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«La récompense» de la france (1ère partie)
MASSACRES DE MAI 1945
Publié dans L'Expression le 11 - 05 - 2005

Il y a 60 ans, l'insurrection de mai 1945 annonçait la Révolution du 1er Novembre 1954.
A l'occasion du «soixantenaire» des événements de mai 1945 et du cinquantenaire de la Révolution de novembre 1954, l'auteur publie cette communication sous le titre «L'insurrection de mai 1945» parce que, d'une part, ces événements se sont déroulés du début à la fin du mois de mai 1945 et, d'autre part, ils se sont étendus à toutes les régions du pays pour prendre, à partir du 14e jour, l'allure d'une véritable insurrection nationale.
Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, il convient de rappeler succinctement la situation politique de la France et de l'Algérie et l'état d'esprit du peuple algérien à l'époque. Les événements de mai 45 coïncident avec la fin de la Seconde Guerre mondiale durant laquelle la France, vaincue, a été partiellement occupée par l'armée allemande au même titre qu'une partie de l'empire colonial français. Cette défaite a largement terni le prestige de la France et laissé entrevoir, chez les peuples colonisés, l'espoir d'une possible libération du joug colonial. Et cet espoir a été conforté à partir de 1942 par le débarquement des forces américaines qui ont libéré l'Afrique du Nord.
Chef de la France libre, le général de Gaulle, conscient de cette évolution dangereuse pour le devenir de la France, se rend à Constantine où, le 12 décembre 1943, il prononce un discours politique réformateur qui débouchera finalement sur l'ordonnance du 7 mars 1944. Mais le contenu de cette ordonnance est loin de répondre à l'attente du peuple algérien en ce sens que ses dispositions stipulent essentiellement que:
1- Tous les Français musulmans d'Algérie (Algériens de souche) sont appelés à recevoir la nationalité française avec maintien de leur statut personnel. En conséquence, ils jouissent de tous les droits et sont soumis à tous les devoirs des Français non musulmans.
1) Pour l'exercice des droits politiques, seule une minorité infime de la population algérienne soit 85.000 à 90.000 personnes seraient inscrites sur les listes électorales des Français non musulmans (de souche européenne) et tous les autres, soit presque la totalité de la population algérienne, formeraient un second collège électoral.
Ce qu'on peut dire de cette ordonnance c'est que, pour des raisons diamétralement opposées, elle a été unanimement repoussée par l'ensemble des habitants de l'Algérie. Les colons et toute la population européenne l'ont globalement rejetée parce qu'ils y voyaient une menace pour leurs intérêts et les privilèges exorbitants dont ils jouissent. La population musulmane, et donc de souche algérienne, par l'intermédiaire de la classe politique toutes tendances confondues, a exprimé son rejet d'adhérer à cette ordonnance, les revendications de certaines tendances ayant positivement évolué depuis le début de la Seconde Guerre mondiale, à l'exception du Parti communiste algérien qui, dans un rapport de Omar Ouzegane, daté du 23 septembre 1944, dénonçait « ceux qui se prétendent nationalistes et qui mettent en avant le mot d'ordre d'une impossible indépendance».
L'Association des Oulémas dont l'orientation était fondamentalement culturelle et religieuse a adopté une attitude tranchante en proclamant que ceux qui se déclareraient favorables à l'ordonnance du 7 mars 1944 seraient considérés comme des traîtres à la cause de l'islam et traités comme des apostats.
Le mouvement des Amis du manifeste et de la liberté (AML) créé par Ferhat Abbas à Sétif le 14 mars 1944, qui revendiquait «une république algérienne autonome fédérée à la République française rénovée anticoloniale et anti-impérialiste» condamna le contenu antidémocratique de l'ordonnance et, comme nous le verrons plus loin, se rapprochera progressivement du Parti du peuple algérien (PPA) dont la position a été la plus ferme.
En effet, comme à l'accoutumée le PPA, qui était dissous et interdit, a adopté la position la plus radicale en faisant déclencher par son organisation clandestine une virulente campagne à travers toute l'Algérie contre l'ordonnance du 7 mars 1944. Des tracts sont, en effet, distribués partout en Algérie par l'organe clandestin du PPA, L'action algérienne, pour diffuser les mots d'ordre et les slogans hostiles à l'ordonnance considérée comme l'expression de la volonté de ses auteurs de réduire à néant les fruits de la lutte du peuple algérien: «Nous ne voulons pas de citoyenneté française accordée à quelques-uns. Nous voulons uniquement et tous ensemble devenir citoyens algériens». Tel fut l'axe central de la campagne du PPA qui a toujours revendiqué l'indépendance totale de l'Algérie.
