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Les Peuls, un puissant souffle épique
Ouvrage de l'auteur guinéen Tierno Monénembo
Publié dans La Tribune le 14 - 05 - 2009

D'un seul souffle, sur trois cent quatre-vingts pages, Tierno Monénembo nous déroule cinq siècles d'histoire des Peuls à travers la saga d'une famille qui, de conflits et divisions en retrouvailles, nous servira à travers ses tourments de fil conducteur à l'histoire des Peuls tout court. Armez-vous d'une feuille et d'un crayon pour vous retrouver dans une généalogie tumultueuse avant d'y renoncer pour vous laisser aller au seul plaisir d'une écriture fluide, digeste, alerte et souvent portée par un grand souffle poétique. Le souffle épique, lui, traverse tout le roman et il n'est pas évident qu'un roman historique parvienne à l'épopée du seul fait de son objet. L'auteur, seul, construit l'épopée de son récit, vous le savez par les souvenirs du Don paisible ou d'Autant en emporte le vent. La différence tient, pour Monénembo , à sa performance de tenir la distance de cinq siècles sans que jamais l'attention se relâche ou que l'intérêt passionné fléchit.
Performance due à la solution littéraire qu'il puise à la fois dans la tradition des griots, dans une grille de lecture historique qui restitue dans les destins personnels les grandes mutations de cette période, dans la maîtrise de l'écriture romanesque qui lui permet de construire des personnages à la significative épaisseur. Tout à la fois écrasés par le destin, l'héritage familial, les coutumes et la morale sociale et constructeurs de leurs propres itinéraires. Hommes libres face à leurs déterminations sociales, hommes tout entiers, enserrés dans leur détermination face à des choix inédits et à des circonstances dans lesquelles ils trouvent une voie originale avant d'être rattrapés par ces mêmes circonstances.
Cette solution littéraire, Monénembo la structure en trois niveaux de texte qui agissent séparément tout en produisant une synergie des sens qui donne cette dimension épique qui porte le roman.
A deux premiers niveaux, il s'adresse aux Peuls, les invectives et les gourmandes. Il leur rappelle à la fois les mythes fondateurs qui les font naître au Sinaï puis les jettent sur les routes de l'errance vers l'ouest de l'Afrique subsaharienne.
Il s'adresse à eux pour tourner en dérision ce peuple de «pouilleux», querelleur et têtu, qui édifie des dynasties, des empires pour mieux les détruire sous la poussée de facteurs apparemment ataviques mais qui, dans l'écriture, relèvent d'une grille historique qui permet à Monénembo de décrire les évolutions sociales et économiques se déroulant au rythme de cette époque. Enfin, un troisième niveau de texte, réellement
passionnant, nous déroule une histoire de malédiction qui frappe deux frères du clan des Diallo, Diâdié et Mago qui se disputeront la chefferie du clan après la mort de leur grand frère. A ce niveau de texte, nous sommes dans le roman pur, avec une maîtrise d'écriture, une construction des personnages en proie à leurs rêves, leurs
tourments, leurs culpabilités, leur geste et leur héroïsme, les conduites totalement inattendues.
Cette puissance romanesque fait travailler Monénembo dans les interstices, les impondérables, les failles par lesquelles s'expriment et se formalisent les choix et les alternatives sans que les personnages qui les portent ou y sont confrontés les aient vraiment en conscience et sans que l'auteur, jamais, les transcrive en dehors de leurs trajectoires intimes, de leurs doutes, de leurs balancements. Nous sentons bien que l'histoire se fraye ainsi son chemin dans l'aveuglement de la taupe. La fluidité du texte, la souplesse du style nous permettent de passer d'un niveau à un autre comme on repose son regard et comme on passe du tableau général au détail qui lui donne chair et du détail au tableau général qui lui donne sens. De ce point de vue, le lecteur averti sera comblé et le lecteur tout court sera ravi.
Une histoire immédiate ?
Le premier effet de la lecture de ce roman historique relève un peu de l'hébétude.
Les informations que nous possédions, éparses, sur les royaumes qui se construisaient et se défaisaient dans toute la région du Sahel et sud-sahélienne jusqu'au Nigeria actuel ne nous avaient pas prémunis d'une vision encore massive, indifférenciée de la vie des ethnies et particulièrement des Peuls.
A défaut de fouiller dans les documents historiques, bien épars et peu disponibles sur la place publique, ce roman casse tout à la fois l'histoire, l'ethnographie et l'ethnologie coloniales portées sur le fixisme des
mentalités, des mœurs, des façons de produire et de se reproduire. Monénembo casse littéralement cette imagerie. D'emblée, l'histoire des Peuls qu'il nous restitue à travers ce roman est celle de tribus qui sortent de ce qu'on appelle la société primitive et évoluent vers une société esclavagiste inachevée et, concomitamment, vers des formes de la société féodale. Son choix du quinzième siècle n'est pas du tout arbitraire. Cette période d'incertitude sociale combinant plusieurs formes ouvre des possibilités de création d'Etats capables de fixer dans un premier temps les rapports de force entre les différentes tribus et entre agriculteurs et éleveurs.
