L'historien et politologue français René Rémond, disparu il y a deux ans, considérait «l'enseignement de l'histoire comme l'un des moyens de construire des citoyens et de souder la nation». Cet enseignement étant de fait un vecteur de la mémoire nationale. Perpétuation de la mémoire nationale, parlons-en avec la question d'actualité que constitue la commémoration des massacres du 8 mai 1945 perpétrés à Guelma, Sétif et Kherrata. De quelle manière est appréhendée cette date par nos compatriotes, notamment parmi les jeunes, lesquels, exception faite de ce qu'ils en apprennent si tant est qu'ils apprennent quelque chose de consistant et surtout de didactique à travers la lecture des journaux ou encore d'informations distillées par la radio, la télévision dans les vingt quatre heures qui vont accompagner cette commémoration ? Pas grand-chose évidemment. La carence de l'enseignement de l'histoire n'en devient alors que plus criante et constitue sans conteste, en ce sens, un déni fait aux martyrs des évènements tragiques qui ont marqué celle (histoire) de l'Algérie et surtout le risque d'une rupture de l'avenir par rapport au passé et subséquemment cet autre (risque) d'amnésie collective.Or, tout semble prédestiner la nôtre (Histoire) vers l'installation programmée de la culture de l'oubli, sans nul doute pas sciemment, ce qui serait encore plus grave même si d'aucuns se sont évertués non seulement à le suggérer d'une manière subliminale mais parfois à fermer les yeux, il y a une trentaine d'années, sur la timide amorce d'un révisionnisme qui ne disait pas son nom et aurait pu voir le jour avec la modification de l'hymne national. Aujourd'hui, il ne peut forcément qu'être question du 8 mai 1945, qui constitue quand même le prélude au déclenchement de la guerre de libération, mais évoquer l'histoire et son enseignement peut ne pas se limiter et ne doit d'ailleurs pas se limiter à ces deux seuls repères, aussi immenses soient-ils, dans la mesure où l'immortalisation de nombreux évènements ayant jalonné l'histoire du pays, par négligence coupable, ignorance assassine et grave légèreté, ont été passés à la trappe. Ce ne sont pourtant pas les premiers acteurs qui manquent pour témoigner des dates nationales charnières qu'elles s'inscrivent dans un processus politique, sociale, économique, stratégique si ce n'est la synthèse combinée de tous ces évènements. Comme il ne manque pas évidement de spécialistes es qualité pour les enregistrer, engager et approfondir leurs recherches, réaliser un travail idoine de maturation et, enfin, les proposer aux institutions concernées afin qu'elles soient rendues publiques d'une part et consigner pour celles qui, par utilité, voire devoir ou responsabilité de l'Etat oblige, c'est selon, dans les manuels d'histoire, et figurer obligatoirement dans les programmes d'enseignement scolaire et universitaire. N'est-ce pas d'ailleurs sur ce pilier de l'enseignement que les grandes nations se sont constituées et pérenniser leur authenticité. Les Algériens ont naguère rejeté l'histoire qui leur enseignait «nos ancêtres les Gaulois», non seulement parce que cela était faux et entrait dans la logique de déculturation et de lobotomisation des populations, du moins celles scolarisées, engagée par le colonialisme et maintenue sans désemparer et pour cause. Toutefois, les programmes de substitution décidés par les institutions nationales, au lendemain de l'indépendance, n'ont pas eu en réalité la consistance attendue, c'est-à-dire de nature à inverser proportionnellement les dommages collatéraux de l'enseignement d'une histoire qui n'était pas la nôtre. Et jusqu'à nos jours, celles-ci (les institutions), ceux qui ont fait l'histoire mais aussi ceux qui l'écrivent n'ont pas pour autant doté la Nation et plus particulièrement ses citoyens de repères mnémoniques… immuables. Seul l'hymne et l'emblème national fédèrent la jeunesse algérienne et cimentent superbement la cohésion nationale entre Algériens de tous âges lors des moments importants que vit le pays et entretiennent ce que ne font pas les supports réputés agir en ce sens, à savoir la littérature, le cinéma, le théâtre, etc.En attendant, toutes les dates historiques évoquées prêtent malheureusement aux seules inaugurations de chrysanthèmes, de débats académiques et polémiques entre historiens en vase clos.