La dernière phase des discussions sur un traité post-Kyoto s'est ouverte dimanche dernier à Bonn, sous l'égide de la Convention de l'ONU sur les changements climatiques (CNUCC), avec, pour la première fois, la participation de représentants de l'administration Obama. Une présence qui entend signaler le retour des Etats-Unis sur la question climatique, même si les négociateurs attendent de voir si cette nouvelle implication, après le désert des années Bush, sera suivie de véritables effets. La conférence onusienne de Bonn réunit pendant quinze jours quelque 2 000 délégués de 175 pays pour tenter de faire avancer les tractations sur le traité post-Kyoto sur les émissions de gaz à effet de serre qui doit être ratifié à Copenhague en décembre prochain. La première phase d'engagement de Kyoto expire en 2012 et l'accord de Copenhague doit assurer la relève. Trois autres conférences de ce type, soit six semaines de négociations effectives, sont prévues d'ici décembre. Les délégués doivent débattre des objectifs de réduction des émissions, des moyens de débloquer les dizaines de milliards de dollars annuels nécessaires à la lutte contre le réchauffement de la planète et des modalités de transfert des fonds et technologies vers les pays pauvres, les plus vulnérables aux effets des changements climatiques. Les Etats-Unis, plus gros pollueurs de la planète, n'ont pas ratifié le protocole de Kyoto, signé en 1997, qui fixe à 37 pays industrialisés l'objectif de réduire de 5% d'ici à 2012 leurs émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. Mais après le refus de l'administration Bush de s'impliquer, le président Barack Obama, qui a notamment fait campagne sur un développement des énergies propres, a signalé cette semaine le changement de positionnement de Washington par deux actes : l'envoi à Bonn de Todd Stern, représentant du département d'Etat pour le climat, et la convocation en avril d'un forum sur l'énergie et le climat.Pour sa première apparition à la table de négociations, la délégation américaine a rassuré sur sa «ferveur» mais prévenu qu'elle ne ferait «pas tout toute seule». Todd Stern, a rappelé que, sans la Chine notamment, le résultat ne serait pas à la hauteur des alertes scientifiques sur la gravité du réchauffement. «Nous sommes engagés de toutes nos forces et avec ferveur dans le processus de négociation» du nouvel accord, a assuré M. Stern, remarquant qu'entre sa délégation et celle «d'avant», il s'agissait d'un «changement complet». «Nous ne doutons pas du changement climatique, nous ne doutons pas de l'urgence, nous ne doutons pas du défi qui nous attend», a-t-il déclaré devant la presse avant de s'adresser aux délégués des 175 pays. «Nous revenons à la table [de négociation] avec énergie et engagement [...] mais nous ne ferons pas tout tous seuls», a cependant annoncé Todd Stern, qui conduisait déjà la délégation américaine sous Bill Clinton, lors de la conclusion du protocole de Kyoto en 1997. «Nous ne pouvons pas chevaucher seuls le cheval blanc et tout régler», a-t-il ajouté, conscient des énormes attentes que son arrivée suscite. Pour M. Stern, «l'enjeu fondamental sera de réfléchir aux actions que pourront conduire la Chine et les pays en développement» dans ce futur régime. Jusqu'à présent, seuls les pays développés sont soumis aux contraintes de réduction du Protocole de Kyoto (sauf les Etats-Unis qui ne l'ont jamais ratifié). Mais, cette fois, les grandes économies émergentes sont également appelées à s'engager sur des politiques qui ralentiraient l'envolée de leurs émissions. L'Union européenne vise une baisse de -30% en 2020, comparé à 1990, dans le cadre d'un accord ambitieux. Les diplomates s'interrogent notamment sur la flexibilité dont va faire preuve la délégation américaine et sur sa capacité à rattraper le retard pris pendant les huit années de l'administration Bush. Si l'Union européenne est dans les temps pour réduire de 8% ses émissions par rapport à 1990, celles des Etats-Unis ont, elles, augmentés de 16% par rapport à cette base.Barack Obama s'est engagé à revenir aux niveaux de 1990 d'ici à 2020, soit une baisse autour de 15% comparé à aujourd'hui. Ce chiffre est toutefois jugé trop timoré, notamment par les Européens. «Si vous considérez notre objectif, comparé au scénario ‘‘business as usual'' [ndlr, si on ne fait rien], on n'est pas loin des 30%, et le coût pour les Etats-Unis n'est pas loin de ce que son objectif coûtera à l'UE», s'est défendu Todd Stern dimanche. D'autres pays insistent sur le fait qu'à cette date, le monde industrialisé devra avoir réduit de 25 à 40% ses émissions par rapport à 1990 s'il veut éviter un réchauffement potentiellement catastrophique de la planète. «Pour moi, la véritable question est de savoir dans quelle mesure la délégation américaine est prête à négocier», déclare Michael Zammit Cutajar, qui pilote les négociations sous l'égide de la CNUCC et préside le deuxième forum de négociations à Bonn. Todd Stern assure que Washington souhaite éviter une répétition de la débâcle de Kyoto, mais précise que sa politique sera dictée par l'avancée des travaux sur l'environnement au Congrès américain. «Ce sera une grosse bataille pour faire appliquer les mesures domestiques», a-t-il prévenu. Le plus haut responsable du climat à l'ONU, Yvo de Boer, a toutefois espéré des «clarifications, y compris de la part des Etats-Unis». «C'est une bonne offre de départ, j'espère qu'il y a de la place pour davantage», a ajouté M. Cutajar. «Mais nous ne voulons pas que les Etats-Unis signent quelque chose qu'ils ne pourront appliquer.» L'échec de Kyoto, signé au Japon par Clinton puis rejeté par le Congrès à Washington reste encore en travers de la gorge. Ces déclarations résument le scepticisme qu'affichent les négociateurs internationaux, jusqu'à ce qu'ils aient vu les mesures souhaitées par Obama se traduire par des actes concrets au niveau international, notamment sur les objectifs de réduction d'émissions et le financement. «Il y a clairement une réticence à rentrer trop vite dans les chiffres jusqu'à ce que nous sachions ce que vont dire les Etats-Unis», explique Harald Dovland, président d'un des forums de la conférence de Bonn. Alden Meyer, de l'organisation «Union of Concerned Scientists», qui regroupe des scientifiques, estime pour sa part qu'Obama ne peut ignorer la scène internationale. Ce que le monde veut entendre de sa part «c'est le même type de rhétorique sur un accord mondial sur le climat que celle qu'il a utilisée avec force dans le contexte domestique», juge-t-il. Cependant, l'ONU s'est félicitée de l'idée du «forum sur le climat et l'énergie», annoncée par M. Obama et qui réunira dès fin avril les principales économies de la planète. «Il ne s'agit pas d'un processus de négociations mais d'une plateforme de discussions très précieuse et très utile», à la conclusion du futur accord, a jugé M. de Boer. Ce forum réunira à Washington 17 pays responsables de plus de 80% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, parmi lesquels l'Inde, la Chine, le Brésil, la Russie, le Japon, et les nations de l'Union européenne. R. C.