Les guerres sont le meilleur moyen d'imposer un ordre qui règle ces conflits en donnant la prééminence à un groupe social sur les autres qui lui permettrait de réaliser les accumulations nécessaires à la fondation puis au maintien d'un Etat. L'histoire des Yalalbés est celle de la constitution des empires. Le niveau des surplus économiques générés par le commerce, les échanges, l'exploitation esclavagiste va permettre de construire de puissants Etats, des armées régulières et permanentes, de protéger les routes commerciales, de construire des cités phares et de grands centres commerciaux. Nous sommes bien loin de la vision simpliste qui relègue jusqu'à aujourd'hui les Africains désignés comme une masse informe et indifférenciée en dehors du temps et de l'histoire. Bien au contraire, malgré ses sarcasmes fraternels, Monénembo nous rend une vitalité des tribus africaines en train de passer au stade de proto-nations au sens moderne du terme. Bien sûr, ce passage ne pouvait se faire sans la force centripète des croyances peules qui cimentaient leur unité guerrière, un peu comme la Aççabiya d'Ibn Khaldoun. Mais ces croyances, elles-mêmes, devenaient au fil du temps contradictoires avec la naissance de l'Etat central, supra tribal, expression suprême de la nation. L'islam et l'action des marabouts vont, au fil des siècles, se proposer comme croyance alternative, violemment et férocement combattue aux seizième et dix-septième siècles, au nom des valeurs ancestrales, de l'éthique peule. L'islam présentait cependant une supériorité manifeste qui permettait de passer de l'idée du clan à celui de communauté non tribale. Cette geste de l'islam accompagnera l'arrivée puis la présence permanente des Européens. Les Portugais, d'abord, les Français et les Anglais, ensuite, à la recherche d'esclaves et d'or, de peaux et de quantité d'autres produits. Cette intrusion européenne ne fut pas particulièrement brutale. Elle s'appuyait sur les traditions locales et ne représentait que la facette du commerce extérieur, avec des hommes disposant, bien sûr, de moyens supérieurs. Les bouleversements viendront plus tard avec la violence européenne, les intrigues et les complots, des stratagèmes que ni les Peuls ni les autres ethnies ne pouvaient percer du fait de leur perception historique. Ce balancement des Peuls entre les croyances traditionnelles et l'islam comme alternative est fascinant dans ce roman par ses nuances, ses chemins tortueux, ses flux et ses reflux, bref par toutes ces nuances qui donnent les couleurs de la vie jamais linéaire à un texte qui ne l'est pas non plus.
Quant à l'issue des stratagèmes coloniaux, les Peuls et les autres autochtones perdront la maîtrise de leurs terres et de leurs pays, nous comprenons, à travers la seul travail littéraire de Monénembo , comment les intrusions coloniales ont cassé les dynamiques internes de l'évolution des sociétés africaines et combien cette cassure a été brutale. Comme il apparaît dérisoire, faux et de mauvaise foi ce reproche fait aux Africains d'être incapables de construire des Etats. Non seulement ces Etats existaient mais, tout comme les Etats centraux européens s'étaient constitués, ils se frayaient un chemin à travers les contradictions de leurs peuples et de leurs sociétés. Les vastes territoires concernés par cette épopée des Peuls et des autres ethnies vont du nord du Mali au Nigeria actuel.
La pire de l'agression et du partage coloniaux consistent indubitablement dans le tracé artificiel des frontières qui ne correspondent en rien aux réalités et aux héritages historiques. A la lecture de ce roman, on comprend aisément qu'elles constituent le frein le plus puissant à une réappropriation de leur histoire par ces peuples.
Le roman se termine avec la mise sous tutelle et sous occupation de toute la région.
Les mêmes causes et les mêmes effets
Nos ancêtres du Sahara partageaient avec les Peuls, la vénération des vaches et des bovins. Ils leur réservaient des sépultures et si tous les secrets de ces croyances ne sont pas élucidés pour les peuples qui habitaient le Hoggar et le Tassili N'Ajjer, l'idée de parenté mythologique n'est pas saugrenue. Les mythes peuls qui désignent le Sinaï comme terre d'origine montrent à l'envi que le Sahara, les parcours qui vont de la Gambie actuel au Tchad et aux portes du Darfour furent des terres de conflits, de transhumance, d'échanges, de convoitises sur des bases à peu près identiques que nous retrouvons dans le roman comme s'il nous parlait des conflits actuels le pétrole en moins mais avec l'or et bien d'autres matières précieuses. Ce n'est pas l'objet du roman bien sûr mais si, sur des siècles, les mêmes déterminations économiques, sociales, culturelles ont généré tant de guerres et tant de tentatives de construction d'une hégémonie d'une ethnie sur les autres, nous en retenons au moins l'idée que les tempêtes viennent toujours de loin. Mais est-ce vraiment un hasard que ce livre nous éclaire autant sur ce qui agite cette Afrique d'aujourd'hui ?
M. B.
Les Peuls de Tierno Monénembo , éditions APIC, 2008, 391 pages, 700 dinars


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