant qu'il n'est toujours pas de la responsabilité d'UBS de s'assurer que les clients paient bien leurs impôts. L'accord conclu par le fisc américain cette semaine avec le gouvernement suisse et UBS prévoit que cette dernière communique 4 450 noms de riches clients sur plus de 50 000 soupçonnés d'évasion fiscale. UBS proposera ces noms aux autorités suisses qui décideront de les transmettre ou non aux Américains. Cet accord, qui a mis fin à une procédure dommageable aux Etats-Unis, aménage une brèche dans le secret bancaire suisse. Toutefois, Kaspar Villiger ne pense pas que l'évasion fiscale systématique ait été un problème dans des pays autres que les Etats-Unis, suivant un autre entretien publié par NZZ am Sonntag, dans lequel il dit que les procédures contre d'anciens banquiers aux USA n'affectent pas la banque. «Les conséquences personnelles ont été résolues dans la mesure où les responsables ne travaillent plus pour UBS», précise-t-il. «Nous n'avons découvert aucune malversation relevant du droit pénal suisse», ajoute M. Villiger. Suivant le droit suisse, la fraude fiscale est un délit pénal, alors que l'évasion fiscale ne donne lieu qu'à une amende. Karpar Villiger ne croit pas à l'instauration d'un échange de données bancaires automatique entre pays à l'avenir. «Si l'Europe entreprenait unilatéralement d'instaurer une bourse d'informations et tentait de l'imposer à la Suisse, l'argent irait en Asie, et y coulerait à flots», explique-t-il avant de reconnaître que «les banques suisses se sont cachées derrière le secret bancaire des années durant». Cependant, l'accord avec le fisc américain produit déjà ses effets. La justice américaine vient d'inculper un cadre de la NZB, une petite banque privée de Zurich, qui est un ancien cadre d'UBS, et un avocat pour avoir aidé leurs clients à cacher des fonds offshores. La justice américaine s'active. Tout comme les représentants du fisc américain, l'Internal Revenue Service (IRS). Pour Douglas Shulman, le patron de l'IRS, «les ménages aisés qui ont caché leur argent à l'étranger vont se retrouver dans le pétrin». Car l'accord passé avec UBS est «une étape majeure pour lever le voile sur le secret bancaire et combattre l'évasion fiscale offshore». Au-delà d'UBS, les fins limiers de l'IRS et du ministère de la Justice disent s'intéresser à d'autres intermédiaires, petites banques privées et cabinets juridiques complices des fraudeurs. Pour mener à bien leur opération mains propres, les pouvoirs publics tablent sur un programme de dénonciation volontaire proposé aux détenteurs de comptes offshores et mis en place depuis le printemps. Ce programme, qui s'achève le 23 septembre prochain, donne une dernière chance aux 50 000 fraudeurs présumés d'UBS et aux autres de se déclarer au fisc. «Beaucoup d'Américains vivent dans l'angoisse. Le gouvernement a sans doute fissuré le mur du secret bancaire suisse, estime Bob Ray, avocat du cabinet juridique new-yorkais Pryor Cashman, un ténor de la défense des criminels en col blanc. Ceux qui ont peur d'aller en prison vont se dénoncer.» Cependant, Carl Levin, le sénateur démocrate du Michigan, est lui persuadé qu'il faut frapper encore plus fort pour mettre fin «aux abus du secret bancaire et aux paradis fiscaux». Pour lui, 100 milliards de dollars disparaissent chaque année en évasion fiscale. Et l'accord passé entre UBS et le fisc américain n'est qu'une «modeste avancée» pour récupérer cette somme. Le sénateur veut aller plus loin avec son projet de loi «arrêt des évasions fiscales». Ce projet interdirait aux institutions financières américaines de travailler avec des banques étrangères qui entravent la fiscalité de l'administration américaine. R. C.