Photo : Sahel Entretien réalisé par Amel Bouakba LA TRIBUNE : On entend de plus en parler d'Alzeihmer, cette maladie est-elle fréquente en Algérie et comment se manifeste-t-elle ? Le professeur Mohamed Arezki : Cette maladie est fréquente aussi bien en Algérie que dans le monde. On estime à 100 000 le nombre de personnes atteintes de cette maladie dans notre pays. On a l'impression que cette maladie touche de plus en plus d'Algériens mais en réalité devant l'allongement de l'espérance de vie, qui est passée de 50 ans en 1962 à 75 ans en 2002, on voit plus de malades atteints d'Alzeihmer compte tenu de la pyramide des âges. Cette affection touche essentiellement les sujets âgés. Elle atteint le cerveau et se caractérise par une dégénérescence des cellules nerveuses -les neurones- situées dans certaines régions cérébrales. Elle se manifeste par des troubles de la mémoire, un déficit progressif intellectuel avec une désorientation dans le temps. Qu'en est-il de la prise en charge actuelle ? Actuellement, le nombre de structures de prise en charge des malades souffrant d'Alzeihmer est insuffisant. Il y en a à Alger, à Blida et aussi à Constantine, mais on devrait multiplier ce type de structures à travers le pays. Il est primordial de mieux traiter les sujets touchés en multipliant les consultations mémoire. Le volet formation est, lui aussi, très important. Il est nécessaire de former les praticiens (généralistes ou spécialistes) pour permettre un diagnostic plus précoce et plus précis de la maladie. Pour le malade, il n'y a pas que le traitement. Il faut aussi développer les structures d'accueil de jour et la formation des aides (parents ou proches) qui auront à prendre en charge les malades à domicile. Y a-t-il des traitements efficaces pour la maladie d'Alzeihmer ? Pour le moment, il n'y a aucune molécule qui traite de manière radicale cette maladie. Il y a des traitements qui semblent freiner, stabiliser cette affection. Mais nous sommes optimistes, la recherche avance. Quant à la disponibilité de traitements dans notre pays, il faut dire que certains sont disponibles et d'autres le seront bientôt. Cependant, le problème du non-remboursement des médicaments se pose pour les malades souffrant de cette pathologie. Vous venez d'installer un réseau de soins pour les urgences neurovasculaires au CHU de Blida… Effectivement, c'est une structure tout à fait nouvelle à Blida. C'est aussi une première en Algérie et au Maghreb. C'est une expérience nouvelle et passionnante en même temps. Il faut savoir que les AVC sont de plus en plus fréquents et graves dans notre pays. Nous accueillons près de 2 000 AVC par an au niveau des urgences de neurologie du CHU de Blida. Si on pouvait recevoir un infarctus cérébral en moins de trois heures après son accident, cela pourrait nous permettre de proposer aux patients la thrombolyse cérébrale et ainsi lui permettre de récupérer entièrement de son handicap. Mais pour recevoir et diagnostiquer un AVC (scanner y compris) en moins de 3h, cela nécessite la mise en place d'un réseau de soins d'urgence performant en plus de la multiplication de campagnes de sensibilisation de la population. C'est ainsi que nous avons mis en place ce réseau en collaboration avec le SAMU, la Protection civile, Algérie Télécom et le premier responsable de la wilaya. Il faut dire que la mise en place de ce réseau, avec l'installation d'une ligne téléphonique «SOS AVC», nous permettra de recevoir le maximum de patients en moins de 3h et va énormément nous aider et nous faciliter la tâche. Cette expérience pilote au niveau du service de neurologie de Blida va s'élargir à Constantine, Sidi Bel Abbès, Tlemcen, Oran et Tizi Ouzou. Avec notre contribution, ils envisagent de mettre en place des réseaux similaires. Pour Alger, cela sera beaucoup plus difficile en raison de multiples contraintes, comme la circulation (embouteillages). Les AVC touchent de plus en plus d'Algériens… Tout à fait, nous enregistrons 60 000 nouveaux cas d'AVC par an en Algérie dont environ 20 000 décèdent. Ces chiffres sont assurément inquiétants, ils représentent quatre à cinq fois le nombre de décès enregistrés par les accidents de la route. Pensez-vous que nous avons suffisamment de neurologues ? L'Algérie compte 300 neurologues. Comparativement à d'autres pays, c'est un nombre suffisant. L'idéal est d'avoir un neurologue pour 50 000 habitants, c'est-à-dire 600. A. B. ------------------------------------------------------------------------ Blida : ouverture d'une consultation «Mémoire et maladie» Une consultation quotidienne pour la maladie d'Alzheimer, intitulée «Mémoire et maladie», a été récemment ouverte par les services de psychiatrie et de médecine légale de l'Etablissement hospitalier spécialisé (EHS) de psychiatrie de Blida, dirigé par le professeur Bachir Ridouh.Cette consultation vise à diagnostiquer la maladie et à initier les malades aux traitements qui ralentissent le process déficitaire, améliorent les fonctions cognitives et favorisent l'évolution par rapport aux estimations précédentes. La majorité des personnes qui séjournent à l'EHS de Blida manifestent des troubles de la mémoire qui aggravent leur handicap mental et physique pour lequel elles sont hospitalisées. L'intérêt de cette prise en charge réside dans les possibilités thérapeutiques qui existent actuellement et dont l'efficacité est avérée sur les troubles psycho-comportementaux ainsi que sur l'évolution naturelle de la maladie.