Paradoxalement, et contrairement aux résultats escomptés par les autorités françaises, l'ordonnance du 7 mars 1944 a engendré un rapprochement spectaculaire de toutes les composantes du mouvement national algérien. Pour la première fois, les clivages, les méfiances et les préjugés ont cédé devant la volonté des différents responsables de serrer les rangs et de réaliser une coordination entre leurs organisations respectives, notamment le mouvement des AML et le PPA.
Il faut préciser que ce rapprochement a été rendu possible par la naissance du mouvement des Amis du manifeste et de la liberté (AML), toléré par les autorités françaises et dont le programme a bénéficié du soutien de l'Association des Oulémas. Le Parti du peuple algérien, par l'intermédiaire de son président Messali Hadj, a également donné son accord pour soutenir le programme des AML qui, pourtant, prévoyait dans l'article 4 de ses statuts «une République algérienne autonome fédérée à la République française rénovée, anticolonialiste et anti-impérialiste».
Ce rapprochement devait se concrétiser par la tangence ponctuelle de deux initiatives d'une importance politique considérable, à savoir:
- La rencontre historique du 23 décembre 1944 de Ferhat Abbas et Messali Hadj à Kasr Echellab (alors appelé Reibell) où ce dernier était assigné à résidence suite à une tentative d'évasion en date du 19 avril 1945 avant d'être transféré à In Salah puis déporté à Brazzaville capitale du Congo, une autre colonie française.
- La création en janvier 1945 d'une commission tripartite au sein de laquelle l'Association des Oulémas, les Amis du manifeste et de la liberté et le Parti du peuple algérien étaient paritairement représentés. Telle était donc la situation politique en Algérie à la veille des événements de mai 1945.
Le sujet étant vaste et complexe, donc difficilement maîtrisable, d'éventuelles imprécisions peuvent être décelées par ceux qui s'intéressent à la réhabilitation de l'histoire nationale, le double objectif visé ici étant d'une part, de restituer aux événements de mai 1945 leurs dimensions temporelle et spatiale et, d'autre part, de mettre en exergue les faits les plus saillants de la répression coloniale pour, enfin, apprécier au plan national l'impact politique de ces événements.
La date commémorative du 8 mai 1945 que le peuple algérien célèbre chaque année en souvenir de la terrible répression coloniale qui s'était abattue sur l'Algérie et qui a fait des dizaines de milliers de victimes a, en réalité, valeur de symbole pour avoir été l'un des points culminants d'une vague d'événements successifs et concomitants qui ont eu lieu à travers toute l'Algérie, du littoral à l'Atlas saharien et jusqu'à Tindouf en passant par l'Atlas tellien et les Hauts-Plateaux durant tout le mois de mai 1945. Ce 8 mai 1945 est un jour de marché à Sétif où effectivement ont eu lieu d'imposantes manifestations populaires pacifiques pour deux raisons essentielles : fêter la victoire universelle sur le nazisme et le fascisme et exprimer le désir de reconquérir la liberté de l'Algérie.
Il ne s'agissait donc pas seulement de fêter la victoire des alliés comme ceux-ci ont convenu de l'appeler, mais la victoire universelle sur le nazisme et le fascisme et, par conséquent, sur l'esprit même de la supériorité raciale et de la domination coloniale. Et l'histoire atteste que des centaines de milliers d'Algériens incorporés dans l'armée française, ont vaillamment contribué à cette victoire, et que des dizaines de milliers d'entre eux sont morts aussi bien en France, en Allemagne qu'en Italie. Et ils sont morts non seulement pour la libération de la France mais pour la liberté de tous les peuples, comme cela leur avait été promis.
Il s'agissait également d'exprimer leur volonté de reconquérir la liberté de leur pays, l'espoir étant très vif au sein du peuple algérien, compte tenu des promesses faites dans ce sens, notamment par le général de Gaulle chef de la France libre, et Chataigneau, gouverneur général d'Algérie. Il faut souligner que la promesse d'envisager une prochaine République algérienne était formelle et appuyée par les Etats-Unis d'Amérique dont les troupes étaient encore présentes en Algérie à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et que le président américain Roosevelt était pour la liquidation de l'empire colonial français.
