De notre envoyé spécial à Guelma Nasser Hannachi C'est une aura de deuil qui survolait la wilaya de Guelma et ses mechtas à la vielle de la commémoration du génocide printanier du 8 mai 1945. Les banderoles accrochées aux quatre coins du boulevard Souidani Boudjemmaa annonçant la tenue aujourd'hui du 7e colloque sur le l'holocauste ne semblent cicatriser que de peu «le traumatisme» asséné à la mémoire collective des survivants. La tradition de ces séminaires tente de corriger l'histoire en apportant chaque année des faits nouveaux propres au massacre, et venir, du coup, «soutenir mordicus» que l'acte français s'apparente à celui des nazis. Cependant, Guelma est évoquée une fois par an à la même date. Une date qui devrait pourtant être associée à chaque commémoration d'une notoriété algérienne, du moins jusqu'à l'atténuer par l'émission du pardon d'outre-mer. «Il faut des actions concrètes et un pardon avec un grand «P» pour tourner la page, mais pas pour oublier ce que notre peuple a enduré», revendique M. Bara, secrétaire général de l'association du 8 Mai 1945 de la wilaya de Guelma, créée en 1995. Plus de 18 000 âmes innocentes étaient passées «aux fours crématoires». «Les actes français dépassaient de loin les pratiques nazies», martèlera-t–il et d'ajouter : «Les Français ne se contentaient pas seulement de tuer, mais ils brûlaient des morts», témoigne-t–il. Ce secrétaire n'avait que 12 ans quand le génocide a eu lieu à Guelma, néanmoins, il garde des bribes de souvenirs lointains remplis de douleur. «On ne peut pas fixer un nombre exact des disparus au terme de cette barbarie, dira-t-il, car le colonisateur exécutait même des passagers qui empruntaient le train transmaghrébin qui passait par Guelma. Cela s'est produit au lieudit Oued Skhoune, ex-la voie ferrée». Au moment où nous tenions cette conversation au bureau de cette association à Guelma, jeudi dernier, une personne âgée faisait son entée au siège et prenait place en s'aidant de sa canne. C'est Ami Kafi Salah. Un survivant du massacre. Il suivait avec intéressement le mini-débat que l'on menait. Sollicité pour intervenir, cheikh Kafi tire à boulets rouges sur la France. «J'ai juré de ne pas accomplir mon service militaire sous leur drapeau et Dieu m'a aidé», entamera-t-il, avant d'exhumer une image qui reste gravée dans sa mémoire de 87 ans. «J'avais 23 ans lorsque les massacres ont eu lieu. Au moment où les troupes se dirigeaient vers des mechtas, j'avais tenté, en vain, de couper les câbles téléphoniques à l'aide d'une baïonnette anglaise. Ce qui m'a valu d'ailleurs huit jours d'emprisonnement. Depuis Oued Chhem, mon lieu de résidence, qui se trouvait à quelques mètres de Menzel Bougataya, le lieu d'un carnage collectif, j'ai pu y apercevoir une fumée se répandre juste après avoir entendu des coups de feu. On venait d'exécuter 9 personnes par balles, dont Gaid Touhami. Ensuite, des mains ignobles ont déversé de l'essence sur les dépouilles avant de les enflammer… Ce fut horrible !!!» Il existe dix sites qui ont connu des tueries collectives à l'instar de celui de oued Chhem, devait énumérer le secrétaire de l'association. Il s'agit de l'ancienne caserne, «couchet el yajour», «kef el Bomba», «le four à chaux», «Aïn el arbi», «Boumahra»,… Cependant notre interlocuteur se félicite du travail de l'association parvenue à immortaliser ces lieux en y engagent «Une action honorable à savoir y ériger des stèles.» Par ailleurs on apprend que l'alliance œuvre dans le souci d'atteindre 20 objectifs dont notamment la recherche et l'investigation de la vérité historique et la régularisation de la situation des victimes du 8 mai 1945. Outre la consolidation des dossiers des victimes. Ceci dit, «les morts ont été portés disparus selon le colonisateur qui ne voulait pas endosser la responsabilité de son assassinat. Ainsi, il est difficile d'établir une liste nécrologique exhaustive des martyrs» a expliqué Bara. «Nous demandons à ce qu'un statut juridique soit appliqué pour ces martyrs» et puis «la population française devrait stigmatiser les crimes commis contre notre peuple», renchérit–il. Les recherches de l'association ont abouti à identifier 80 décès en se référant à des photos. Dans le même chapitre et dans le souci de ne plus sacrifier l'histoire contre l'oubli, on nous fera part qu'«un livre serait en phase d'écriture qyui paraîtra l'année prochaine». L'œuvre retracera tous les détails de ce carnage. Pour sa part, un enseignant actif affilié à ce mouvement déplore amèrement l'extermination de l'élite guelmie dans ces massacres. «Il nous faut beaucoup d'années pour nous remettre!», se lamente-t–il. Pour pérenniser cette date, l'association songe à prendre part à toutes les activités commémoratives nationales pour ne pas isoler le 8 mai 1945 dans une seule journée. Ce dossier lourd n'est pas encore clos il devrait être évoqué autant de fois «pour permettre aux politiques d'avancer et par la même permettre aux peuples de se rapprocher…», interpelle M. Bara. En conclusion, les défenseurs de cette cause revendiquent, d'une part, incontestablement le pardon français et récusent, de l'autre, le terme réducteur du massacre, à savoir les évènements du 8 Mai 1945