Le sport algérien est malade. Ses pathologies sont archi-connues. Le sous-équipement structurel, l'absence systématique de performances, l'inexistence d'élites et d'encadrement de qualité ne sont pas les moindres de ses maux. Mais il y a pire. Gangréné par un affairisme «beggariste», affaibli par un management de souk de douar, il souffre surtout d'un dirigisme politique suranné. Un autoritarisme bureaucratique qui croit susciter la dynamique et la performance sportives à coups de décrets. Un juridisme ampoulé exhalant le parfum d'un soviétisme à l'algérienne. Dernière voix en date à en avoir fait le constat, celle du président de la République. En mars dernier, à Sétif, il a parlé d'état de sinistre et de fonds de commerce. Triste bilan de la calamité sportive algérienne ! Vénalité et médiocrité sont donc les deux termes de l'équation de l'échec endémique, selon le constat présidentiel. Une autre voix, parlant d'expérience et de sagesse, celle de Chérif Tifaoui, ancien président intérimaire du Comité olympique algérien, intervient pour mettre en garde contre «le naufrage imminent» de l'olympisme algérien. Le jugement est sans appel : «Manipulations», «autoritarisme», «larbinisme», «calculs d'apparatchiks», «recasement de copropriétaires du mouvement olympique». Les mots sont ceux de l'observateur averti des mélodies en sous-sol relatives à l'assemblée générale élective du COA. C'est évident, la démocratie olympique est en danger. Et il y a jusqu'au président du CIO, Jacques Rogge, gardien sourcilleux de la démocratie olympique pour s'en émouvoir également. Dans une adresse au ministre des Sports, le président du gouvernement olympique mondial définit l'abécédaire d'élections libres, relevant en premier et en ultime ressorts, des fédérations sportives, elles-mêmes démocratiquement élues. Mieux qu'un plaidoyer, la lettre est un véritable bréviaire démocratique. Tout y est : autonomie du Mouvement olympique, «respect absolu et mutuel de ses structures et dans le respect de ses compétences, de leurs prérogatives et de leurs attributions respectives». Après le rappel des principes démocratiques de base, le président du CIO cible le cœur même du dirigisme bureaucratique, le «décret exécutif» qui régente. Ce texte du stalinisme sportif, sous le numéro 05-405, fixe les modalités d'organisation et de fonctionnement des fédérations sportives, censées relever de leur liberté non aliénable. On ne badine donc pas avec la démocratie sportive dont le CIO est le gendarme inflexible. La mise en garde est polie mais ferme : aucune ingérence externe ne doit perturber le processus de renouvellement des instances sportives. Au risque de voir le sport algérien mis au ban des nations sportives. Les voix de Chérif Tifaoui et de Jacques Rogge sonnent d'autant plus juste que des médaillés olympiques et autres champions du monde algériens se sont joints à la partition. Des noms qui rappellent que la performance et le bonheur sportifs peuvent être algériens. Sous leur plume, le tocsin du danger sonne fort. Tel un boxeur multipliant jabs et uppercuts, ils épinglent des «groupes d'intérêts et à leur tête un membre du CIO algérien (…) voulant s'accaparer de manière illégale le Comité olympique algérien». Il est question aussi d'une tutelle ministérielle hermétiquement sourde aux mises en garde de ces voix sportives sages, légitimes et crédibles. En désespoir de cause patriotique, ces anciens performers s'adressent au premier magistrat du pays. L'appel a les accents d'un SOS «pour mettre un terme aux comportements indignes de la part de pseudo responsables et de contrecarrer les desseins obscurs qui ont été commandités depuis le renouvellement très souvent chaotiques des fédérations sportives nationales». L'urgence est signalée car il y a péril en la demeure sportive. Et qui mieux que des sportifs performants, qui ont démontré que l'échec n'est pas congénitalement algérien, pour assumer la refondation du sport national ? En Ukraine, l'immense Serguei Bubka, à la tête du comité olympique, a porté très haut le sport, comme lorsqu'il battait les records du monde avec sa perche. Partout, en Afrique et en Europe, les sportifs de haut niveau, managers talentueux, démontrent que le sport est avant tout une affaire de sportifs. Pas de bureaucrates dont la performance porte un nom, le décret exécutif. N. K.