Replacées ainsi dans leur contexte historique, les manifestations du 8 mai peuvent être considérées comme l'un des événements majeurs enregistrés durant le mois de mai 1945 en Algérie, évènements qui ont pris l'allure d'une véritable insurrection. Et cette insurrection-là doit, à son tour, être comprise comme l'un des plus importants épisodes de la lutte que le peuple algérien a toujours opposée, à l'occupation coloniale de 1830 à 1962, de la résistance nationale sous l'égide de l'Emir Abdelkader à l'épopée des Ouled Sidi Cheikh dont Bouamama fut le dernier animateur, aux soulèvements des différentes régions du pays dont les plus connus sont ceux des Touareg, des Zâatcha des chaouia, des Beni Chougrane, et ceux conduits par Boumâaza, El Mokrani, Cheikh Elhaddad, Fatma N'soumer, Boubaghla, Bennasser Benchohra, Mohammed Bouchoucha et tant d'autres encore. Mais compte tenu de leur contexte temporel et spatial, ainsi que de l'ampleur de la répression qui s'est ensuivie, les événements de mai 1945 ont cette particularité d'avoir eu un immense impact politique.
Le déroulement des événements et la répression qui s´en est suivi
Partie d'Oran, d'Alger et de Annaba le 1er mai 1945, l'étincelle sera rallumée et amplifiée une semaine plus tard à Sétif pour embraser, ensuite, comme une traînée de poudre des centaines de douars, de mechtas, de villages et de villes du littoral, des plaines sahaliennes, des Atlas tellien et saharien des Hauts-Plateaux jusqu'aux confins les plus reculés de l'Algérie. Durant tout le mois de mai, les territoires correspondant aux wilayas actuelles de Guelma, Souk-Ahras, Annaba, Jijel, Béjaïa, Sétif, Batna, Mila, Bordj Bou Arréridj, Tizi Ouzou, Boumerdès, Alger, Tipaza, Blida, Tissemsilt, Oran, Saïda, Témouchent, Tlemcen, Naâma, jusqu'à Tindouf, seront le théâtre de manifestations spontanées, d'affrontements sanglants et de répression aveugle, surtout dans les régions où les manifestations tournent à la révolte.
Tout a commencé dans ces trois villes portuaires de l'Ouest, du Centre et de l'Est, le 1er mai 1945 à l'occasion de la célébration de la fête du travail, quand des manifestants, encadrés par des militants du Parti du peuple algérien brandissent des drapeaux algériens et entonnent des chants patriotiques. Surprises par la tournure éminemment politique prise par les manifestations, les forces françaises ouvrent le feu, tirant sans discernement sur les manifestants, faisant plusieurs morts et des dizaines de blessés tant à Oran qu'à Alger et Annaba.
La semaine suivante est émaillée d'incidents mineurs et épars mais la tension monte subitement le lundi 7 mai lorsque les Américains, présents à Alger, distribuent des milliers d'exemplaires de la charte des Nations unies qui vient d'être signée à San Francisco. Le jour même, la plus haute autorité militaire française en Algérie, en la personne du général Henri Martin, commandant le 19e corps d'armée à Alger, décrète l'alerte générale et ordonne aux commandants des trois divisions territoriales (Constantine, Alger, Oran) de faire intervenir les troupes pour maintenir l'ordre.
Le lendemain, mardi 8 mai, est un jour de marché à Sétif. Un soleil de printemps se lève sur la ville très animée où, depuis la veille, il n'est question que de la manifestation prévue pour le matin. Hier on a appris, en effet, la victoire des alliés sur le nazisme et le fascisme, victoire que l'on croit universelle. A la mosquée du faubourg de la gare, militants, paysans et citadins forment un cortège d'environ 15.000 hommes qui s'ébranle dans l'ordre, en direction du monument aux morts justement pour un dépôt de gerbes de fleurs à la mémoire de ceux qui sont morts pour la liberté toutes confessions confondues. En tête les scouts musulmans algériens en uniforme. Derrière eux des militants portant des gerbes de fleurs ; suivent d'autres militants avec les drapeaux de tous les alliés et, au milieu le drapeau algérien porté par le jeune Bouzid âgé de 22 ans, qui sera assassiné quelques minutes plus tard. Des dizaines de banderoles sont brandies, sur lesquelles on peut lire : «Démocratie pour tous», «Libérez nos leaders emprisonnés», «Pour une Constituante algérienne souveraine», «Liberté pour tous les peuples».
Lorsque le cortège débouche sur l'avenue centrale de Sétif (avenue Georges Clémenceau), les scouts et les militants encadrant la foule entament l'hymne national «mine jibalina talâa saoutou el ahrar ». La police intervient pour disperser les manifestants qui refusent d'obtempérer. Alors la police ouvre le feu sur la foule et les premières victimes tombent. Quatre manifestants sont tués dont le jeune Bouzid qui s'est fait un point d'honneur de ne pas laisser le sous-préfet saisir son drapeau. Furieux, les manifestants se déchaînent. La police est débordée, l'armée intervient et ouvre le feu pour protéger le quartier européen. Des corps gisent sur la chaussée et les trottoirs. C'est la mêlée. C'est la chasse à l'Arabe. A 11h, l'armée française investit le marché arabe où des milliers d'Algériens sont aux prises avec la police et la milice européenne. Et c'est le massacre ; les Algériens et leurs bêtes sont massacrés sans discernement. En quelques minutes, le sol, rouge de sang, est effroyablement jonché de cadavres. Un lugubre concert, fait de plaintes humaines mêlées aux râles et gémissements bestiaux, paralyse d'effroi les quelques rescapés, indemnes, plaqués contre le sol et laissés pour morts par les soldats français. Un spectacle indescriptible.
Durant toute la journée, des tirs nourris sont entendus au centre et dans les faubourgs de la ville. Dans l'après-midi, l'insurrection gagne la campagne. El-Ourissia, Aïn Abessa, Amoucha, Tizi N'béchar, Kherrata, Souk Lethnine et toute la région nord-ouest est gagnée par la fièvre. Au Nord-Est, à Périgotville (Aïn Lekbira), un fait d'armes extraordinaire a lieu. Les insurgés parviennent, en effet, à s'emparer de 25 fusils de guerre et de 10.000 cartouches. La jonction se fera plus tard entre Ziama Mansouria et Tamentout, et la résistance armée s'organise dans les djebels Babors et Tamesguida.
Il faut souligner ce fait d'armes extraordinaire dont les auteurs ont fait preuve d'une témérité que l'ennemi était certainement loin d'imaginer. Des campagnards sans aucune formation, les mains nues, réussissent à s'infiltrer dans un camp militaire et à en ressortir emportant un important lot d'armes et de munitions. Sentant leur existence menacée et celle des leurs, ils ont choisi de mourir dignement les armes à la main, convaincus que leur sacrifice ne sera pas vain. C'est le sens le plus noble du sacrifice : mourir par devoir afin que les autres vivent libres. Devant tant de témérité et d'audace la réaction des autorités d'occupation est aussi prompte que terrible, mettant en oeuvre des groupes de miliciens européens et des opérations militaires combinées pour réprimer la révolte. En effet, pour réprimer le mouvement insurrectionnel, les autorités d'occupation mettent en oeuvre des groupes civils européens armés et toutes les forces militaires terrestres, aériennes et maritimes dont elles disposent. Pendant que des groupes de miliciens, constitués de civils européens armés, s'acharnent à organiser des «ratonnades», de vastes opérations militaires combinées sont déclenchées mettant en oeuvre des unités d'infanterie appuyées par l'aviation et la marine de guerre. C'est ainsi que, pendant plusieurs jours, des dizaines d'avions bombardent l'arrière-pays et mitraillent les groupes humains fuyant la progression des soldats et des légionnaires, tandis que des navires de guerre, dont le Duguay Trouin (du nom d'un ancien corsaire français), réunis au large du cap d'Aokas, pilonnent intensivement toute la côte allant de Béjaïa à Jijel. Durant les 20 jours qui suivent le 8 mai, des centaines de villages et mechtas fumants sont en ruines, abandonnés par leurs habitants réfugiés en montagne.
Dans la région de Aïn Lekbira et Tamentout les miliciens européens, puissamment armés, font creuser des dizaines de fosses communes où des groupes de 20 suspects » sont enterrés. A peine les fosses sont-elle creusées que les rafales des PM et des FM claquent, et les 20 « suspects » suivants enterrent leurs prédécesseurs avant de subir le même sort.
Sur les flancs ouest du Djebel Babors à Amoucha, Tizi N'Béchar, Kherrata et ailleurs, des milliers d'innocents (jeunes, vieillards, femmes, enfants) sont parqués comme du bétail. Sans discernement, et durant plusieurs jours, ils seront chargés dans des camions et balancés en vrac du haut des falaises des gorges de Kherrata dans le lit de l'Oued, au lieu-dit Châabat El-Akhira. Témoin cette simple inscription gravée dans le rocher : «Légion étrangère - 8 mai 1945».
A quelque deux cents kilomètres à l'Est, des massacres similaires auront lieu à partir du 10 mai dans la région de Guelma où le sous-préfet Achiary fait regrouper par camions des milliers d'Algériens qui seront, fusillés et jetés en vrac dans les fours à chaux d'Héliopolis, lieu de naissance de Boukharouba Mohammed, futur président Houari Boumediene, (pseudonyme résultant du jumelage des noms de Sid El Houari et Sidi Boumediène, deux figures emblématiques d'Oran et de Tlemcen, principales villes de la Wilaya 5 historique dont il sera le troisième chef après Larbi Ben M'hidi et Abdelhafid Boussouf).
A plusieurs centaines de kilomètres à l'Ouest, dans la région de Tissemsilt (ex-Vialar), où des dizaines de douars de l'Ouarsenis se sont insurgés, des milliers d'hommes et de femmes sont rassemblés et massacrés collectivement.
Si nous citons des cas de massacres collectifs précis et multiples c'est pour éclairer l'opinion publique algérienne et française sur la nature réelle de l'atroce répression qui s'est abattue sur le peuple algérien durant tout le mois de mai 1945 et prouver qu'il y a eu réellement crime contre l'humanité à grande échelle, l'insurrection ayant embrassé des espaces d'environ un million de kilomètres carrés, allant de Annaba à Aïn Sefra aux confins ouest de l'Atlas saharien en passant par le Nord constantinois, Bordj Menaïel, Tigzirt, Dellys, Blida, Cherchel, Tissemsilt, Saïda, Aïn Témouchent , Sabra et tant d'autres villes et villages pour se généraliser à partir du quatorzième jour.
A partir du 14 mai l'insurrection se généralise suite à l'initiative prise trois jours plus tôt par plusieurs responsables régionaux du PPA de se rendre à Alger pour demander au comité directeur du parti de déclencher le soulèvement général.
Leur suggestion acceptée, des instructions leur ont été données dans ce sens, et bien que des contre-ordres aient été envoyés quelques jours plus tard, l'insurrection a englobé plusieurs régions du pays.
A l'instar des régions de Sétif, Bordj Bou Arréridj, Jijel et de Kabylie, certaines régions méritent une mention spéciale pour avoir organisé et déclenché de véritables mouvements insurrectionnels dont l'ampleur a entraîné l'intervention massive de l'aviation et l'entrée dans le théâtre des opérations de renforts militaires venus de Tunisie et du Maroc. C'est le cas, notamment, des régions de Guelma, Souk-Ahras, Tissemsilt et Saïda.
Des faits moins connus du grand public
Dès le 9 mai, Guelma est assiégée par des centaines d'hommes venus de toute la région, armés de fusils, de sabres et de gourdins. Composée du 7ème bataillon d'instruction des tirailleurs, de la gendarmerie, de la police et des groupes de miliciens européens, la garnison de Guelma se barricade pour soutenir le siège pendant plusieurs jours. Débordé de partout, le général Duval, commandant la division territoriale de Constantine, demande de nouveaux renforts. C'est ainsi que des groupes mobiles motorisés, dépêchés de Tunisie, engagent la bataille pour dégager Guelma et procèdent avec les forces locales à de vastes ratissages dans la région.
Le 14 mai, l'insurrection s'étant généralisée, l'aviation intervient et bombarde toute la région Guelma-Souk-Ahras. Pendant les jours qui suivent, dix-huit avions bombardent quotidiennement des centaines de mechtas et villages pour appuyer les unités d'infanterie sérieusement accrochées dans la région, à l'instar de ce qui se passe dans la région Tamesguida-Babors où des milliers de légionnaires et de tirailleurs sont engagés dans de vastes opérations de ratissage, appuyés par l'aviation et la marine de guerre. Cependant, au centre et à l'ouest du pays ont lieu d'autres événements moins connus du grand public.
Pendant ce temps, d'autres événements aussi importants, mais moins connus du grand public, se déroulent à des centaines de kilomètres à l'Ouest, et qu'il convient d'apprécier à leur juste valeur afin de contribuer à la réhabilitation de l'histoire du pays. Ce sont, en l'occurrence, les événements de la région de Tissemsilt (ex-Vialar), autre région à vocation céréalière comme Sétif et Saïda et dont les meilleures terres sont accaparées par de gros colons européens.
moudjahid, retraité de l'ANP.
Diplômé de l'Institut des sciences politiques et de l'information d'Alger.
Oran le 1er mai 2005


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